Décision judiciaire de Conseil d'État, 14 février 2017

Date de Résolution14 février 2017
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

LE PRESIDENT DE LA XIII e CHAMBRE DES REFERES,

A R R E T

nº 237.366 du 14 février 2017

A. 219.273/XIII-7674

En cause : 1. d'ADDARIO Mauro, 2. GUERRA Mirella, ayant tous deux élu domicile chez Me Frédéric VAN DEN BOSCH, avocat, rue de la Procession 25 1400 Nivelles,

contre :

la Commune de Seneffe, ayant élu domicile chez Mes Laurence de MEEÜS et Maya TABET, avocats, chemin du Stocquoy 1 1300 Wavre. ------------------------------------------------------------------------------------------------------ I. Objet de la demande

Par une requête introduite le 17 octobre 2016, Mauro d'ADDARIO et Mirella GUERRA demandent la suspension de l'exécution du permis délivré le 7 mars 2016 à Gilles GONDRY et Caroline LIEGEOIS par le collège communal de Seneffe pour la transformation d'une habitation, la construction d'une piscine et l'aménagement des abords concernant un bien situé à Seneffe, rue de Renissart, nº 49, cadastré 1ère division, section D, nº 662s.

II. Procédure

Les mêmes requérants ont introduit un recours en annulation contre le même acte, le 18 mai 2016.

La partie adverse a déposé le dossier administratif.

Mme Valérie MICHIELS, auditeur au Conseil d'Etat, a déposé un rapport rédigé sur la base de l'article 12 de l'arrêté royal du 5 décembre 1991 déterminant la procédure en référé devant le Conseil d'Etat.

Le rapport a été notifié aux parties.

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Par une ordonnance du 13 décembre 2016, l'affaire a été fixée à l'audience du 11 janvier 2017 à 10 heures;

M. Michel PAQUES, conseiller d'Etat, a exposé son rapport.

Me Luca CECI, loco Me Fr. VAN DEN BOSCH, avocat, comparaissant pour les parties requérantes, et Me Maya TABET, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont été entendus en leurs observations.

Mme Valérie MICHIELS, auditeur, a donné un avis conforme au présent arrêt.

Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Faits utiles à l'examen de la demande

1. Les requérants sont propriétaires d'un immeuble d'habitation situé à Seneffe, rue de Renissart, nº 47, où ils résident.

Ce bien se situe sur le terrain jouxtant celui appartenant aux époux GONDRY-LIEGEOIS, pour lequel le permis d'urbanisme litigieux a été octroyé.

  1. Les terrains précités sont inscrits en zone d'habitat au plan de secteur de La Louvière-Soignies, adopté par arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1987.

    En outre, ces terrains se situent dans le périmètre d'un permis de lotir du 19 juillet 1990 (réf. 2/90/087), comprenant trois lots.

  2. Le 16 juillet 2014, les époux GONDRY-LIEGEOIS ont demandé un permis d'urbanisme pour la transformation et l'extension de leur habitation, située à Seneffe, rue de Renissart, nº 49, ainsi que la construction d'une piscine et l'aménagement des abords de leur immeuble.

    Le permis a été délivré le 17 novembre 2014 par le collège communal de Seneffe.

  3. Sur recours des requérants, le permis d'urbanisme du 17 novembre 2014 est annulé par un arrêt nº 237.001 du 10 janvier 2017.

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    5. En septembre 2015, les époux GONDRY-LIEGEOIS ont décidé d'adapter leur projet et ont introduit une nouvelle demande de permis.

    Cette demande est déposée au service urbanisme contre récépissé daté du 16 septembre 2015 et vise désormais un projet adapté comme suit :

    " 1. transformation de l'habitation :

    - remplacement de la verrière de la cuisine située dans le prolongement de la toiture par une toiture plate

    - fermeture partielle d'une baie de porte par la construction d'une allège pour créer une baie de fenêtre similaire aux autres matériaux :

    • menuiseries de ton gris foncé • briques similaires aux existantes pour l'allège • bandeau en «Eternit Operal» • rive en alu laqué de ton gris foncé

    - le projet déroge aux prescriptions en ce qui concerne la toiture plate

  4. piscine :

    - construction d'une piscine de ± 9 m sur ± 4 m - profondeur ± 1,5 m - entourée sur côtés d'un trottoir d'une largeur de ± 1 m à ± 1,65 m prolongée vers le

    NE d'une terrasse de ± 4 m sur ± 8,7 m - aménagement d'escaliers pour accéder à la zone piscine depuis la terrasse existante près de l'habitation - terrassement en remblais - déblais - matériaux :

    • dalles granit bouchardées

    - le projet déroge aux prescriptions en ce qui concerne les constructions en zone de cours et jardins où seul une serre, un abri de jardin ou une véranda peut être construit

  5. accès latéral :

    - réaménagement de l'accès latéral par la suppression des billes de chemin de fer par des «L» en béton pour le soutènement des terres

    - élargissement (de ± 2 m) du passage latéral sur la partie latérale avant gauche de l'habitation pour mise en largeur similaire à l'arrière (± 3,7 m)

    - élargissement (de ± 1,5 m) de l'entrée de ce dégagement latéral en partie de la zone de dégagement latéral pour la porter à ± 3 m de largeur

    - matériaux :

    • pavé Klinkers • «L» en béton de hauteur variant de 0,7 m à 1,2 m en fonction de la différence de niveau

    - quelques modifications du relief du sol seront nécessaires pour pouvoir s'intégrer dans le terrain en pente

    - le projet déroge aux prescriptions en ce qui concerne le débordement partiel dans la zone de dégagement latéral non aedificandi

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    4. abri de jardin :

    - abri de jardin à toiture plate - 5 m sur 3 m hauteur de ± 2,3 m implanté à 1 m des limites parcellaires - implanté dans le coin arrière Ouest - le projet déroge aux prescriptions en ce qui concerne les constructions en zone de cours et jardins où seul une serre, un abri de jardin ou une véranda peut être construit".

  6. Le projet appelle une dérogation aux prescriptions urbanistiques du lotissement en ce qui concerne :

    - l'article IV: le projet prévoit une toiture plate pour le remplacement de la verrière de la cuisine alors que le permis de lotir précise que "les toitures seront à versants avec faîtage et inclinaison minimum de 35º et maximum de 50º";

    - l'article VII : le projet prévoit, pour l'extension, des matériaux de couleur et ton gris foncé alors que le permis de lotir indique que "les parements des murs seront exécutés en brique de terre cuite de ton rouge-brun"; l'examen du dossier révèlera que cette dérogation est inexistante;

    - l'article III (D) : alors que le permis de lotir précise que les zones de dégagement latéral sont des zones non aedificandi, le projet prévoit l'aménagement d'un accès latéral qui déborde sur cette zone;

    - l'article VIII (B) : le projet vise à créer une piscine à l'arrière de l'habitation existante, dans la zone de cours et jardins, alors que le permis de lotir autorise uniquement, au sein de cette zone, la construction d'une serre, un abri de jardin ou une véranda;

    - l'article VIII (B) : le projet prévoit la création d'un second abri de jardin, alors qu'il en existe déjà un actuellement, qui ne respecte pas les conditions du permis de lotir en termes de dimension et d'implantation.

  7. La demande de permis a été soumise à des mesures particulières de publicité du 22 octobre au 9 novembre 2015. Les requérants ont émis une réclamation, formulée comme suit :

    " Comme exposé dans le cadre de l'enquête publique réalisée pour le permis d'urbanisme que vous avez délivré à Monsieur et Madame GONDRY-LIEGEOIS, le 17 novembre 2014, à l'encontre duquel un recours en annulation a été introduit devant le Conseil d'Etat, mes clients relèvent, à nouveau, que la dérogation demandée à l'article III (D) du permis de lotir du 19 juillet 1990, applicable au projet litigieux, ne se justifie pas.

    En effet, la réduction de la distance de dégagement latéral, au sein de laquelle aucune construction ne peut être réalisée, engendrera des nuisances importantes pour mes clients (notamment des troubles sonores).

    En outre, les demandeurs disposent déjà d'un espace de parking pour 2 véhicules, ce qui rend inutile l'aménagement d'un parking supplémentaire dans la zone non aedificandi prévue par le permis de lotir du 19 juillet 1990, et démontre que la dérogation demandée n'est pas nécessaire à la réalisation optimale du projet, d'autant qu'elle vise à autoriser des travaux interdits et porte donc atteinte à

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    l'essence de l'article III (D).

    Il existe par ailleurs des alternatives qui justifient que le projet ne soit pas réalisé en dérogation.

  8. Mes clients rappellent également que la construction d'une piscine à l'arrière de l'habitation de Monsieur et Madame GONDRY-LIEGEOIS n'est pas autorisée par le permis de lotir du 19 juillet 1990, qui permet uniquement l'installation de serres, d'abris de jardin ou de vérandas au sein de la zone de cours et jardin.

    Or, l'octroi d'une telle dérogation reviendrait à porter atteinte à une des données essentielles du permis de lotir du 19 juillet 1990 et à mettre en péril une de ses prescriptions essentielles, ce qui ne peut être accepté, une dérogation ne pouvant dénaturer la règle à laquelle il est dérogé (C.E., nº 12.250, 28 février 1967, DELAFONTAINE; C.E., nº 15.909, 8 juin 1973, THIEBAULT et LEFEBVRE).

  9. De manière plus générale, mes clients relèvent que les dérogations demandées sont en totale rupture avec les prescriptions du permis de lotir du 19 juillet 1990, en ce qu'elles visent à autoriser des travaux interdits ou à s'écarter significativement des prescriptions auxquelles il serait dérogé.

    Partant, non seulement ces dérogations porteraient atteinte à l'essence du permis de lotir du 19 juillet 1990, ce qui ne peut être accepté (voir point 2), mais elles reviendraient en réalité à procéder à une modification de ce permis de lotir, sans respecter la procédure applicable à une telle modification (violation des articles 102 et suivants du CWATUPE).

    Les dérogations demandées devraient donc être refusées, ce qui confirme que le permis d'urbanisme sollicité par Monsieur et Madame GONDRY-LIEGEOIS ne pourrait leur être délivré".

  10. L'avis du fonctionnaire délégué est réputé favorable...

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