Décision judiciaire de Conseil d'État, 19 janvier 2017

Date de Résolution19 janvier 2017
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

LE PRÉSIDENT DE LA VIIIe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 237.086 du 19 janvier 2017

A. 216.495/VIII-9767

En cause : SMEULDERS Jean-Marc, ayant élu domicile à la Centrale générale des services publics (CGSP) place Fontainas 9-11 1000 Bruxelles,

contre :

la province de Brabant wallon, représentée par son collège provincial, ayant élu domicile chez Mes Marie BOURGYS et Yves SCHNEIDER, avocats, avenue Alphonse Valkeners 5/1 1160 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ I. Objet de la requête

Par une requête introduite le 17 juillet 2015, Jean-Marc SMEULDERS demande l'annulation de "l'arrêté du Collège provincial du 12 mai 2015, par lequel la sanction disciplinaire de la suspension pour une période d'un mois [lui] est infligée".

II. Procédure

Les mémoires en réponse et en réplique ont été régulièrement échangés.

M. Alain LEFEBVRE, premier auditeur au Conseil d'État, a rédigé un rapport sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure.

Le rapport a été notifié aux parties.

Les parties ont déposé un dernier mémoire.

Par une ordonnance du 1er décembre 2016, l'affaire a été fixée à l'audience du 17 janvier 2017.

VIII - 9767 - 1/30

M. Jacques VANHAEVERBEEK, président de chambre, a fait rapport.

Me Monique DETRY, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Yves SCHNEIDER, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont été entendus en leurs observations.

M. Alain LEFEBVRE, premier auditeur, a émis un avis conforme au présent arrêt.

Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Faits

Les faits utiles à l'examen du recours sont les suivants :

  1. Le 1er mai 2002, le requérant entre en fonction auprès de la partie adverse. Il exerce la fonction d'ouvrier magasinier (D2) à la direction des Infrastructures et du Développement territorial.

  2. Le 5 novembre 2014, le supérieur hiérarchique du requérant, Nicolas DEMARET, directeur, lui envoie le courrier suivant relatif à un entretien de fonctionnement : " Monsieur SMEULDERS,

    Les prochains entretiens d'évaluation seront programmés en avril 2015.

    Ces évaluations sont mises en œuvre sur base de la grille de critères telles qu'adoptée par le Conseil provincial.

    Lors de cette évaluation, le collège d'évaluation fixera une appréciation sur votre travail et sur vos relations professionnelles, notamment en ce qui concerne le respect de la ligne hiérarchique, la loyauté vis-à-vis de l'institution, l'investissement professionnel, le respect des horaires, la civilité, la collaboration, la qualité et la quantité de travail, et ce conformément aux objectifs fixés par votre ligne hiérarchique.

    Compte tenu des constatations actuelles, il m'est apparu de bonne gestion de vous rappeler ces critères sur lesquels vous serez évalué et ainsi vous encourager à améliorer l'un ou l'autre de ces points en mettant à profit les quelques mois restant avant ces nouvelles évaluations.

    Je vous rappelle également que le statut vous permet de solliciter un entretien de fonctionnement intermédiaire, durant lequel nous pouvons faire un point sur votre travail et les objectifs attendus dans votre chef. Je suis à votre disposition si vous l'estimez nécessaire.

    VIII - 9767 - 2/30

    En vous remerciant d'avance pour votre collaboration, je vous prie d'agréer, Monsieur SMEULDERS, l'expression de ma considération distinguée".

  3. Le 13 novembre 2014, a lieu l'entretien de fonctionnement, en présence de Nicolas DEMARET ainsi que de Pierre PIRLOT, directeur d'administration f.f. et de Anne SCHOONHEYDT, chef de bureau responsable GRH au sein de la DA 3. Un procès verbal de cet entretien de fonctionnement est signé par le requérant.

  4. Le 25 novembre 2014, Nicolas DEMARET et Pierre PIRLOT envoient à la directrice générale un rapport informatif sur la manière de servir du requérant.

  5. Le 27 novembre 2014, un rapport disciplinaire généré par Sophie RAIMONDI et sur lequel la directrice générale a donné un avis positif est établi a charge du requérant. Il est rédigé comme suit : " 1. Motivation de la note

    Monsieur Jean-Marc SMEULDERS est un agent à titre définitif en qualité d'ouvrier (D2) magasinier à la Direction d'administration des infrastructures et du développement territorial. Il est entré en fonction le 1 mai 2002.

  6. Les faits

    2.1 Procès-verbal de l'entretien de fonctionnement du 13 novembre 2014

    Faisant suite au courrier envoyé en date du jeudi 6 novembre 2014, Monsieur SMEULDERS a sollicité un entretien de fonctionnement en vue d'obtenir des précisions sur la teneur dudit courrier.

    Mr PIRLOT explique que la ligne hiérarchique a sans cesse des retours négatifs de la part de tous les collègues de l'agent. Il informe Mr SMEULDERS qu'un rapport administratif sur sa manière de servir est parti à l'instruction et qu'il a été demandé expressément que les noms des agents victimes de son agressivité soient à ce jour non dévoilés. Mr SMEULDERS insiste pour signaler qu'il n'a plus rien 'dit contre ses collègues' depuis plusieurs mois. Il se plaint par ailleurs d'être aujourd'hui dans un local de 15 m² avec deux autres agents ce qui génère une atmosphère de travail peu agréable. Mr SMEULDERS dit également qu'il se contente de faire ce qu'on lui demande.

    Mr DEMARET relève que son comportement offensif empêche les autres de s'exprimer et que dès lors les agents viennent se plaindre directement à la ligne hiérarchique.

    Mr SMEULDERS relève aussi qu'il aurait été 'engueulé' par l'un des chefs d'équipe – Mr Godefroid DE VOGHEL qui se serait excusé ensuite de sa mauvaise humeur (en lien avec un stationnement non autorisé du véhicule de Mr SMEULDERS sur une aire non prévue à cet effet). Cette version des faits n'[est] pas confirmée par l'agent intéressé, l'objet du présent entretien étant tout autre. Mr PIRLOT relève d'ailleurs qu'il ne croit plus en ce que lui dit Mr SMEULDERS.

    VIII - 9767 - 3/30

    Mr SMEULDERS ne se rend même plus compte du fait que ses remarques dépassent toute forme de contexte professionnel. Ainsi, selon lui, traiter un autre agent de 'petite pute' est admissible sous la forme d'un trait d'humour et cette remarque demande, pour être comprise, à être recontextualisée. Selon Mr PIRLOT, Mr SMEULDERS fait complètement l'impasse sur ses problèmes de comportement et cela va même de mal en pis. Il ne se rend même plus compte du fait qu'il dépasse constamment les limites professionnelles.

    Mr SMEULDERS continue de dire qu'il travaille tel que demandé. Mr SMEULDERS demande également le respect de la part des autres, ce qui nous paraît tout de même paradoxal vu le peu de respect qu'il témoigne lui-même vis-à-vis des autres. Mr SMEULDERS rappelle que Mr PIRLOT lui a dit 'ta gueule' par 2 fois à la sortie du Collège et dit avoir en ce sens été agressé par Mr PIRLOT. Mr PIRLOT estime que Mr SMEULDERS avait largement dépassé les bornes faisant courir des rumeurs déplacées à son sujet y compris pendant la séance des vœux où il laissait entendre qu'il allait attaquer Mr PIRLOT en harcèlement. Mr SMEULDERS ne réfute pas avoir fait courir des rumeurs à l'époque.

    Selon Mr PIRLOT il est extraordinaire que 6 à 7 agents se soient plaints de son comportement et que Mr SMEULDERS feigne encore ne pas comprendre ce qui se passe. Mr SMEULDERS ne comprend pas en quoi il doit changer son mode de comportement.

    Mr DEMARET n'a plus envie de perdre son temps avec les comportements déplacés de Mr SMEULDERS et les agents sont fatigués d'aller au conflit. Mr DEMARET a même peur de mettre au contact de Mr SMEULDERS des nouveaux agents tellement il est désagréable.

    Mr SMEULDERS se justifie en disant qu'il est d'ailleurs le plus serviable avec les agents EER. Mr SMEULDERS demande de le laisser au nouveau magasin. Mr DEMARET dit que chacun a eu sa chance au magasin et que depuis 10 ans cela n'a rien donné. Aujourd'hui, comme tous les outils et moyens ont été mis en place, il faut tirer le constat que la situation est sans issue. Mr DEMARET a d'ailleurs eu vent du fait que durant la maladie de Mr SMEULDERS (lors du déménagement en juin 2014), celui-ci avait fait savoir qu'il était heureux de 'mettre à mal la ligne hiérarchique'.

    Mr SMEULDERS se plaint de l'exiguïté du local de travail actuel et du fait d'être avec certains collègues. Selon Mr PIRLOT, Mr SMEULDERS se montre menaçant, insultant et irrespectueux à l'égard de tous. En outre, il couvre absolument tout et pratique l'omerta à tout prix. Il sait tout ce qui se passe mais choisit délibérément de ne rien dire. Il est donc normal qu'aujourd'hui il doive subir ce qu'il a couvert pendant des années. Mr SMEULDERS a d'ailleurs reconnu de multiples fois couvrir des faits délictueux et refuser clairement de nommer les problèmes et les comportements non conformes au règlement (ex : détournement de matériel provincial). Mr PIRLOT insiste aussi sur le fait que tout ce qui est mis en œuvre pour aider les agents est également constamment interprété comme étant négatif.

    Mr SMEULDERS veut bien assumer le fait d'avoir trop couvert les agents EER mais trouve qu'il est difficile de gérer la problématique de Mr RUELENS et ne sait pas comment lui parler. Mr SMEULDERS veut bien faire le nécessaire pour régler les problèmes d'outillage mais ne sait pas comment réagir face à Mr RUELENS. Selon Mr PIRLOT, d'une part il ne lui est pas demandé de régler un quelconque problème avec Mr RUELENS et d'autre part Mr RUELENS est le résultat d'une omerta qui existe depuis longtemps déjà à la Province, cette situation de dépendance ayant toujours été couverte par des chefs d'équipe successifs. Mr PIRLOT signale également que l'alcoolisme est un problème

    VIII - 9767 - 4/30

    présent parmi les ouvriers et ce, aussi durant les heures de travail. Ce n'est pas rendre service aux agents que de les couvrir. Prétendre qu'il n'y a pas de...

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