Décision judiciaire de Conseil d'État, 14 novembre 2016

Date de Résolution14 novembre 2016
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R Ê T

nº 236.414 du 14 novembre 2016

  1. 220.647/VIII-10.287

En cause : KAMARI Mejido, ayant élu domicile chez

Me Daria JINGA, avocat, avenue de la Toison d'Or 68/9 1060 Bruxelles,

contre :

la commune de Saint-Gilles, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, ayant élu domicile chez

Me Jean LAURENT, avocat, avenue Louise 250 1050 Bruxelles.

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LE PRÉSIDENT F.F. DE LA VIII e CHAMBRE DES RÉFÉRÉS,

Vu la requête introduite le 4 novembre 2016 par Mejido KAMARI tendant à la suspension, selon la procédure d'extrême urgence, de l'exécution de "l'acte administratif adopté par le Conseil Communal de la Commune de Saint-Gilles en date du 27 octobre 2016, par lequel la sanction majeure de la démission d'office est infligée à Monsieur Mejido KAMARI, adjoint ouvrier";

Vu l'ordonnance du 7 novembre 2016 convoquant les parties à l'audience publique du 14 novembre 2016;

Vu la note d'observations et le dossier administratif;

Entendu, en son rapport, Frédéric GOSSELIN, conseiller d'État;

Entendu, en leurs observations, Me Daria JINGA, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Jean LAURENT, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, Florence PIRET, auditeur au Conseil d'État;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen du recours se présentent résumés comme suit :

  1. Le requérant travaille au sein des services de la partie adverse depuis 19 ans. Il ressort du dossier qu'il est nommé à titre définitif en qualité d'adjoint ouvrier (menuisier) depuis le 1er août 2006, qu'il a été muté vers la piscine communale à partir du 30 janvier 2008, puis mis à la disposition du c.p.a.s. de Saint-Gilles à dater du 1er septembre 2008.

    Cette mise à disposition a pris fin anticipativement par une décision de la partie adverse du 22 décembre 2010 et, depuis le 3 janvier 2011, il est affecté à la cellule anti-graffitis de la section propreté publique du service des travaux publics.

  2. Entre le 21 février et le 10 mars 2016, les témoignages écrits de quatre collègues du requérant, Alain LETELLIER, Fouad ANGRI, Karim RIHAHI et Jean-Luc CIBILLE, font état de son comportement irrespectueux, insultant et agressif à l'égard de sa supérieure hiérarchique, Pascale FELIX, et dénoncent également la mauvaise ambiance qu'il crée au sein du service.

  3. Ces témoins sont entendus par le secrétaire communal, Laurent PAMPFER, entre mars et avril 2016. À cette occasion, ils confirment les faits en tant que témoins directs, la volonté du requérant de "mettre des bâtons dans les roues" de sa supérieure hiérarchique dès lors qu'il ne supporte pas être dirigé par une femme, et qu'il excipe de sa qualité de délégué syndical pour affirmer qu'il est intouchable.

    Deux d'entre eux, Karim RIHAHI et Jean-Luc CIBILLE, dénoncent également les propos injurieux qu'il a tenus à l'encontre du secrétaire communal lui-même.

  4. Le 10 mars 2016, le requérant se voit infliger la sanction disciplinaire de la réprimande non pas en raison de ces quatre témoignages mais, selon l'acte

    attaqué, "suite aux différents rapports mettant en évidence des manquements professionnels".

  5. Dans un rapport au collège des bourgmestre et échevins du 17 mai 2016, le secrétaire communal rappelle la réprimande du 10 mars 2016 précitée et précise qu' "ultérieurement à cette sanction, Madame Pascale FELIX, responsable au service Propreté publique, a transmis (…) plusieurs témoignages écrits au contenu interpellant. À la lecture de ceux-ci, j'ai décidé d'entendre certains auteurs de ces témoignages afin de faire la lumière sur leur contenu".

    Les quatre auditions précitées sont annexées au rapport et au terme de celui-ci, le secrétaire communal relève qu'il est partiellement visé par les propos du requérant, de telle manière qu'il propose au collège de se retirer de l'instruction de ce dossier et de désigner un remplaçant.

  6. Le 24 mai 2016, Pascale FELIX rédige un "rapport sur la manière de servir" du requérant en dénonçant son comportement à son égard qu'elle apparente à du harcèlement "tant professionnel que privé". Ce rapport dénonce notamment :

    " (…) au lendemain de la sanction disciplinaire que Monsieur KAMARI a reçu[e], il est revenu triomphant au dépôt, en criant : «je suis le roi Mejido, on ne peut rien contre moi, je suis nommé et délégué syndical, donc intouchable».

    Ce comportement a été déclencheur d'un ras le bol chez certains travailleurs, qui sont venus me trouver avec des témoignages sur des propos que Monsieur KAMARI tenait à mon égard (…)".

  7. Le 26 mai 2016, le collège des bourgmestre et échevins décide, sur la base des quatre témoignages et du rapport du secrétaire communal, d'ouvrir une instruction disciplinaire à l'encontre du requérant et de désigner Christophe MOYSON comme secrétaire communal faisant fonction "aux fins d'instruire disciplinairement le dossier et ce suivant la délibération du Conseil communal du 4 novembre 2014 prévoyant le remplacement du secrétaire communal".

  8. Le 31 mai 2016, le secrétaire communal faisant fonction rédige un rapport à l'attention du collège. Après avoir reproduit in extenso les témoignages, le rapport du secrétaire communal du 17 mai 2016 et le rapport sur la manière de servir du 24 mai 2016, il indique ce qui suit :

    " Considérant que le comportement et les paroles reprochés [au requérant] sont relatifs aux prétendues orientations sexuelles de deux de ses supérieurs hiérarchiques et de la volonté de ne pas obéir à l'un d'eux aux motifs qu'elle est du genre féminin.

    Considérant que [le requérant] montre qu'il ne prend pas en compte les motifs de peines disciplinaires antérieures lorsque, après le dernier prononcé, il revient dans son service ouvertement triomphant.

    (…)

    Considérant que le comportement inacceptable [du requérant] se manifeste tant sur le lieu de travail qu'en dehors de celui-ci notamment sur la sphère privée de sa responsable hiérarchique, Madame Pascale FELIX;

    Que ce comportement s'est également manifesté à l'égard de Monsieur Laurent PAMPFER, Secrétaire communal;

    Suite à la présentation de ces faits, vous conviendrez, Monsieur le Bourgmestre, Mesdames et Messieurs les Échevins, que le comportement [du requérant] contrevient sérieusement à certaines de nos dispositions réglementaires et statutaires;

    (…)

    Considérant que le comportement [du requérant] envers sa supérieure hiérarchique, Mme Pascale FELIX, est problématique dès lors qu'il vise à dénigrer celle-ci sur ses prétendues orientations sexuelles et son genre féminin;

    Considérant que [le requérant] s'est déjà vu signaler pour des faits et des comportements ayant donné lieu à différentes mesures disciplinaires par le passé;

    Considérant les observations écrites qui lui ont été adressées en raison de faits identiques et l'enjoignant à chaque fois de respecter tant sa hiérarchie que ses collègues;

    Considérant que les différents témoignages, auditions et rapports sur la manière de servir [du requérant] indiquent clairement un manque de respect flagrant dans son chef tant envers Mme Pascale FELIX que Monsieur Laurent PAMPFER, secrétaire communal;

    (…)".

  9. Le 2 juin 2016, le collège des bourgmestre et échevins de la partie adverse prend acte dudit rapport, de "la gravité des griefs" qui y sont repris et décide de renvoyer le dossier au conseil communal aux fins de poursuite de la procédure disciplinaire.

    Cette décision est transmise au requérant par un courrier du même jour, qui l'invite à être entendu par le conseil communal le 23 juin 2016.

  10. Il ressort du dossier que le 9 juin 2016, le conseil du requérant a consulté l'ensemble du dossier disciplinaire mis à sa disposition au département Personnel GRH.

  11. Le 21 juin 2016, la partie adverse informe le requérant qu'"entretemps, plusieurs pièces complémentaires ont été versées au dossier", lui communique ces pièces et maintient la date prévue pour l'audition devant le conseil communal.

    Ces pièces consistent en des déclarations de quatre collègues du requérant.

    Dans sa déclaration du "15 juin 2015" [lire : 2016], Diallo AMADOU expose que le requérant "est venu sur mon poste de travail pour me demander de signer un document car Abdel avait déposé plainte contre lui pour insulte. Il voulait que je signe pour dire qu'il ne m'avait jamais insulté. À la pause, j'en ai discuté avec les collègues et je me suis rendu compte que [le requérant] ne disait pas la même chose pour avoir des signatures. J'ai très peur que ma signature soit utilisée pour des mauvaises raisons".

    Les autres déclarations vont dans le même sens : - "[le requérant] est venu sur mon poste de travail, alors qu'il était en congé, pour me demander de signer un document comme quoi il n'avait jamais insulté de balayeurs. J'en ai discuté avec d'autres collègues et je me rends compte que [le requérant] a changé ses explications d'une personne à l'autre. [Il] ne m'a pas exposé la situation clairement et j'ai peur que ma signature soit utilisée dans un autre contexte. Je demande que ma signature ne soit plus prise en compte" (déclaration dactylographiée de Fabrice BOUILLON du «16 juin 2015» [lire : 2016]); - "J'atteste que [le requérant] est venu sur mon poste de travail pour me demander de signer un document pour dire qu'il ne m'avait jamais insulté. D'autres collègues m'ont dit que [le requérant] leur avait raconté une...

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