Décision judiciaire de Conseil d'État, 27 septembre 2016

Date de Résolution27 septembre 2016
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R Ê T

nº 235.871 du 27 septembre 2016

  1. 214.903/VIII-9600

En cause : la société coopérative à responsabilité limitée

Intercommunale d'Étude et de Gestion (IEG), ayant élu domicile chez Me Benoît VERZELE, avocat, drève Gustave Fache 3/4 7700 Mouscron,

contre :

la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez Me Sébastien DEPRÉ, avocat, place Flagey 7 1050 Bruxelles.

Partie intervenante :

DONT Johan,

ayant élu domicile chez

Me Geoffroy GENERET, avocat, rue Capitaine Crespel 2-4 1050 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE CONSEIL D'ÉTAT, VIIIe CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 30 janvier 2015 par la société coopérative à responsabilité limitée Intercommunale d'Étude et de Gestion qui demande l'annulation de "l'arrêté du 02 décembre 2014 de Monsieur le Ministre Régional Wallon des Pouvoirs locaux, de la Ville, du Logement et de l'Énergie arrêtant que : « La décision de l'IEG prise en date du 20 mai 2014 par Monsieur Guy

BRUTSAERT, Directeur général, et Monsieur Michel FRANCEUS, Président, relative au licenciement de Monsieur Johan DONT, maître-nageur est annulée.

Et arrêtant que :

La décision du 26 juin 2014 du Conseil d'administration de l'IEG, décidant de ratifier la décision de licencier sur le champ Monsieur Johan DONT, en date du 20 mai est annulée»";

VIII - 9600 - 1/14

Vu la requête introduite le 6 mars 2015 par laquelle Johan DONT demande à être reçu en qualité de partie intervenante;

Vu l'ordonnance du 19 mars 2015 accueillant provisoirement cette intervention;

Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

Vu le rapport de Benoit CUVELIER, premier auditeur chef de section au Conseil d'État, rédigé sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure;

Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;

Vu l'ordonnance du 13 juin 2016 fixant l'affaire à l'audience publique du 23 septembre 2016;

Entendu, en son rapport, Jacques VANHAEVERBEEK, président de chambre;

Entendu, en leurs observations, Me Benoît VERZELE, avocat, comparaissant pour la partie requérante, Mes Sébastien DEPRÉ et Maxime CHOMÉ, avocats, comparaissant pour la partie adverse, et Me Pierre VANDUEREN, loco Me Geoffroy GENERET, avocat, comparaissant pour la partie intervenante;

Entendu, en son avis conforme, Benoit CUVELIER, premier auditeur chef de section;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen du recours se présentent comme suit :

  1. L'intervenant a été engagé le 1er avril 1990 par la ville de Mouscron en qualité de maître de natation.

  2. Le 1er novembre 2001, il devient maître-nageur contractuel auprès de la requérante à la piscine "les Dauphins".

    VIII - 9600 - 2/14

    3. Par un envoi recommandé du 16 mai 2014, Guy BRUTSAERT, directeur général de la requérante, convoque l'intervenant à une audition prévue le 20 mai 2014, sans en préciser le motif. L'avis de passage a été déposé à son domicile le 20 mai 2014, et indique que l'intervenant était absent.

  3. L'intervenant ne s'est pas présenté à l'audition du 20 mai 2014.

  4. Par un envoi recommandé du même jour, et signé par Guy BRUTSAERT et par Michel FRANCEUS, président du conseil d'administration, l'intervenant est licencié "pour motif de rupture de confiance et comportement inadéquat du travailleur" moyennant une indemnité compensatoire de préavis, "équivalente à 112 jours et 4 semaines de rémunérations". La décision précise également que l'intervenant est dispensé de prester son préavis.

  5. Le 26 juin 2014, le conseil d'administration de la requérante ratifie la décision du 20 mai 2014 de "licencier sur le champ" (sic) l'intervenant.

  6. Par un courrier du 18 septembre 2014, l'intervenant introduit, par le biais de son organisation syndicale, un recours gracieux à l'encontre de son licenciement auprès de l'autorité de tutelle. Dans ce courrier, il est fait part de plusieurs motifs d'irrégularité du licenciement. Plus précisément, l'auteur de la réclamation invoque le délai trop court de convocation, l'absence d'audition préalable et un problème de compétence de l'auteur de l'acte.

  7. Le 30 octobre 2014, dans le cadre de l'instruction du recours gracieux, la requérante communique le dossier administratif à la partie adverse.

  8. Par un arrêté du 2 décembre 2014, la partie adverse décide d'annuler, d'une part, la décision du 20 mai 2014 par laquelle l'intervenant est licencié et, d'autre part, la décision du conseil d'administration de la requérante du 26 juin 2014 qui ratifie ce licenciement.

    Cet arrêté est motivé de la manière suivante :

    " (…)

    Considérant que les faits peuvent être résumés comme suit :

    Monsieur Johan DONT est un maître-nageur contractuel au sein de l'intercommunale I.E.G (piscine «Les Dauphins»). Il a été engagé à la Ville de Mouscron le 1er avril 1990 en qualité de maître de nage. Le 1er novembre 2001, il entre en service à l'IEG, date à laquelle le personnel de la piscine est transféré de la Ville de Mouscron à l'IEG. Le 20 mai 2014, Monsieur DONT est licencié;

    Considérant le premier grief du réclamant relatif à l'incompétence de l'auteur de l'acte;

    VIII - 9600 - 3/14

    Considérant que les statuts de l'intercommunale IEG précisent que (articles 20 et 22) : «Le Conseil d'administration a les pouvoirs les plus étendus pour l'administration et la gestion de la société. Tout ce qui n'est pas expressément réservé à l'Assemblée Générale par la loi ou par les statuts est de sa compétence. (...)

    Article 22 : 1. Le Conseil d'administration engage les membres du personnel sur base d'un profil de fonction et d'un appel à candidatures déterminés par lui. (…)»;

    Considérant que selon l'article L1523-18, § 1er, alinéa 1, du CDLD : «Le conseil d'administration peut déléguer, sous sa responsabilité, une partie de ses pouvoirs à un ou plusieurs organes restreints de gestion notamment pour gérer un secteur d'activité particulier de l'intercommunale»;

    Considérant qu'il résulte de la jurisprudence du Conseil d'État (arrêt n° 179.869 du 19 février 2008) que les délégations de pouvoir sont de stricte interprétation; qu'en effet, la méconnaissance de la délégation de pouvoir amène une autorité administrative à se soustraire à une part des fonctions qui lui sont attribuées et constitue ainsi une exception aux règles répartitrices des compétences, lesquelles sont d'ordre public; qu'il s'ensuit qu'une telle délégation ne peut être implicite;

    Considérant en l'espèce que la décision relative au licenciement de Monsieur DONT est libellée comme suit : « (...) Par conséquent, la direction de l'IEG ici représentée par Messieurs Michel FRANCEUS - Président du conseil d'administration et Guy BRUTSAERT - Directeur général a décidé de licencier définitivement Monsieur JOHAN» [sic]; que ce document intitulé « Motivation du licenciement de Monsieur Johan DONT - Maître-nageur sauveteur à la Piscine «Les Dauphins» à 7700 Mouscron» a été signé par Messieurs FRANCEUS et BRUTSAERT et était accompagné d'un courrier de notification adressé à Monsieur DONT et signé par ces mêmes personnes;

    Considérant que selon l'IEG, le Conseil d'Administration a délégué au Comité de gestion la gestion journalière de l'intercommunale, en ce compris les conventions et contrats, et que la rupture d'un contrat de travail est un acte engageant l'intercommunale en matière de contrat;

    Considérant qu'une telle délégation ne vise nullement de manière explicite la délégation de pouvoir de licencier les membres de l'intercommunale;

    Considérant par conséquent que le Président et le Directeur général de l'IEG n'étaient pas compétents pour prendre la décision litigieuse;

    Considérant que la décision litigieuse est illégale; Considérant que la décision prise le 26 juin 2014 par le Conseil d'Administration qui ratifie la décision litigieuse soit...

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