Décision judiciaire de Conseil d'État, 7 juillet 2016

Date de Résolution 7 juillet 2016
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

nº 235.379 du 7 juillet 2016

G./A.212.790/VI-20.214

En cause : CHHABRA Balraj,

ayant élu domicile chez

Me Nicolas BONBLED, avocat, boulevard du Souverain, n° 36, 1170 Bruxelles,

contre :

la Région de Bruxelles-Capitale,

représentée par son Gouvernement,

ayant élu domicile chez

Me Jérôme SOHIER, avocat, avenue Emile De Mot, n° 19, 1000 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE CONSEIL D'ETAT, VIe CHAMBRE,

I. OBJET DE LA REQUETE

Par une requête introduite le 16 juin 2014, Balraj CHHABRA demande l'annulation "des quatorze décisions du fonctionnaire délégué de la Région de Bruxelles-Capitale adoptées le 17 avril 2014, par lesquelles [celui-ci] déclare [son] recours recevable et partiellement fondé, [et] décide que sont dues, pour chacun des quatorze logements, les amendes administratives suivantes : - kot 1 avant : rez-de-chaussée : 6.100,00 €; - kot 1 A : rez-de-chaussée - centre : 9.000,00 €; - kot 2 : rez-de-chaussée - arrière : 4.500,00 €; - kot 11 : premier étage - avant droit : 4.500,00 €; - chambre 12 : premier étage - avant gauche : 4.600,00; - chambre 13 : premier étage - arrière gauche : 4.100,00 €; - chambre 14 : entresol rez - 1er gauche : 4.600,00 €; - chambre 15 : entresol rez - 1er étage droit : 4.700,00 €; - chambre 22 : deuxième étage - avant droit : 4.700,00 €; - chambre 23 : deuxième étage : 4.600,00 €; - chambre 24 : deuxième étage - arrière gauche : 3.800,00 €; - chambre 31 : troisième étage - avant droit : 3.900,00 €; - chambre 32 : troisième étage - avant gauche : 3.900.00 €; - chambre 33 : troisième étage - arrière gauche : 3.900,00 €".

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II. PROCEDURE DEVANT LE CONSEIL D'ETAT

L'arrêt n° 228.434 du 23 septembre 2014, a rejeté selon la procédure d'extrême urgence la suspension de l'exécution de l'acte attaqué.

La partie requérante a sollicité, par courrier du 16 octobre 2014, la poursuite de la procédure.

Les mémoires en réponse et en réplique ont été régulièrement échangés.

Le dossier administratif a été déposé.

M. le Premier auditeur au Conseil d'Etat, Alain LEFEBVRE, a rédigé un rapport.

Le rapport a été notifié aux parties. Elles ont déposé des derniers mémoires.

Une ordonnance du 23 février 2016, notifiée aux parties, fixe l'affaire à l'audience du 23 mars 2016.

Par courriers du 24 mars 2016, notifiés aux parties, l'affaire a été remise à l'audience du 27 avril 2016.

Les droits visés à l'article 70 de l'arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat ont été acquittés.

M. le Conseiller d'Etat, David DE ROY, a exposé son rapport.

Me Nicolas BONBLED, avocat, comparaissant pour la partie requérante et Me Jérôme SOHIER, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont présenté leurs observations.

M. le Premier Auditeur, Alain LEFEBVRE, a été entendu en son avis conforme.

Il est fait application du titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973.

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III. EXPOSE DES FAITS

III. 1. Le requérant est propriétaire d'un immeuble situé rue des Bassins, 11 à 1070 Anderlecht. Cet immeuble est divisé en quatorze logements.

III. 2. Le 12 avril 2010, la Commune d'Anderlecht a indiqué au requérant qu'à la suite de la visite effectuée le 16 mars 2010 par les délégués de la commune et des policiers, il avait été constaté que l'immeuble n'était conforme ni aux règles communales sur les bâtisses, ni au Code bruxellois du Logement de telle sorte que les mesures suivantes étaient prises :

- interdiction définitive de mise en location des greniers et caves et obligation de démonter dans ces lieux le mobilier et les aménagements divers (armoires, douche, chauffe-eau…);

- obligation de numéroter les portes des logements afin d'en faciliter la localisation; - obligation de demander une attestation de conformité auprès du service de l'inspection régionale du Logement pour tous les logements avants et arrières et ce pour la date limite du 30 juin 2010; - interdiction pour toute personne de s'inscrire à l'adresse après le départ des locataires actuels et ce jusqu'au moment où les logements seront en ordre.

III. 3. Le 5 mai 2010, le requérant a introduit quatorze demandes d'attestation de conformité. Dans ces demandes, il atteste sur l'honneur en sa qualité de bailleur que chaque logement répond aux normes minimales de sécurité, de salubrité et d'équipement et demande de lui adresser, sur la foi de ces déclarations, les attestations de conformité.

III. 4. Par un courrier recommandé du 16 juin 2010, l'inspection régionale du Logement a informé le requérant qu'en application de l'article 13 du Code bruxellois du Logement, elle procéderait à la visite de ces quatorze logements le 7 juillet 2010 à partir de 9h.

III. 5. Le 23 août 2010, l'inspection régionale du Logement a mis le requérant en demeure de régulariser la situation de treize logements dans un délai de huit mois et prononcé une interdiction immédiate de continuer à mettre en location ou de louer ou de faire occuper le logement situé au rez-de-chaussée centre (kot 1). Ces quatorze décisions emportent également refus de délivrance des attestations de conformité sollicitées.

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A la même date, l'inspection régionale a adressé au requérant les estimations des amendes administratives sous réserve des observations et moyens à faire valoir par le bailleur. Ces montants varient de 6.800 euros à 12.000 euros par logement.

III. 6. Le requérant a été entendu le 9 décembre 2010.

III. 7. Par quatorze décisions du 21 février 2011, le fonctionnaire dirigeant a arrêté les montants des amendes, en les réduisant au montant minimal de 3.000 euros par logement, ce qui porte le montant dû pour l'ensemble de ces amendes à 42.000 euros.

III. 8. Par un courrier daté du 7 mars 2011 et reçu le 8 mars 2011, le requérant, agissant par l'intermédiaire de son conseil, a introduit un recours contre ces décisions auprès du fonctionnaire délégué de la Région de Bruxelles-Capitale. Il a complété ce recours par un courrier du 16 mars 2011.

III. 9. Par quatorze décisions adoptées le 1er avril 2011, le fonctionnaire délégué a déclaré ce recours recevable, mais non fondé et a, en conséquence, confirmé les montants des amendes arrêtés par le fonctionnaire dirigeant.

Ces quatorze décisions par lesquelles les montants d'amendes avaient ainsi été confirmés ont été annulées par un arrêt n° 226.853, prononcé par le Conseil d'Etat le 20 mars 2014.

III. 10. Selon le requérant, il a obtenu, le 10 mars 2014, un permis d'urbanisme pour la rénovation de son immeuble.

III. 11. Le 17 avril 2014, statuant sur les recours contre les décisions du fonctionnaire dirigeant, dont il était à nouveau saisi à la suite de l'arrêt du Conseil d'Etat précité, Jean-Paul GAILLY, directeur général, agissant "pour" Arlette VERKRUYSSEN, fonctionnaire déléguée de la Région de Bruxelles-Capitale, déclare les quatorze recours recevables et partiellement fondés et prononce à l'encontre du requérant quatorze amendes, toutes sensiblement plus lourdes que celles infligées par les décisions du 1er avril 2011 qu'a annulées le Conseil d'Etat.

Il s'agit des actes attaqués par le présent recours.

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IV. PREMIER MOYEN

Le dernier mémoire du requérant contient, relativement au premier moyen, l'indication aux termes de laquelle "au vu des documents produits à la demande de Monsieur le Premier Auditeur-Chef de section, la partie requérante se range à l'avis de celui-ci".

Dès lors que cette déclaration doit s'interpréter comme exprimant la volonté du requérant de se désister de son premier moyen, il n'y a pas lieu d'examiner celui-ci.

V. TROISIEME MOYEN

V. 1. Thèse du requérant

A. Requête

Le requérant soulève un troisième moyen, pris "de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, de l'absence de motivation adéquate, du principe de proportionnalité, des principes généraux du droit pénal, du principe de confiance légitime et de sécurité juridique et de l'excès de pouvoir", "En ce que les actes attaqués rejettent toute possibilité de prendre en compte les éléments invoqués par la partie requérante (absence de tout antécédent, bonne foi, montants des loyers effectivement perçus, démarches entreprises immédiatement en vue de la régularisation des logements, remise en état du bien, ...) au titre de circonstances atténuantes et que la motivation des actes attaqués, contradictoire et incompatible avec le principe de confiance légitime, ne permet pas à la partie requérante de comprendre les motifs de ce rejet de principe; et que l'interprétation et l'application que fait la partie adverse de l'actuel article 10 du Code, censées soutenir ce rejet, sont incompatibles avec le respect du principe d'égalité et de non-discrimination, dès lors qu'elle prévoit expressément, pour d'autres procédures d'amendes administratives, la prise en compte de telles circonstances, même en cas de récidive; [a]lors que, pour satisfaire notamment aux exigences des articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 précitée, conformément à la jurisprudence de Votre Conseil, la motivation formelle d'un acte administratif doit reposer sur des motifs (et notamment des considérations de droit) exacts, pertinents et admissible, dénués de contradictions et respectueux du principe de légitime confiance et qu'il devait spécialement en aller ainsi en l'espèce, dès lors que, pour treize des quatorze décisions attaquées, le montant de chacune des amendes a été augmenté de manière substantielle par l'autorité (première branche); [q]u'en

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outre, le principe d'égalité et de non-discrimination consacré par la Constitution impose que, dès lors que la partie adverse reconnaît, dans certains, la possibilité pour les personnes poursuivies...

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