Décision judiciaire de Conseil d'État, 22 juin 2016

Date de Résolution22 juin 2016
JuridictionXV
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

A R R Ê T

nº 235.181 du 22 juin 2016

A.210.340/XV-2364

En cause : la s.a. TNT Airways, ayant élu domicile chez Me P. FRÜHLING, avocat, avenue Louise 326 1050 Bruxelles,

contre :

L'État belge, représenté par le ministre de la Mobilité, ayant élu domicile chez Mes J. VANDEN EYNDE, B. VAN HYFTE & L. DELMOTTE, avocat, avenue de la Toison d'Or 77 1060 Bruxelles,

partie intervenante :

la s.a. ETHIOPIAN AIRLINES,

ayant élu domicile chez

Me J.-M. FOBE, avocat, chaussée de Waterloo 880 1000 Bruxelles.

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LE CONSEIL D'ÉTAT, XV e CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 30 septembre 2013 par la société anonyme TNT Airways, qui tend à l’annulation de «la décision de la Direction Générale du Transport Aérien […] du 30 juillet 2013 octroyant des droits de trafic non-réguliers à la compagnie aérienne Ethiopian Airlines en vue d’effectuer des vols au départ de Bruxelles vers Dubaï pendant le mois d’août 2013 […]».

Vu l'ordonnance du 5 décembre 2013 qui accueille la demande d'intervention introduite le 21 novembre 2013 par la société anonyme ETHIOPIAN AIRLINES;

Vu le dossier administratif;

Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

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Vu le rapport de M. D. DELVAX, premier auditeur au Conseil d'État;

Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;

Vu l'ordonnance du 10 mai 2016, notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience du 31 mai 2016 à 9 heures 30;

Entendu, en son rapport, M. M. LEROY, président de chambre;

Entendu, en leurs observations, Mes P. FRÜHLING et St. GOLINVAUX, avocats, comparaissant pour la partie requérante, Me L. DELMOTTE, avocat, comparaissant pour la partie adverse et Me J.-M. FOBE, avocat, comparaissant pour la partie intervenante;

Entendu, en son avis conforme, M. D. DELVAX, premier auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Faits

Considérant que les faits utiles à l’examen du recours se présentent comme suit:

La requérante, TNT Airways, est une compagnie aérienne qui transporte du fret pour la compagnie TNT Express et pour d’autres expéditeurs. Elle dispose, depuis l’année 2011, du droit d’effectuer des vols réguliers sur la ligne Liège – Dubaï – Hong-Kong et retour, mais ne les opère avec ses avions que depuis le mois de janvier 2012. Depuis cette date, elle opère plusieurs vols hebdomadaires sur cette ligne.

La société de droit éthiopien Ethiopian Airlines est une compagnie aérienne publique qui exploite une ligne de transport de voyageurs entre la Belgique et l’Éthiopie, au départ de l’aéroport de Bruxelles-National et une ligne de transport de fret entre la Belgique et l’Éthiopie, au départ de l’aéroport de Bierset. Elle a également opéré, jusqu’en 2012, quelques vols cargo ad hoc entre la Belgique (Bierset) et Dubaï.

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À partir de 2013, elle a introduit des demandes de droits de trafic non réguliers «en 5e liberté»1 entre la Belgique et Dubaï, contre lesquelles la requérante a émis des objections. À une date indéterminée, la direction générale du transport aérien (DGTA) a refusé de lui octroyer un droit de trafic pour un vol à opérer entre Liège et Dubaï le 13 avril 2013 «en raison de l’objection émise par un transporteur belge».

Le 22 mai 2013, Ethiopian Airlines a demandé à la DGTA le droit d’opérer des vols non-réguliers entre Bruxelles et Dubaï durant tout le mois de juin 2013 à concurrence de 2 vols hebdomadaires. Le même jour, la requérante a fait part de ses observations en indiquant, à titre principal, qu’il s’agit de services réguliers en 5e ou 7e liberté pour lesquels Ethiopian Airlines ne dispose pas de droit et, à titre subsidiaire, que, même s’il s’agit d’un service non-régulier, elle s’y oppose. Après avoir fait droit à la demande d’Ethiopian Airlines, la DGTA décide, le 31 mai, de suspendre cette autorisation. En réponse aux objections du 22 mai, la partie adverse a, par un courrier électronique du 23 mai, répondu comme suit:

Ce dossier a été étudié au plus haut niveau et finalement la décision a été prise d’octroyer les droits à ETH. Cette décision se base sur le fait que d’une part les vols étaient organisés depuis BRU et d’autre part qu’ils étaient opérés pour le compte de DHL, ce qui mettait TNT dans l’impossibilité de se substituer à ETH.

1 L’accord relatif au transport aérien international signé à Chicago le 7 décembre 1944 définit, en son article 1er, section 1, alinéa 1er cinq «libertés», et d’autres documents de l’OACI en consacrent quatre autres. Ces neuf «libertés de l’air» sont explicitées comme suit sur le site d’Air France: 1. le droit pour un transporteur d’un État de survoler le territoire d’un autre État sans y atterrir (ex.: Air France survole la Russie pour effectuer un vol Paris – Tokyo); 2. le droit d’atterrir pour des raisons non commerciales (ex.: une compagnie européenne fait une escale technique à Dubaï pour effectuer un vol Vienne – Bangkok); 3. le droit de débarquer des passagers, du courrier et des marchandises embarqués sur le territoire de l’État dont l’aéronef possède la nationalité (ex.: Air France débarque à Casablanca des passagers en provenance de Paris); 4. le droit d’embarquer des passagers, du courrier et des marchandises à destination du territoire de l’État dont l’aéronef possède la nationalité (ex.: Air France embarque à Casablanca des passagers à destination de Paris); 5. le droit d’embarquer des passagers, du courrier et des marchandises à destination du territoire de tout autre État contractant et le droit d’embarquer des passagers, du courrier et des marchandises en provenance du territoire de tout autre État contractant (ex.: Air France embarque à Bangkok, sur son vol Paris – Hanoi des passagers à destination de Hanoi (droit de trafic entre la Thaïlande et le Vietnam)); 6. le droit pour un transporteur d’un État d’assurer un service entre deux autres États en passant par l’État où il est enregistré (ex.: Air France embarque à New York des passagers à destination d’Athènes, via son hub de Paris-Charles de Gaulle); 7. le droit pour un transporteur d’un État d’exploiter, entièrement hors de son territoire, des lignes et d’assurer un service entre deux autres États (ex.: une compagnie européenne exploite une ligne Miami-Mexico); 8. le droit pour un transporteur d’un État d’assurer un service entre deux points situés sur le territoire d’un autre État (cabotage) (ex.: une compagnie européenne embarque à New York des passagers à destination de Los Angeles sur son vol Europe – Los Angeles); 9. le droit pour un transporteur d’un État d’assurer un service entre deux points situés sur le territoire d’un autre État (ex.: une compagnie européenne exploite une ligne New York – Los Angeles).

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De ce fait, et en particulier, du fait de la relation ETH/DHL, la décision a été prise d’au moins couvrir l’aspect commercial de nos aéroports.

Le 10 juin, la requérante adresse au chef de cabinet du secrétaire d’État à la Mobilité un courrier dans lequel elle expose les problèmes engendrés par l’octroi de droits de trafic pour des vols non réguliers à des compagnies extra-européennes.

Par une demande du 12 juin, Ethiopian Airlines a sollicité le droit d’opérer des vols cargo au profit de DHL Global Forwarding entre Bruxelles et Dubaï les 15 et 19 juin 2013. Ces vols ont été autorisés par la DGTA les 14 et 17 juin malgré les objections de la requérante.

Le 18 juin, Ethiopian Airlines demande le droit d’opérer un vol cargo au profit de DHL Global Forwarding entre Bruxelles et Dubaï le 22 juin, demande qui fait l’objet d’une décision favorable le 20 juin, malgré les objections de la requérante.

Le 20 juin, Ethiopian Airlines sollicite le droit d’opérer 11 vols cargo bihebdomadaires au profit de DHL Global Forwarding entre Bruxelles et Dubaï dans le courant du mois de juillet, ce qui lui est accordé le 28 juin, malgré les objections de la requérante.

Le 24 juin, le chef de cabinet du secrétaire d’État à la Mobilité adresse à la requérante un courrier, répondant à son courrier du 10 juin, exposant les motifs pour lesquels la DGTA estime qu’il ne s’agit pas de vols réguliers, que les délais d’introduction des demandes sont fixés dans l’intérêt de l’administration et peuvent faire l’objet d’une certaine flexibilité, que la procédure de non-objection est toujours suivie dans le cas de vols en 5e et 7e libertés, et que Ethiopian Airlines a prouvé que ses vols sont totalement affrétés par DHL Global Forwarding.

Le 9 juillet 2013, le ministre des Affaires étrangères adresse au secrétaire d’État à la Mobilité un courrier dans lequel il l’interroge sur la validité des droits de trafic octroyés à Ethiopian Airlines

Le 11 juillet, Ethiopian Airlines sollicite le droit d’exploiter 9 vols cargo bihebdomadaires au profit de DHL Global Forwarding entre Bruxelles et Dubaï pendant le mois d’août. Nonobstant les objections émises par la requérante, la DGTA fait droit à cette demande le 30 juillet. Cette décision constitue l’acte attaqué dans l’affaire présentement examinée (210.340/XV-2364). Elle se présente comme suit:

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XV - 2364 - 5/31

XV - 2364 - 6/31

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Le 15 juillet 2013, le secrétaire d’État à la Mobilité adresse au ministre des Affaires étrangères un courrier répondant au courrier du 9 juillet et dans lequel il défend l’octroi de droits de trafic à Ethiopian Airlines.

Le 25 juillet, le président du tribunal de première instance de Bruxelles, saisi d’une action en référé tendant à faire interdire les vols d’Ethiopian Airlines dans le courant du mois de juillet, déclare l’action irrecevable.

Le 23 août, Ethiopian Airlines introduit une demande pour exploiter huit vols cargo bi-hebdomadaires au profit de DHL Global Forwarding entre Bruxelles et Dubaï durant le mois de septembre. Il est partiellement2...

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