Décision judiciaire de Conseil d'État, 3 mai 2016

Date de Résolution 3 mai 2016
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

nº 234.643 du 3 mai 2016

  1. 216.153/XIII-7349

    En cause : SANTE Didier, ayant élu domicile chez Mes Bernard PAQUES et Sylviane LEPRINCE, avocats, boulevard de la Meuse 114 5100 Jambes,

    contre :

    la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez Me Bénédicte HENDRICKX, avocat, rue de Nieuwenhove 14 A 1180 Bruxelles. ------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE PRESIDENT F.F. DE LA XIIIe CHAMBRE,

    Vu la requête introduite le 15 juin 2015 par Didier SANTE qui demande l'annulation de l'arrêté du Ministre de l'Aménagement du territoire et de l'Urbanisme du 16 avril 2015 lui refusant un permis d'urbanisme pour la construction d'une maison d'habitation unifamiliale sur un bien sis avenue sur Cortil à Esneux (Tilff), cadastré section B, n° 23/02B;

    Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

    Vu le rapport de M. NIKIS, premier auditeur au Conseil d'Etat, établi sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure;

    Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;

    Vu l'ordonnance du 15 mars 2016, notifiée aux parties, les informant que l'affaire sera traitée par une chambre composée d'un membre et fixant celle-ci à l'audience du 13 avril 2016 à 10 heures;

    XIII - 7349 - 1/15

    Entendu, en son rapport, Mme BOLLY, conseiller d'Etat;

    Entendu, en leurs observations, Me G. MELCHIOR, loco Mes B. PAQUES et S. LEPRINCE, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me B. HENDRICKX, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

    Entendu, en son avis conforme, M. NIKIS, premier auditeur;

    Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

    Considérant que les faits utiles à l'examen de la cause se présentent comme suit :

    1. Le 14 juillet 2014, le requérant introduit une demande de permis d'urbanisme pour la construction d'une maison d'habitation unifamiliale sur un bien situé avenue sur Cortil à Esneux (Tilff), cadastré section B, n° 23/02B.

      La demande de permis est accompagnée d'une notice d'évaluation préalable des incidences sur l'environnement, qui contient les précisions suivantes :

      " Motivations et explications du projet

      Schéma de structure communal :

      Au plan de secteur de Liège (adopté en 1987), le terrain figure en zone d'extension de parc résidentiel.

      Il s'agit clairement d'une zone destinée à l'urbanisation. Les autorités wallonnes l'ont d'ailleurs reconnu à plusieurs reprises par la suite.

      Le schéma de structure communal (S.S.C.) d'Esneux inscrit le terrain en aire naturelle (aire n° 12) sur la carte des aires différenciées.

      Cependant, concernant le terrain faisant l'objet de la demande de permis d'urbanisme, il faut considérer que le S.S.C. d'Esneux doit être écarté car il ne trouve pas à s'y appliquer.

      En effet, dans un arrêt n° 226.030 du 13 janvier 2014, le Conseil d'Etat a dit pour droit que la zone d'extension de parc résidentiel est illégale, au motif que l'avant-projet d'arrêté adoptant le plan de secteur n'a pas été soumis à la section de législation du Conseil d'Etat. Elle aurait dû l'être car toutes les zones sont normalement fixées par arrêté royal, cette zone d'extension de parc résidentiel étant une «création» de l'arrêté adoptant le plan de secteur de Liège.

      Il convient donc d'écarter le S.S.C. (et donc le règlement communal d'urbanisme (R.C.U.)) qui ne peut s'appliquer à une zone illégale au plan de secteur.

      Ce point étant posé, il y a lieu de constater, subsidiairement, que la raison pour laquelle le terrain figure au S.S.C. en aire naturelle résulte de l'interprétation de l'administration de la Région wallonne selon laquelle, par l'effet du décret du

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      27 novembre 1997 modifiant le CWATUP (art. 6, § 2, al. 2) visant à harmoniser la légende des plans de secteur, la zone serait devenue une zone d'espaces verts, donc non destinée à l'urbanisation.

      Toutefois, il s'agit d'une pure interprétation et elle ne peut être suivie.

      Le plan de secteur n'a en effet jamais été formellement révisé pour cette zone.

      L'article 6, § 2, al. 2, susvisé dispose que : «aux autres zones, indications supplémentaires ou surimpressions figurant dans les plans de secteur en vigueur, sont d'application les prescriptions relatives à la destination correspondant à la teinte de fond inscrite sur le plan», or, la zone d'extension de parc résidentiel est représentée graphiquement au plan de secteur de Liège par un quadrillage rouge sur vert clair. La Région a donc considéré que la zone d'extension de parc résidentiel est devenue une zone d'espaces verts.

      Or, par «teinte de fond», il faut entendre «destination principale de la zone» et non «couleur de la carte», tel que cela a été fait pour les zones de parc résidentiel.

      Raisonner autrement rendrait inconstitutionnel l'article 6, § 2, al. 2., du décret du 27 novembre 1997 modifiant le CWATUP, car, pour modifier la destination d'une zone au plan de secteur, en l'occurrence convertir une zone destinée à l'urbanisation en zone non destinée à l'urbanisation, il faut respecter une procédure légale précise (impliquant un avant-projet, une évaluation des incidences une enquête publique, consultation des instances d'avis, etc.) qui n'a pas été suivie, ce qui serait constitutif de rupture d'égalité au sens des articles 10 et 11 de la Constitution.

      Dès lors, en classant le terrain en aire naturelle, le S.S.C. est contraire au plan de secteur; or, il ne lui est pas permis d'y déroger.

      En conclusion de tout ceci, il faut donc considérer que le S.S.C. et le R.C.U. ne peuvent trouver à s'appliquer à ce terrain, seule la référence à une zone vierge de toute affectation au plan de secteur devant être faite.

      De jurisprudence constante, l'autorité ne pourrait s'en prévaloir pour refuser un permis, mais elle doit prendre comme critère, dans l'éventuelle délivrance d'un permis, le bon aménagement des lieux, et en l'occurrence, le caractère déjà urbanisé de la zone ou des environs, l'intégration au cadre bâti, l'accessibilité à une voirie équipée, etc...

      Caractère urbanisable :

      Dans le plan de secteur de Liège en 1987, il est incontestable que la zone d'extension de parc résidentiel est une zone destinée à l'urbanisation.

      Suite à la modification de la légende du plan de secteur en 1997, cette zone a été classée en zone verte et donc reclassée en zone non destinée à l'urbanisation. Il s'agit sans conteste d'une erreur d'interprétation, par teinte de fond, il ne faut pas entendre couleur mais bien destination.

      A titre d'exemple, la zone de parc résidentiel a, elle, été correctement classée en zone d'habitat selon le même alinéa alors qu'il n'y a pas de prédominance de couleur (lignes vertes et rouges), nous en avons déjà parlé.

      En 1998, la commune de Durbuy, suite à un P.C.A., a autorisé un lotissement sur l'entièreté d'une zone d'extension de parc résidentiel (planche 55.1 lieu-dit Rome).

      Par ailleurs, le Ministre FORET en 2004 lors de la modification du plan de secteur de Liège a déclaré que dans un souci d'équité le Gouvernement wallon

      XIII - 7349 - 3/15

      reclasse l'ex-zone d'extension de parc résidentiel située à Liège le long de la RN680 en zone d'habitat.

      La CRAT, en 2004, a déclaré qu'il s'agit, selon elle, d'une erreur matérielle de cartographie; en effet, le classement en zone verte ne correspond ni à la réalité de fait, ni à la réalité de droit ... la CRAT s'est prononcée pour un reclassement en zone d'habitat.

      Le Ministre ANTOINE écrit en 2007, concernant un terrain situé en zone d'extension de parc résidentiel à Trooz, qu'il considère que la zone (la zone d'extension de parc résidentiel) est indubitablement destinée à la résidence.

      Selon le principe de bonne administration, il est incontestable que les zones d'extension de parc résidentiel sont destinées à l'urbanisation. L'urbanisation de ces zones doit être faite en fonction du bon aménagement des lieux.

      Toujours selon le principe de bon aménagement des lieux, un permis d'urbanisme a été délivré, sur la commune de Trooz en février 2014 par le Ministre HENRY, pour la construction d'une maison unifamiliale sur un terrain situé, lui aussi, en zone d'extension de parc résidentiel.

      La question n'est donc pas de savoir si on peut urbaniser mais comment on peut urbaniser ...

      Le bon aménagement des lieux, l'intégration au cadre bâti :

      Le terrain en question se situe à front d'une voirie suffisamment équipée pourvue de deux bandes de circulation d'une largeur plus que suffisante (RN689). Cette voirie donne accès, d'une part, à l'autoroute E25 (situé à 1 km) et d'autre part directement au...

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