Décision judiciaire de Conseil d'État, 3 mai 2016

Date de Résolution 3 mai 2016
JuridictionXV
Nature Arrêt

CONSEIL D’ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

A R R Ê T

nº 234.644 du 3 mai 2016

218.228/XV-2989

En cause : 1. CHRISTIAN Ingrid, 2. CROSS CANDELARIO Maria, 3. EHONWA AKUGE Eunice, 4. GARNIER Marie-Christine, ayant élu domicile chez Me V. LETELLIER, avocat, rue Defacqz 78-80 1060 Bruxelles,

contre :

la commune de Saint-Josse-ten-Noode, ayant élu domicile chez Mes M. UYTTENDAELE et P. MINSIER, avocats, rue de la Source 68 1060 Bruxelles. -----------------------------------------------------------------------------------------------------

LE PRÉSIDENT DE LA XV e CHAMBRE SIÉGEANT EN RÉFÉRÉ,

Vu la requête introduite le 28 janvier 2016 par Ingrid CHRISTIAN, Maria CROSS CANDELARIO, Eunice EHONWA AKUGE et Marie-Christine GARNIER, en ce qu’elle tend à la suspension de l’exécution du règlement de police de la commune de Saint-Josse-ten-Noode du 30 novembre 2015 relatif à la prostitution en vitrine;

Vu le dossier administratif et la note d’observations déposée par la partie adverse;

Vu le rapport de M. J.-Fr. NEURAY, premier auditeur chef de section au Conseil d’État;

Vu l’ordonnance du 14 avril 2016 fixant l’affaire à l’audience publique du 28 avril 2016 à 9 heures 30;

Vu la notification aux parties du rapport et de l’avis de fixation à l’audience;

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Entendu, en son rapport, M. M. LEROY, président de chambre;

Entendu, en leurs observations, Me V. LETELLIER, avocat, comparaissant pour les requérantes, et Me P. MINSIER, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis contraire, M. J.-Fr. NEURAY, premier auditeur chef de section;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973;

L’acte attaqué et son contexte

Le 29 juin 2011, le conseil communal de Saint-Josse-ten-Noode a adopté un règlement de police relatif à la prostitution en vitrine, qui porte interdiction de principe de cette pratique sur l’ensemble du territoire communal à l’exception des salons de prostitution et «carrées» ouverts aux adresses précisées dans le règlement, soit cent cinq établissements en tout. Chaque tenancier est tenu d’obtenir un certificat de conformité, valable cinq ans et qui ne peut être cédé. En cas de violation du règlement, le certificat peut être retiré à titre de sanction administrative. Le 30 novembre 2011 fut aussi adopté un règlement communal d’urbanisme sur les lieux de prostitution en vitrine. Ni l’un ni l’autre n’ont été déférés à la censure du Conseil d’État.

Le règlement attaqué, adopté par le conseil communal le 30 novembre 2015, est rédigé comme suit:

Vu l’article 17 de la Convention du 21 mars 1950 pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui;

Vu les articles 1er et 2 de la loi du 21 août 1948 supprimant la réglementation officielle de la prostitution;

Vu la nouvelle loi communale et notamment ses articles 117, 121 et 133 par. 2;

Vu la loi du 24 juin 2013 relative aux sanctions administratives communales;

Vu le règlement de police relatif à la prostitution en vitrine du 29 juin 2011;

Considérant que les communes peuvent prendre des règlements ayant pour objet d’assurer l’ordre public;

Qu’en effet, les autorités communales sont habilitées à prendre toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde de l’ordre public, plus particulièrement celles ayant trait au maintien de la sécurité, de la salubrité et de la tranquillité publiques;

Que le règlement de police du 29 juin 2011 poursuit l’objectif du maintien et de la préservation de l’ordre public au sein d’un périmètre

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particulier de la commune en ce qu’il contient des salons de prostitution en vitrine et des carrées;

Considérant que l’exercice de l’activité de prostitution par une personne majeure n’est pas une activité illégale;

Considérant qu’il en est tout autre de l’exploitation de la prostitution; Qu’en effet, le Code pénal prévoit une série de sanctions pouvant être infligées en matière de prostitution en ses articles 379 et suivants;

Considérant qu’outre les infractions prévues par le Code pénal, la matière de la prostitution peut également être source de troubles à l’ordre public;

Que c’est à ce titre que le conseil communal avait voté le règlement de police relatif à la prostitution en vitrine en sa séance du 29 juin 2011;

Qu’un tel règlement avait notamment pour objectif de lutter contre toutes les formes de nuisances publiques générées par l’activité de prostitution, et ce afin de garantir le maintien de l’ordre public au sein du périmètre communal composé des rues de la Rivière, Linné, Prairie et des Plantes, lequel contient l’ensemble des carrées et salons de prostitution en vitrine établis sur le territoire communal;

Considérant que l’ensemble des mesures prises à ce jour n’ont manifestement pas permis de rétablir et de renforcer l’ordre public au sein de ce périmètre;

Qu’il ressort en effet des nombreux rapports et procès-verbaux de police et des services communaux compétents que la sécurité et la tranquillité publiques ont sensiblement évolué négativement ces dernières années;

Qu’une telle évolution négative a pour conséquence d’augmenter considérablement les désordres, les nuisances et le dérangement publics dans le périmètre visé en ayant pour effet de détériorer de manière importante la qualité de vie des habitants de la zone dont question;

Considérant que, comme relevé ci-avant, la commune a notamment pour mission fondamentale de faire jouir les habitants des avantages d’une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics;

Qu’il incombe donc à la commune de prendre toute mesure nécessaire au rétablissement et au maintien de l’ordre public au sein du périmètre dont question;

Considérant, comme relevé supra que les nombreuses actions et mesures en place dans le quartier ne suffisent plus à enrayer le phénomène d’atteinte à l’ordre public;

Qu’en effet, il ressort des informations transmises par les services de police et communaux compétents que certains carrées ou salons de prostitution en vitrine permettent des activités illégales graves dont notamment celles liées à l’esclavage sexuel, la traite des êtres humains, le travail non déclaré, le blanchiment d’argent, l’extorsion, le trafic d’armes et de drogues;

Que ces faits graves constituent des infractions pénales et ont pour effet de porter atteinte gravement à l’ordre public;

Qu’en sus de la gravité de tels faits, la commune ne cesse d’être alertée de l’augmentation sans cesse croissante des troubles perturbant la tranquillité et la sécurité publiques tels, entre autres, des rixes publiques entre clients, des klaxons incessants des automobiles à l’endroit des personnes prostituées; l’engorgement et la saturation des axes automobiles par le déplacement lent et incessant des clients motorisés à l’endroit des lieux de prostitution;

Considérant que ces nuisances rentrent manifestement en conflit avec la fonction d’habitation du quartier, ainsi que de l’ensemble des lieux publics situés à proximité donc ceux à caractère éducationnel;

Qu’il incombe donc à la commune de mettre en place de nouvelles mesures afin d’atteindre l’objectif d’un renforcement et du maintien de l’ordre public;

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Considérant à ce sujet que la prostitution ainsi que ses conséquences évoluent continuellement dans le temps;

Qu’il convient donc pour la commune de mettre continuellement à jour les méthodes de lutte contre les nuisances générées par ce type d’activité;

Qu’à ce sujet, le présent règlement permettra ainsi de mettre à disposition de la commune et des services de police compétents de nouvelles méthodes efficientes de lutte contre les troubles sus-évoqués;

Considérant que les personnes prostituées ne peuvent avoir d’employeur et que dès lors celles-ci doivent opter pour le statut d’indépendant;

Considérant à ce sujet que la liberté de commerce et d’industrie ne garantit pas l’exploitation d’un commerce ou l’exercice d’une profession dans des circonstances contraires à l’ordre public;

Qu’en effet, cette liberté est nécessairement limitée par le pouvoir qu’à le conseil communal d’édicter, dans les cas prévus par la loi, des règlements de police complémentaires afin d’assurer notamment l’ordre public;

Considérant dans ce sens qu’au sujet des zones spécifiquement dédiées à la prostitution, le Ministre de la Justice a déjà répondu à une question parlementaire le 12 mai 2011 en relevant qu’“aux termes de la législation actuelle en vigueur en Belgique et compte tenu des décisions prises par le Conseil d’État, les autorités communales peuvent édicter des règles dont le but est une gestion de la prostitution qui puisse garantir le maintien de l’ordre [...]”;

Considérant la mission fondamentale dévolue à la commune quant au maintien de l’ordre public sur l’ensemble de son territoire;

Considérant par ailleurs qu’il convient de prévoir une période transitoire permettant aux titulaires d’un certificat de conformité encore valide d’introduire une nouvelle demande d’obtention d’un certificat auprès du bourgmestre;

Qu’en effet la modification du règlement imposera de nouvelles conditions d’obtention et d’utilisation du certificat de conformité;

Qu’il convient dès lors que les actuels exploitants se voient également imposer de telles nouvelles règles;

Qu’il convient en effet pour la commune de ne pas créer de situation inégalitaire entre les exploitants en établissant une différence de traitement non objective entre eux;

Considérant qu’afin d’assurer un suivi administratif et policier optimal du règlement de police, celui-ci doit également être modifié afin d’y intégrer la nouvelle loi sur les sanctions administratives communales du 24 juin 2013;

Sur proposition du collège des bourgmestre et échevins,

Décide: De modifier comme suit le règlement de police relatif à la prostitution du 29 juin 2011:

Article 1 er -...

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