Décision judiciaire de Conseil d'État, 1 mai 2016

Date de Résolution 1 mai 2016
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R Ê T

nº 234.603 du 1er mai 2016

A. 218.104/XIII-7553

En cause : SCHILLEWAERT Pierre, ayant élu domicile chez

Me Pierre-Yves MÉLOTTE, avocat, rue de Bruxelles 51 1400 Nivelles,

contre :

1. la ville de Stavelot, représentée par son collège communal, ayant élu domicile chez

Me Pierre HENRY, avocat, rue du Palais 64 4800 Verviers,

2. la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez

Me Bénédicte HENDRICKX, avocat, rue de Nieuwenhove 14A 1180 Bruxelles.

Partie intervenante :

la société anonyme SERBI, ayant élu domicile chez

Mes Michel DELNOY et Alexandre PIRSON, avocats, rue Simonon 13 4000 Liège.

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LE PRÉSIDENT DE LA XIII e CHAMBRE DES RÉFÉRÉS,

I. OBJET DE LA REQUÊTE

Par une requête introduite le 15 janvier 2016, Pierre SCHILLEWAERT demande l'annulation de :

" - la décision du 17 novembre 2015 du Collège communal de Stavelot d'octroyer un permis d'urbanisme à la s.a. SERBI ayant pour objet la démolition d'une habitation et la construction d'un immeuble de 19 logements et d'un commerce (PU/10697);

- la décision du Fonctionnaire délégué d'accorder les dérogations sollicitées aux prescriptions de centre ancien protégé et émettant un avis favorable conditionnel au projet (F0216/63073/UDC3/2015/6/A45260/369506/ND/RV)".

Par une requête introduite le 29 avril 2016, le même requérant sollicite, selon la procédure d'extrême urgence, la suspension de l'exécution des mêmes décisions.

II. PROCÉDURE DEVANT LE CONSEIL D'ÉTAT

II.1. Procédure en annulation

Les droits visés à l'article 70 de l'arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'État ont été acquittés.

La société anonyme SERBI a, par une requête introduite le 4 mars 2016, demandé à être reçue en qualité de partie intervenante.

Une ordonnance du 17 mars 2016 a accueilli cette intervention.

Les mémoires en réponse et le dossier administratif ont été déposés.

II.2. Procédure en suspension d'extrême urgence

Une ordonnance du 30 avril 2016, notifiée aux parties, convoque celles-ci à comparaître le 30 avril 2016 à 13 heures.

Les droits visés à l'article 70 de l'arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'État ont été acquittés.

Les parties adverses ont chacune déposé une note d'observations.

La société anonyme SERBI a déposé une requête en intervention.

M. le Président de chambre, Jacques JAUMOTTE, a exposé son rapport.

Me Pierre-Yves MÉLOTTE, avocat, comparaissant pour la partie requérante, Me Pierre HENRY, avocat, comparaissant pour la première partie adverse, Mes Bénédicte HENDRICKX et Xavier DRION, avocats, comparaissant

pour la seconde partie adverse, et Me Michel DELNOY, avocat, comparaissant pour la partie intervenante, ont présenté leurs observations.

Mme le Premier auditeur au Conseil d'État, Vinciane FRANCK, a été entendu en son avis conforme.

Il est fait application du titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. EXPOSÉ DES FAITS

III.1. Le requérant fait valoir qu'il est usufruitier d'un bien sis avenue Ferdinand Nicolay, 10 à 4970 Stavelot et cadastré 1ère division, section B, n° 1645h (pièce n° 3).

Ce bien est voisin du bien litigieux, situé avenue Ferdinand Nicolay, 8 à 4970 Stavelot et cadastré 1ère division, section B, nos 1649e et 1649f. Ce terrain est situé à l'angle de l'avenue Ferdinand Nicolay et de la rue Basse-Cour. Une maison de maître a été construite sur ce terrain dans les années 1920 et porte le nom de la maison "Mons". Il s'agirait du nom d'un précédent propriétaire avant que le bien ne soit racheté par un précédent promoteur, DI PRIMA. Cette maison n'a jamais été classée, mais elle est cependant reprise à l'Atlas du Patrimoine Architectural des Centres Anciens Protégés de 1978 en tant qu' "immeuble de valeur d'accompagnement. Il apparaît cependant des pièces du dossier administratif, et notamment d'un avis défavorable donné par le fonctionnaire délégué de la Région wallonne le 12 octobre 2006 que cette maison était déjà à l'état d'abandon à cette date.

La superficie de la parcelle est d'environ 945 m², alors que la maison a une emprise au sol d'environ 188 m². Vu l'état d'abandon de la maison et du terrain depuis de nombreuses années, la végétation sauvage a pris une ampleur conséquente.

III.2. Le bien litigieux est situé en zone d'habitat au plan de secteur de Stavelot, adopté par arrêté royal du 27 mai 1977 et qui n'a pas cessé de produire ses effets pour le bien concerné. Il est également situé partiellement dans le périmètre du P.C.A. du "Pré Messire" approuvé par arrêté royal du 17 avril 1977, et est en conséquence partiellement repris en zone résidentielle en ordre ouvert, en zone de recul sur l'alignement et en zone de jardins et prairies. Le requérant affirme aussi que le bien situé dans le périmètre de Stavelot du Règlement général sur les bâtisses applicable aux zones protégées de certaines communes en matière d'urbanisme (RGB/ZPU), tel que modifié pour la dernière fois par un arrêté ministériel du 30 août 2006. Cette affirmation est cependant mise en doute par les autres parties à la cause. La parcelle est également située à proximité d'un site classé comme patrimoine exceptionnel par

l'arrêté royal du 24 décembre 2012, à savoir les vestiges de l'ancienne église abbatiale de Stavelot.

III.3. En 2006, un projet de construction sur la parcelle "Mons" d'un ensemble de logements à appartements et d'un parking souterrain, est soumis au collège communal de la ville de Mons. Ce projet étant dérogatoire au P.C.A. du "Pré Messire", le collège communal a fait savoir à la D.G.A.T.L.P. – Direction de l'Aménagement local, par un courrier du 14 juin 2006, qu'il souhaitait entamer une procédure visant à modifier partiellement ce P.C.A. en vue de permettre la construction de cet immeuble à appartements multiples.

Après avoir fait l'objet d'avis défavorables de la Direction de l'Aménagement local et de la Chambre provinciale des Monuments, Sites et Fouilles de Liège, la demande a également fait l'objet d'un avis défavorable émis par la Division du Patrimoine de la Direction de Liège II, dans lequel il a été fait état des éléments suivants :

" Rappel

La motivation de la Ville de Stavelot constitue un pis-aller pour modifier le P.C.A. afin de faire aboutir un projet qu'elle a avalisé en son temps par écrit au Bureau ARTAU, en omettant totalement de se référer au P.C.A. en vigueur à cet endroit.

L'avant-projet en question a été présenté en nos services […]. Lors de l'entrevue, les restrictions du P.C.A. ont été communiquées aux auteurs de projet. Ceux-ci ont montré un courrier de la Ville de Stavelot approuvant sans réserve l'avant-projet, document sur la base duquel la maison à démolir aurait été acquise par le promoteur. Cette maison est actuellement à l'abandon.

Commentaire

La parcelle 1649d [l'actuelle parcelle n° 1649e et 1649f] n'a pas été retirée de l'approbation du P.C.A. en son temps. En effet, puisque cette parcelle constitue une zone tampon – transitoire – entre un rideau d'habitations hautes, moyennes, implantées «à rue» et les implantations de type pavillonnaire qui se trouvent au-delà de la rue Basse-Cour (hôpital) et rue Basse-Cour elle-même, qui présente une forte déclivité descendant vers le quai des Vieux Moulins.

Les limites des zones d'affectation figurant au plan du P.C.A. ont donc bel et bien pris en compte ce caractère de zone de transition. Il n'y a, à mon sens, pas eu manque de réflexion à ce sujet, que du contraire,…

Accoler une construction au mur aveugle n'est pas possible, puisque le pignon ouest de la propriété voisine (parcelle 1645h) n'est pas mitoyen, et, de plus, est percée de plusieurs baies de fenêtres et portes !

Contrairement à ce qu'écrit la Ville de Stavelot, c'est bien sciemment que cette partie du PCA n'a pas été exclue de l'approbation.

La liaison invoquée entre l'avenue Nicolay et la rue Basse Cour se fait actuellement de façon naturelle. L'idée d'un bâtiment neuf dialoguant avec les bâtiments scolaires situés en face n'est pas admissible, le bâtiment scolaire à rue étant lui-même mal intégré dans l'ensemble.

La modification partielle du P.C.A. qui est demandée n'est accompagnée d'aucune proposition concrète. On suppose donc qu'il s'agit de retirer purement et simplement du P.C.A. la parcelle convoitée par un promoteur… ce qui n'est guère cohérent dans le cadre de la gestion de l'aménagement.

Les esquisses présentées

Si l'on se réfère à la situation existante et au relief des voiries qui bordent la parcelle concernée, les prescriptions du PCA en matière de gabarit sont parfaitement cohérentes; dès lors, les avant-projets proposés devraient se limiter à 15 m maximum (dont 9 m sous corniche), côté avenue Nicolay et se limiter (comme d'ailleurs précisé au P.C.A.) à cette hauteur pour la partie Nord de la parcelle…

En ce qui concerne l'implantation, l'occupation au sol est trop dense… d'où, on en revient aux zones approuvées par le P.C.A., qui – en conclusion – ne doit pas être révisé".

À la suite de ces différents avis, le fonctionnaire délégué de la Région wallonne a également donné un avis défavorable le 12 octobre 2006 en précisant qu'il partage ces avis et estime donc qu'il n'y a pas lieu de réviser le P.C.A.

Le dossier administratif ne permet pas d'établir quelle a été la réaction du collège communal à la suite de la communication de cet avis défavorable, mais il est cependant établi que cette procédure de révision du P.C.A. n'a finalement pas été entamée en conformité à la procédure de révision fixée par l'article 53 CWATUPE.

III.4. La partie intervenante acquiert la parcelle sur laquelle se trouve la maison "Mons" en date du 4 juin 2013.

III.5. Après que divers avant-projets de construction ont été...

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