Décision judiciaire de Conseil d'État, 12 avril 2016

Date de Résolution12 avril 2016
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R Ê T

nº 234.333 du 12 avril 2016

A. 208.024/VIII-8328

En cause : WUYARD André, ayant élu domicile chez Me Nathalie TISON, avocat, rue Jules Destrée 72 6001 Marcinelle,

contre :

1. la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez Me Xavier CLOSE, avocat, avenue de l'Observatoire 10 4000 Liège,

2. la ville de Châtelet, représentée par son collège communal, ayant élu domicile chez Me Philippe HERMAN, avocat, rue T'Serclaes de Tilly 49-51 6061 Montignies-sur-Sambre.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE CONSEIL D'ÉTAT, VIIIe CHAMBRE,

Vu la requête unique introduite le 19 février 2013 par André WUYARD tendant, d'une part, à la suspension de l'exécution de : " - la décision prise le 20 décembre 2012 par le Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville, Monsieur Paul FURLAN, […] déclarant recevable mais non fondé le recours introduit à l'encontre de la décision du Conseil communal de CHIMAY [lire : CHATELET] du 16 avril 2012 de lui infliger la sanction disciplinaire de la démission d'office - la décision du 16 avril 2012 du Conseil communal de la Ville de CHATELET

[…] par laquelle il est décidé de lui infliger la sanction disciplinaire de la démission d'office", et d'autre part, à l'annulation de ces décisions;

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Vu l'arrêt nº 227.849 du 24 juin 2014 rejetant la demande de suspension;

Vu la demande de poursuite de la procédure introduite par la partie requérante;

Vu les mémoires en réponse et le mémoire en réplique, régulièrement échangés;

Vu le rapport de Georges SCOHY, auditeur au Conseil d'État, rédigé sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure;

Vu la notification du rapport aux parties, le dernier mémoire de la partie requérante et la lettre valant dernier mémoire de la seconde partie adverse;

Vu l'ordonnance du 10 février 2016 fixant l'affaire à l'audience publique du 18 mars 2016;

Entendu, en son rapport, Luc CAMBIER, conseiller d'État;

Entendu, en leurs observations, Me Jean-Louis LEUCKX loco Me Nathalie TISON, avocat, comparaissant pour la partie requérante, Me Xavier CLOSE, avocat, comparaissant pour la première partie adverse, et Me Philippe HERMAN, avocat, comparaissant pour la seconde partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, Georges SCOHY, premier auditeur au Conseil d'État;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la cause ont été exposés dans l'arrêt n° 227.849 du 24 juin 2014 qui a rejeté la demande de suspension; qu'il y a lieu de s'y référer;

Considérant que le requérant a exposé à l'audience qu'il renonçait à la question préjudicielle formulée dans sa requête;

Considérant que le requérant invoque dix moyens; que les neuf premiers moyens sont dirigés exclusivement contre la décision du conseil communal de la ville de Châtelet du 16 avril 2012 (second acte attaqué); que le dixième moyen est

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exclusivement dirigé contre la décision prise par l'autorité de tutelle le 20 décembre 2012;

Considérant que la Région wallonne fait valoir que les neuf premiers moyens revêtent un caractère accessoire dès lors qu'en cas d'annulation de la décision de l'autorité de tutelle sur la base du dixième moyen, il appartiendrait à ladite autorité de statuer à nouveau;

Considérant que le recours visé à l'article L3133-3 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (CDLD) est un recours de tutelle spéciale d'annulation, à l'issue duquel le gouvernement doit nécessairement se prononcer sur le recours introduit; que la décision du gouvernement ne se substitue pas à celle de l'autorité communale; que lorsque le recours est rejeté, seule la décision prise par la commune subsiste dans l'ordonnancement juridique; que, par contre, lorsque le recours est accueilli, il appartient à la commune d'apprécier si elle entend ou non reprendre une nouvelle décision; que lorsque, comme en l'espèce, le recours de tutelle spéciale est rejeté, le requérant doit dès lors attaquer la décision communale lui infligeant la sanction disciplinaire; qu'il est également recevable à attaquer la décision de rejet de son recours par l'autorité de tutelle dès lors qu'en cas d'annulation de cette décision ladite autorité devra à nouveau se prononcer sur le recours dont elle avait été saisie; que, cependant, si le Conseil d'État devait annuler la sanction disciplinaire infligée par la commune, la requête deviendrait irrecevable à l'égard de la décision de la tutelle dès lors que le recours exercé devant elle devrait être réputé inexistant; qu'il résulte de ces considérations que le dixième moyen revêt un caractère subsidiaire;

Considérant que le requérant prend un premier moyen de la violation de l'article L1215-7 du CDLD, des articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, des principes de bonne administration, de minutie et de légitime confiance, de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de l'excès de pouvoir; qu'il soutient que la procédure disciplinaire est irrégulière dès lors que les poursuites disciplinaires ont été intentées par le collège communal lors de sa délibération du 27 janvier 2012 en lieu et place du conseil communal, lequel n'a adopté aucune décision relative à l'ouverture desdites poursuites; qu'en réplique, il fait valoir que les parties adverses se livrent à une "lecture erronée de l'application" des articles L1215-7 et L1215-8 du CDLD; qu'il soutient que seule l'autorité compétente pour prononcer une sanction peut entamer les poursuites, en l'espèce le conseil communal; que, dans son dernier mémoire, il considère que si le législateur a pris la peine de confier à des autorités différentes le pouvoir de prononcer les sanctions mineures, d'une part, et majeures, d'autre part, il serait contradictoire

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d'admettre que ce serait la même autorité qui serait compétente pour entamer les poursuites disciplinaires sans distinction suivant les sanctions qui seraient proposées;

Considérant que les articles L1215-7 et L1215-8 du CDLD sont libellés comme suit : " Art. L1215-7. Le conseil communal peut, sur rapport du secrétaire communal, infliger aux membres du personnel rémunérés par la commune et dont la nomination est attribuée aux autorités communales les sanctions disciplinaires prévues à l'article L1215-3.

Il n'y a pas lieu à rapport du secrétaire communal pour les sanctions à infliger au secrétaire, au secrétaire adjoint, au receveur local et au comptable spécial.

Art. L1215-8. Le collège communal peut, sur rapport du secrétaire communal, infliger aux membres du personnel rémunérés par la commune et dont la nomination est attribuée aux autorités communales les sanctions disciplinaires de l'avertissement, de la réprimande, de la retenue de traitement et de la suspension pour un terme qui ne pourra excéder un mois.

L'alinéa 1er ne s'applique pas au secrétaire, au secrétaire adjoint, au receveur local et au comptable spécial";

qu'il ressort de ces deux dispositions que tant le collège communal que le conseil communal sont des autorités disciplinaires; que les peines disciplinaires sont prononcées, sur rapport du secrétaire communal, par le conseil communal ou, pour les peines les moins lourdes (avertissement, réprimande, retenue de traitement et suspension pour un terme ne pouvant excéder un mois) par le collège communal; qu'il revient à ce dernier, lorsque des faits répréhensibles qui auraient été commis par un agent de la commune sont constatés ou portés à sa connaissance et font l'objet d'un rapport du secrétaire communal, d'instruire le dossier et, en tant qu'autorité disciplinaire, d'apprécier si ces faits justifient des poursuites disciplinaires, dans l'affirmative de les intenter et, s'il estime que la faute mérite une des sanctions qu'il ne peut prononcer, de saisir le conseil communal; qu'en l'espèce, le 27 janvier 2012, le collège communal de la ville de Châtelet, sur rapport du secrétaire communal, a décidé au scrutin secret "d'ouvrir une procédure disciplinaire à l'encontre" du requérant et "de convoquer l'intéressé au Conseil communal du 12/03/2012 à 19h00"; qu'ainsi, le collège communal a intenté une procédure disciplinaire à son égard et a saisi le conseil communal en convoquant le requérant, en sa séance du 12 mars 2012; que, contrairement à ce que fait valoir le requérant, aucune règle ni aucun principe général de droit ne réserve à la seule autorité investie du pouvoir de sanctionner l'agent la prérogative d'initier l'action disciplinaire; qu'il découle de ce qui précède que le premier moyen n'est pas fondé;

Considérant que le requérant prend un deuxième moyen de la violation de l'article L1215-12 du CDLD, du principe du respect des droits de la défense et de l'excès de pouvoir; qu'il soutient n'avoir pas été convoqué pour être entendu par le

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conseil communal mais par le collège alors que les témoins ont été convoqués pour la séance du 6 février 2012 du conseil communal; qu'il ajoute que cette convocation ne mentionnait pas les faits mis à sa charge susceptibles de faire l'objet d'une sanction disciplinaire et qu'il a dû se défendre dans le cadre d'une procédure disciplinaire dans laquelle il ne connaissait pas les faits précis qui lui étaient reprochés; qu'en réplique, il estime que les faits repris à sa charge devaient être repris in extenso dans la convocation et que le rapport du secrétaire communal, qui ne contient pas l'ensemble des faits mis à sa charge, ne répond pas aux prescriptions du CDLD selon lesquelles l'intéressé doit être mis au courant des faits mis à sa charge; qu'il soutient que "la circonstance que les faits reprochés au requérant seraient contenus dans le rapport annexé à la convocation ne suffit pas à remplir l'obligation découlant du [CDLD], imposant que l'intéressé...

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