Décision judiciaire de Conseil d'État, 22 mars 2016

Date de Résolution22 mars 2016
JuridictionXI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

A R R Ê T

nº 234.221 du 22 mars 2016

G/A. 217.887/XI-20.937

En cause : 1. ROUARD Noëlla Chantal, 2. DRUGMAND Pierre Fernand, ayant élu domicile chez

Me S. SACREZ, avocat, rue de Dinant 14 A 5555 Bièvre,

contre :

la Communauté française, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez

Me M. NIHOUL, avocat, avenue Reine Astrid 10 1330 Rixensart.

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

LE PRÉSIDENT DE LA XI e CHAMBRE,

  1. OBJET DE LA REQUETE

    Par une requête unique introduite le 17 décembre 2015, Noëlla Chantal ROUARD et Pierre Fernand DRUGMAND demandent la suspension de l’exécution ainsi que l’annulation de la décision prise par le Gouvernement de la Communauté française le 7 octobre 2015, confirmant la décision de la Commission de l’enseignement à domicile du 9 juin 2015 aux termes de laquelle leur fille Hermione doit, dès la rentrée scolaire 2015-2016, être inscrite dans un établissement scolaire organisé ou subventionné par la Communauté française ou un établissement visé à l'article 3 du décret du 25 avril 2008 fixant les conditions pour pouvoir satisfaire à l’obligation scolaire en dehors de l’enseignement organisé ou subventionné par la Communauté française.

  2. PROCEDURE DEVANT LE CONSEIL D'ETAT

    XI – 20.937 - 1/13

    Une ordonnance du 12 janvier 2016 a accordé le bénéfice du pro deo aux parties requérantes.

    Le dossier administratif et une note d'observations ont été déposés par la partie adverse.

    Mme l'auditeur L. LEJEUNE a rédigé un rapport, sur la base de l’article 93 du règlement général de procédure. Ce rapport a été notifié aux parties.

    Une ordonnance du 25 février 2016, notifiée aux parties, a fixé l'affaire à l'audience de la XIe chambre du 15 mars 2016 à 14 heures 30.

    M. le président de chambre Ph. QUERTAINMONT a fait rapport.

    Me M. SACREZ, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me E. ROMBAUX, loco Me M. NIHOUL, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont présenté leurs observations.

    Mme l'auditeur L. LEJEUNE a été entendue en son avis conforme.

    Il est fait application du titre VI, chapitre II, relatif à l’emploi des langues, des lois coordonnées sur le Conseil d'État.

  3. LES FAITS UTILES

    1. Les requérants ont fait le choix, pour leur fille aînée Hermione née en octobre 2006, comme pour leurs autres enfants en âge d’obligation scolaire, d’un enseignement à domicile dispensé par les soins de la requérante.

    2. Pour l'année 2014-2015, la déclaration d'enseignement à domicile transmise à l’administration de la Communauté française était accompagnée d'une demande de dérogation en vue de l’adaptation du contrôle du niveau des études, comme le permet l’article 12 du décret de la Communauté française du 25 avril 2008 fixant les conditions pour pouvoir satisfaire à l'obligation scolaire en dehors de l'enseignement organisé ou subventionné par la Communauté française.

      Cette demande de dérogation était ainsi motivée :

      Hermione n’a pas terminé l’apprentissage de ses deux premières années au rythme prévu par l’EAD,

      Cause du retard : le choix de l’enseignement à domicile a été fait pour que l’enfant apprenne à son rythme, sans obligation ou contrainte. Les cours n’ont pas donc pas été suivis à la lettre mais l’apprentissage (la lecture en particulier) a été fait indépendamment

      .

      XI – 20.937 - 2/13

      3. Cette dérogation n’ayant pas été accordée par la Commission de l’enseignement à domicile pour le motif qu’elle « ne répondait manifestement pas aux conditions de l’article 12 du décret du 25 avril 2008, […] le contrôle du niveau des études permettant de toute façon une individualisation et un échange avec l’inspection », Hermione a été convoquée, par un courrier du 17 octobre 2014, à un contrôle du niveau des études en date des 20 et 21 novembre 2014 à l’école communale du Rond-Point à Rochefort.

      Ses parents ne l'y ont toutefois pas présentée. Selon eux, le Service de l’enseignement à domicile a été contacté par téléphone pour l’informer qu’Hermione ne pourrait se présenter au contrôle faite de moyen de transport.

    3. Le 18 décembre 2014, la Commission de l’enseignement à domicile a considéré qu’ « eu égard au caractère injustifié de l’absence d’Hermione au contrôle du niveau des études, elle a décidé de considérer que l’enseignement qui lui est prodigué ne peut être considéré comme conforme à l’article 11 du décret du 25 avril 2008 et qu’il ne lui permet pas de satisfaire à l’obligation scolaire ».

      Cette décision n’a été notifiée par courrier aux requérants que le 9 février 2015. Ce courrier ajoute que « Hermione sera à nouveau convoquée à un contrôle du niveau des études qui se déroulera dans le courant du mois d’avril 2015. Elle y sera conviée au moins un mois à l’avance par le Service général de l’Inspection ».

      Il précise aussi qu’ « en application de l’article 17, alinéa 4, du décret du 25 avril 2008, précité, en cas de nouvelle décision défavorable, votre fille devra intégrer un établissement scolaire organisé ou subventionné par la Communauté française ou un établissement visé à l’article 3 du même décret et ce, durant une année complète au moins ».

    4. A la suite d’une convocation adressée aux requérants le 13 mars 2015, un nouveau contrôle du niveau des études est prévu les 23 et 24 avril à l’école de la Croix-Scaille à Gedinne.

      Hermione y obtient les résultats suivants : - formation mathématiques : 21/50 - éveil : 16/30 - langue française : 14,5/40.

      Dans son rapport, l’inspectrice formule l’avis suivant :

      La situation de Hermione paraît TRES, TRES préoccupante.

      XI – 20.937 - 3/13

      - Quelques apprentissages sont menés mais c’est l’enfant qui doit en faire la demande. - Les liens sociaux, hors cadre familial, avec des enfants de son âge sont non seulement inexistants mais proscrits. -L’enfant est instruite en dehors de tout lien externe à la famille. Elle est élevée dans la méfiance de la société dans laquelle, pourtant, elle devra trouver sa place. Comment aider une fillette à se construire socialement quand le monde extérieur lui est présenté comme ‘méchant’ et comme un monstre dont il faut se méfier ?

      Sur base de : - des documents présentés le jour du contrôle, - des résultats obtenus lors de ce contrôle, - des faits signalés par l’enfant ou la maman de Hermione, nous estimons que le niveau d’études atteint par Hermione ne correspond en rien à ce que l’on peut attendre d’un enfant de cet âge.

      Nous estimons que cette enfant ne bénéficie pas d’un cadre lui permettant de construire correctement des savoirs et qu’il ne lui [est] pas possible de se construire socialement puisqu’elle ne fréquente pas d’autres enfants de son âge.

      Conseils éventuels en vue de l’adaptation du travail pédagogique avec le mineur

      Il parait absolument INDISPENSABLE que cette enfant intègre le plus rapidement possible un cadre où son instruction, la possibilité d’établir des liens sociaux avec des enfants de son âge et sa sécurité seront garanties

      .

    5. Par une délibération du 9 juin 2015, la Commission de l’enseignement à domicile a pris la décision...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT