Décision judiciaire de Conseil d'État, 23 février 2016

Date de Résolution23 février 2016
JuridictionXI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

A R R ÊT

nº 233.891 du 23 février 2016

A. 207.077/XI-19.369

En cause : VUJAKLIJA Vesna, agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de son enfant MILOVANOVIC Rastko, ayant élu domicile chez Me L. SILANCE, avocat, avenue Delleur 29 1170 Bruxelles

contre :

L’Etat belge, représenté par

le ministre de la Justice. ayant élu domicile chez Me B. RENSON, avocat, rue du Père Eudore Devroye 47 1040 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------- LE CONSEIL D’ÉTAT, XI e CHAMBRE,

  1. OBJET DE LA REQUÊTE

    1. Par une requête du 20 novembre 2012, Vesna VUJAKLIJA, agissant en son nom et en qualité de représentante légale de Rastko MILOVANOVIC, poursuit l’annulation de la décision du ministre de la Justice du 24 septembre 2012 déclarant irrecevable la demande de changement de nom introduite en faveur de Rastko MILOVANOVIC.

  2. PROCÉDURE DEVANT LE CONSEIL D’ÉTAT

    1. Le dossier administratif a été déposé.

    Les mémoires en réponse et en réplique ont été échangés.

    M. G. SCOHY, auditeur au Conseil d’État, a déposé un rapport rédigé sur la base de l’article 12 du règlement général de procédure. Le rapport a été notifié aux parties.

    XI – 19.369 - 1/12

    Les parties ont déposé un dernier mémoire. La partie requérante a demandé la poursuite de la procédure.

    Une ordonnance du 15 décembre 2015, notifiée aux parties, a fixé l’affaire à l’audience de la XIe chambre du 14 janvier 2016 à 9 heures 45.

    Mme C. DEBROUX, conseiller d’État, a fait rapport.

    Me L. SILANCE, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me P. CRABBE, loco Me B. RENSON, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont été entendus en leurs observations.

    M. l’auditeur G. SCOHY a été entendu en son avis contraire.

    Il est fait application du titre VI, chapitre II, relatif à l'emploi des langues, des lois coordonnées sur le Conseil d’État.

  3. FAITS UTILES À L’EXAMEN DE LA CAUSE

    1. Une loi du 22 janvier 2004, publiée au Moniteur belge du 26 février 2004, a accordé à la requérante la naturalisation belge, de même qu’à son fils majeur, né d’un premier mariage, Andrej VUJAKLIJA. Ses trois enfants, alors mineurs d’âge, Danilo et Lazar MILOVANOVIC et Rastko VUJAKLIJA-MILOVANOVIC, dont le nom a depuis lors été rectifié par décision judiciaire, sont également devenus belges à la même date.

    2. Dans le cadre d’une procédure en divorce, particulièrement conflictuelle non seulement sur le plan financier mais aussi parental, un arrêt prononcé le 11 mai 2004 par la Cour d’appel de Bruxelles, et depuis lors coulé en force de chose jugée, a notamment décidé qu’à titre de loi nationale commune à toutes les parties, la loi serbe trouvait à s’appliquer en l’espèce en ce qui concerne l’exercice de l’autorité parentale et a, sur cette base, confié à la requérante, l’autorité parentale exclusive sur les enfants communs, en précisant toutefois que leur père conserve le droit de participer aux décisions relatives aux questions importantes les concernant, et que « l’on peut continuer à exiger de [la requérante], dans le cadre du droit que reconnaît la loi serbe au parent qui n’est pas investi de l’autorité parentale, de conserver un droit de regard sur les décisions importantes concernant les enfants communs, qu’elle consulte l’intimé avant de quitter la Belgique avec les enfants communs pour s’installer dans un autre pays ».

      XI – 19.369 - 2/12

      5. Le 25 mars 2005, la requérante a introduit auprès du ministre de la Justice une demande de changement de nom pour ses trois enfants mineurs, sollicitant qu’ils puissent porter, au lieu de leur nom patronymique actuel, le nom de leur mère « VUJAKLIJA ». La demande est motivée en substance par le fait que le père a abandonné la résidence conjugale en août 2000, quelques jours à peine après la naissance de Rastko, né le 7 août 2000, et qu’il s’est depuis lors « pratiquement désintéressé non seulement de l’entretien et de l’éducation de ses enfants, mais également de leur sort », par la volonté des enfants, fort liés, de pouvoir porter le même nom que leur frère aîné et leur mère, ce qui a déjà lieu dans les faits en milieu scolaire et à la banque, et par le souhait ardent de pouvoir leur transmettre le nom du père de la requérante, fille unique, à défaut de quoi ce nom disparaîtrait avec elle.

      Il ressort du dossier administratif que le dossier a été classé sans suite le 19 janvier 2009, au motif que l’instance correctionnelle dirigée contre le père des enfants pour abandon de famille et d’enfants dans le besoin n’aboutissait pas et « Me SILANCE s’abstenant de lever les objections à sa requête, à commencer par l’absence d’accord du père des enfants mineurs ».

    3. Par un courrier du 3 mars 2010, le conseil de la requérante a réactivé la demande en faisant état de la condamnation pénale du père pour abandon d’enfants, et le dossier a été rouvert sous une nouvelle référence. Le 30 avril 2010, la partie adverse a été avisée de la reprise de cette demande, en ce qu’elle les concerne, par Danilo et Lazar MILOVANOVIC, devenus majeurs entretemps.

      Par un courrier du 5 janvier 2012, le conseil de la requérante a confirmé cette reprise, tout en soulignant que « la demande de changement de nom [...] devrait trouver une solution, eu égard également au fait qu’en droit Serbe, Danilo et Lazar ont obtenu le changement de leur nom en Serbie et s’appellent dorénavant Danilo VUJAKLIJA et Lazar VUJAKLIJA ». Il y insiste aussi sur la condamnation pénale du père pour abandon d’enfants, de même que sur l’absence total de contact dans son chef avec ses enfants depuis leur plus jeune âge.

    4. Par une note du 28 juin 2012, après avoir indiqué que l’avis des autorités judiciaires n’a pas été sollicité en raison de l’« expatriation des parties » et après avoir résumé les motifs de la demande comme étant les « désintérêt du père pour ses enfants – unité du nom entre enfants – bipatridie et divergence de nom », l’administration a détaillé les rétroactes du dossier, à l’attention de la ministre de la Justice, de la manière suivante :

      XI – 19.369 - 3/12

      « I. Une première demande est introduite par Maître Luc SILANCE le 25 mars 2005 à l’instigation de Vesna VUJAKLIJA, mère des trois intéressés...

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