Décision judiciaire de Conseil d'État, 9 février 2016

Date de Résolution 9 février 2016
JuridictionXI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

A R R Ê T

nº 233.790 du 9 février 2016

A. 218.292/XI-21.006

En cause : VAN VINKENROIJE Alexandre, ayant élu domicile chez Me M. ALIÉ, avocat, rue de l'Aurore 10

1000 Bruxelles,

contre :

l'Etat belge, représenté par le Ministre de la Justice.

------------------------------------------------------------------------------------------------- LE PRÉSIDENT DE LA XI e CHAMBRE, SIÉGEANT EN RÉFÉRÉ,

I. OBJET DE LA REQUÊTE

  1. Par une requête introduite par télécopie le 5 février 2016, Alexandre VAN VINKENROIJE (VAN VINKEROIJE, selon la décision disciplinaire attaquée) demande la suspension, selon la procédure d’extrême urgence, de l’exécution de la décision du 1er février 2016 adoptant une sanction disciplinaire de placement à l'isolement pour une durée de 21 jours, dont 7 jours avec sursis.

    Le requérant sollicite également que lui soit accordée l’assistance judiciaire gratuite.

    II. PROCÉDURE DEVANT LE CONSEIL D’ÉTAT

    Une ordonnance du 5 février 2016, notifiée aux parties, a convoqué celles-ci à comparaître à l’audience du 8 février 2016 à 14 heures.

    La partie adverse a déposé le dossier administratif.

    M. Ph. QUERTAINMONT, président de chambre, a fait rapport.

    R XI - 21.006 - 1/11

    Me A. DE BROUWER, loco Me M. ALIE, avocat, comparaissant pour le requérant, et Mme A. BESTARD, attaché, comparaissant pour la partie adverse, ont présenté leurs observations.

    M. B. CUVELIER, premier auditeur chef de section au Conseil d’Etat, a été entendu en son avis conforme.

    Il est fait application du titre VI, chapitre II, relatif à l’emploi des langues, des lois coordonnées sur le Conseil d’État.

    Il ressort de la requête que le requérant est actuellement détenu dans un établissement pénitentiaire. En application des articles 78 à 80 de l’arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d’État et 1er, § 2, de l’arrêté royal du 18 décembre 2003 déterminant les conditions de la gratuité totale ou partielle du bénéfice de l’aide juridique de deuxième ligne et de l’assistance judiciaire, il y a lieu de lui accorder le bénéfice du pro deo.

    III. LES FAITS UTILES À L’EXAMEN DE LA CAUSE

  2. Le requérant est actuellement détenu à la prison de Saint-Gilles.

    Son avocate expose dans la requête que l’origine des faits concernés réside dans une situation de détresse des détenus face aux conditions de détention et à l'administration de la prison de Saint-Gilles, car ils se voient entre autres privés depuis le 1er juillet 2015 de toute activité collective, comme l'enseignement, le sport la bibliothèque, les activités socio-culturelles, les groupes de parole et cultes collectifs.

    Elle ajoute que cette situation dramatique a trouvé un écho dans la presse, notamment par un communiqué de nombreuses associations publié par la Ligue des droits de l'homme le 14 décembre 2015, et elle rappelle que la loi de principes prévoit pourtant que chaque détenu puisse jouir de ses droits fondamentaux ainsi que, pendant son incarcération, préparer sa sortie dans l'optique d'une réinsertion dans la société.

    Le communiqué précité a déploré que cette situation s'inscrive dans un contexte général de rationalisation budgétaire de la Justice, qui entraine de graves conséquences dans la réalisation du travail des agents pénitentiaires, actuellement en sous-effectif.

    R XI - 21.006 - 2/11

    2. A l’audience, la partie adverse ne conteste pas les problèmes que connaît la prison de Saint-Gilles depuis plusieurs mois et le fait qu’il n’y a plus d’activités collectives possibles, en raison notamment du sous-effectif du personnel pénitentiaire.

    Elle souligne toutefois que le Conseil d’Etat n’est pas le lieu pour débattre de ces problèmes, qui touchent à la politique pénitentiaire et aux contraintes budgétaires, et elle rappelle que les détenus ont d’autres moyens à disposition que l’action collective pour faire état de leurs revendications, tels que le billet de rapport voire l’action en référé devant le juge civil s’ils estiment que les prescriptions de la loi de principes ne sont plus respectées.

  3. C'est dans le contexte décrit ci-avant qu'est intervenue, dans la nuit du 27 au 28 janvier 2016, une panne d'électricité générale dans l'établissement pénitentiaire de Saint-Gilles.

    Selon l’avocate du requérant, cet événement « a été perçu par certains détenus comme ‘la goutte d'eau’ faisant déborder le vase déjà trop rempli qu'est celui des mauvaises conditions de détention perdurant à la prison depuis des mois ».

    Le jeudi 28 janvier dernier, après-midi, plusieurs détenus de l'aile A, dont le requérant, ont refusé de rentrer du préau et ont bloqué les retours en cellule.

    Le requérant précise que des agents, dont un adjudant, ont accepté de négocier avec eux, leur proposant de mettre leurs revendications par écrit et de regagner leurs cellules, en échange de quoi aucun rapport disciplinaire ne serait rédigé. Certains détenus se sont exécutés.

    Selon les précisions apportées à l’audience par la partie adverse, sur les 60 à 80 détenus qui occupaient le préau A, 16 ont refusé de regagner leur cellule.

    A l’égard du requérant, une procédure disciplinaire a été initiée sur la base d'un rapport au directeur du 29 janvier, ainsi rédigé :

    « Par ordre de l'Adjudant de service, Rapport établi, ce détenu a refusé durant 1/2 heure de rentrer du préau de l'aile A ».

    Un rapport identique au directeur a été établi à l’encontre de plusieurs...

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