Décision judiciaire de Conseil d'État, 21 janvier 2016

Date de Résolution21 janvier 2016
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

nº 233.578 du 21 janvier 2016

  1. 206.295/XIII-6362

En cause : la Société privée à responsabilité limitée CAPSICUM, ayant élu domicile chez Me Benoît HAVET, avocat, allée de Clerlande 3 1340 Ottignies,

contre :

la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez Me Pierre MOËRYNCK, avocat, avenue Georges Henri 431 1200 Bruxelles.

Partie intervenante :

la Société anonyme SUDEXQUIS, ayant élu domicile chez Mes Bernard PAQUES et Lionel-Albert BAUM, avocats, boulevard de la Meuse 114 5100 Jambes.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE CONSEIL D'ETAT, XIIIe CHAMBRE,

Vu la requête unique introduite le 11 septembre 2012 par la société privée à responsabilité limitée (S.P.R.L.) CAPSICUM en ce qu'elle contient une demande d'annulation du permis délivré par le Ministre de l'Aménagement du territoire, de l'Environnement et de la Mobilité de la Région wallonne le 6 juillet 2012 à Daniel BRONCHART, agissant au nom et pour le compte de la société anonyme (S.A.) SUDEXQUIS, pour l'aménagement d'un restaurant (restauration rapide) d'entreprises au sein d'un bâtiment existant sur un bien sis avenue Vésale 1 à Wavre, cadastré section B, nº 118;

Vu la requête introduite le 1er octobre 2012 par laquelle la S.A. SUDEXQUIS demande à être reçue en qualité de partie intervenante;

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Vu l'arrêt nº 221.967 du 10 janvier 2013 accueillant la requête en intervention introduite par la S.A. SUDEXQUIS, rouvrant les débats, renvoyant l'affaire à la procédure ordinaire et réservant les dépens;

Vu l'arrêt nº 223.190 du 17 avril 2013 rejetant la demande de suspension de l'exécution de l'acte attaqué et réservant les dépens;

Vu la notification de l'arrêt aux parties;

Vu la demande de poursuite de la procédure introduite le 23 mai 2013 par la partie requérante;

Vu l'ordonnance du 5 juin 2013 accueillant la requête en intervention introduite par la S.A. SUDEXQUIS dans la procédure au fond;

Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

Vu le mémoire en intervention;

Vu le rapport de M. DEBROUX, premier auditeur au Conseil d'Etat, établi sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure;

Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;

Vu l'ordonnance du 5 novembre 2015, notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience du 17 décembre 2015 à 9.30 heures;

Entendu, en son rapport, M. PAQUES, conseiller d'Etat;

Entendu, en leurs observations, Me G. de HARENNE, loco Me D. BRUSSELMANS, avocat, comparaissant pour la partie requérante, Me G. GEORGE, loco Me P. MOËRYNCK, avocat, comparaissant pour la partie adverse, et Me G. MELCHIOR, loco Mes B. PÂQUES et L.-A. BAUM, avocat, comparaissant pour la partie intervenante;

Entendu, en son avis conforme, M. DEBROUX, premier auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

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Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande se présentent comme suit :

  1. Le 30 novembre 2010, la S.A. SUDEXQUIS introduit une demande de permis d'urbanisme portant sur la "transformation d'un commerce de mobilier en restaurant d'entreprise (restauration rapide) sans fabrication sur place (sauf sandwiches) et réchauffe des produits".

    Le projet est situé en zone d'activité économique industrielle (Z.A.E.I.) au plan de secteur de Wavre-Jodoigne-Perwez.

  2. La demande est reçue le 30 novembre 2010. Un accusé de réception est délivré le 12 avril 2011. Le dossier est considéré comme complet.

  3. Différentes demandes d'avis sont adressées aux autorités compétentes par courriers du 12 avril 2011. Les avis suivants sont donnés : - en date du 20 avril 2011, la direction des routes du Brabant wallon émet un avis favorable; - en date du 26 avril 2011, le service incendie émet un avis défavorable.

  4. Par un courrier du 29 avril 2011, le collège communal de la ville de Wavre notifie à la demanderesse de permis l'avis du service incendie en sollicitant l'introduction de plans modifiés.

    En date du 31 mai 2011, le service incendie émet un avis favorable en annulant et remplaçant l'avis précédent.

  5. Par un courrier du 23 novembre 2011 et en l'absence de décision de l'autorité communale, la S.A. SUDEXQUIS saisit le fonctionnaire délégué de la Région wallonne en application de l'article 118 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme, du patrimoine et de l'énergie (CWATUPE).

  6. Le fonctionnaire délégué accuse réception de cette demande le 23 décembre 2011.

  7. Une enquête publique a lieu du 18 janvier au 3 février 2012 au motif que l'implantation du projet déroge à la Z.A.E.I. Par un courrier du 23 janvier 2012, la société BRUMAGNE MOTORS fait observer qu'un projet similaire lui a été refusé par une décision du 25 mai 2009. Une réclamation est également introduite au nom de la S.P.R.L. CAPSICUM.

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    9. Par un courrier du 28 février 2012, le fonctionnaire délégué informe la demanderesse de permis de ce que, à défaut de décision envoyée dans le délai, la demande de permis d'urbanisme est refusée.

  8. Par un courrier du 8 mars 2012, reçu le 9 mars 2012, la S.A. SUDEXQUIS introduit un recours auprès du Gouvernement wallon.

  9. La Commission d'Avis sur Recours émet, le 8 mai 2012, un avis favorable "moyennant le respect de la réglementation relative à l'accessibilité et à l'usage des espaces et bâtiments ou parties de bâtiments ouverts au public ou à usage collectif pour les personnes à mobilité réduite".

  10. Par un courrier du 4 juin 2012, la demanderesse de permis adresse à l'autorité un courrier de rappel au sens de l'article 121 du CWATUPE. Il en est accusé réception le 6 juin 2012.

  11. Le 26 juin 2012, la direction juridique, des recours et du contentieux de l'administration de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme propose au Ministre compétent de refuser le permis sollicité.

  12. Par un arrêté du 6 juillet 2012, le Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du territoire et de la Mobilité décide d'octroyer le permis sollicité.

    Il s'agit de l'acte attaqué;

    Considérant que la requérante justifie son intérêt comme suit :

    " Le projet attaqué prévoit l'aménagement d'un restaurant «Exki».

    La partie requérante est propriétaire de la sandwicherie «Switch» située juste en face de l'objet de la demande.

    L'exécution du permis d'urbanisme aura un impact négatif sur l'exercice de cette activité. En effet, le projet engendrera d'importants problèmes de mobilité.

    Le recours est donc recevable ratione personae";

    Considérant que l'intervenante conteste l'intérêt de la requérante au recours; qu'elle rappelle qu'un intérêt purement commercial ne peut suffire et qu'il faut que la requérante établisse que le projet est susceptible de modifier son environnement ou d'affecter son cadre de vie; qu'elle conteste les différents éléments invoqués par la requérante et les estime insuffisants;

    qu'elle note que le projet est bien situé à 30 mètres à vol d'oiseau de l'établissement de la requérante, mais qu'il en est séparé par la nationale 257, soit deux fois deux bandes de circulation séparées par une berme centrale empêchant les voitures de

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    passer, ce qui prive le projet de tout impact sur l'activité et la propriété de la requérante; qu'elle décrit le trajet que devraient effectuer ceux qui, souhaitant se rendre dans son établissement, voudraient néanmoins se garer dans le parking de la requérante et juge ce scénario hautement improbable; qu'elle se réfère à l'arrêt nº 223.190 du 17 avril 2013 qui a rejeté la demande de suspension en jugeant que "il est permis de se demander si le préjudice réel invoqué par la requérante ne se résume pas à une occupation hypothétique de son parking qui la priverait de la possibilité d'accueillir une clientèle équivalente «compromettant ainsi l'exercice de son activité», soit à un préjudice financier";

    qu'elle précise que la capacité du restaurant en projet est de 128 places et non de 180 comme allégué par la requérante; qu'elle soutient, en se référant au plan d'implantation, que le nombre de places de parking dont elle dispose n'est pas de 11 comme allégué par la requérante mais de 22 auxquelles s'ajoutent 10 places partagées avec le commerce immédiatement voisin de son restaurant en projet; qu'elle estime que cette capacité est tout à fait suffisante pour éviter tout report de son activité sur le parking de la requérante; qu'elle prétend aussi que la requérante dispose de 40 places de parking qui sont utilisées par un centre de copies, une librairie, les bureaux de CAPSICUM et le restaurant, alors que ce restaurant a une capacité de 150 places; qu'elle conclut que la requérante ne peut être suivie quand elle fait état de craintes quant au report du parcage de l'exploitation de l'intervenante sur son parking;

    qu'elle s'interroge aussi sur la légitimité de l'intérêt de la requérante lié à d'hypothétiques problèmes de parking en se référant à la notice déposée par la requérante lors de sa demande de permis d'urbanisme relative à son propre immeuble où celle-ci a affirmé ce qui suit :

    " le charroi supplémentaire sera essentiellement constitué des personnes employées dans ce futur bâtiment, soit un maximum de 10 personnes. La clientèle sera essentiellement constituée du personnel des sociétés environnantes (...) effet du charroi supplémentaire : sans risque particulier";

    qu'elle estime que son exploitation est du même type que celle de la requérante (clientèle constituée du personnel des entreprises environnantes) et que si le parking de la requérante est jugé suffisant, il doit en être de même pour le sien;

    qu'elle se demande si l'intérêt réel n'est pas exclusivement commercial;

    Considérant que, dans son dernier mémoire, l'intervenante conteste à nouveau tout problème de mobilité et prétend que la requérante ne fait valoir qu'un intérêt strictement commercial; qu'elle met en avant le...

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