Décision judiciaire de Conseil d'État, 17 décembre 2015

Date de Résolution17 décembre 2015
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

nº 233.302 du 17 décembre 2015

  1. 205.617/XIII-6305

En cause : la Société coopérative à responsabilité limitée

INTERCOMMUNALE DE SANTE PUBLIQUE

DU PAYS DE CHARLEROI, en abrégé I.S.P.P.C., ayant élu domicile chez Mes Jean BOURTEMBOURG et Nathalie FORTEMPS, avocats, rue de Suisse 24 1060 Bruxelles,

contre :

la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez Me Robert JOLY, avocat, avenue Val Saint Georges 2 5000 Namur.

Partie intervenante :

la Société anonyme MINERALE,

ayant élu domicile chez

Me Annabelle VANHUFFEL, avocat, rue de Bruxelles 51 1400 Nivelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE CONSEIL D'ETAT, XIIIe CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 16 juillet 2012 par la société coopérative à responsabilité limitée (S.C.R.L.) INTERCOMMUNALE DE SANTE PUBLIQUE DU PAYS DE CHARLEROI (I.S.P.P.C.) qui demande l'annulation de l’arrêté du 4 mai 2012, par lequel le Ministre de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et de la Mobilité a déclaré recevable le recours introduit par la société anonyme (S.A.) MINERALE contre l'arrêté du collège communal de la ville de Charleroi du 27 décembre 2011 lui accordant un permis d'environnement visant à régulariser l'exploitation d'un dépôt d'huiles usagées et d'un dépôt de déchets de

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classe 2 existants, renouveler l'autorisation de déversement des eaux usées à l'égout public et lui refusant l'extension de la capacité de stockage de déchets de verre à 30.000 tonnes, dans un établissement régulièrement autorisé, situé rue des Aulniats, 202 à Lodelinsart, et a modifié cet arrêté en autorisant l'extension de la capacité maximale de stockage à 25.000 tonnes de déchets de verre;

Vu la requête introduite le 5 novembre 2012 par laquelle la S.A. MINERALE demande à être reçue en qualité de partie intervenante;

Vu l'ordonnance du 20 novembre 2012 accueillant cette intervention;

Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

Vu le mémoire en intervention;

Vu le rapport de M. JADOT, premier auditeur chef de section au Conseil d'Etat, établi sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure;

Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;

Vu l'ordonnance du 2 septembre 2015, notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience du 29 octobre 2015 à 9.30 heures;

Entendu, en son rapport, Mme GUFFENS, conseiller d'Etat;

Entendu, en leurs observations, Me François BELLEFLAMME, loco Mes J. BOURTEMBOURG et N. FORTEMPS, avocat, comparaissant pour la partie requérante, Me Véronique DAMANET, loco Me R. JOLY, avocat, comparaissant pour la partie adverse, et Me Elodie MARIE, loco Me A. VANHUFFEL, avocat, comparaissant pour la partie intervenante;

Entendu, en son avis conforme, M. JADOT, premier auditeur chef de section;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

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Considérant que les faits utiles à l'examen du recours se présentent comme suit :

  1. La S.A. MINERALE exploite une entreprise de recyclage de déchets de verre à Lodelinsart, rue des Aulniats, sur le territoire de la ville de Charleroi.

    Le bien est situé en zone d’habitat au plan de secteur de Charleroi.

    Il ressort du dossier et des explications fournies dans les pièces de procédure qu’afin d’exercer ses activités, la S.A. MINERALE a obtenu diverses autorisations, en particulier :

    - un permis d’exploiter du 9 février 1990, délivré par la députation permanente de la province du Hainaut, autorisant, pour un terme expirant le 9 février 2020, l’exploitation d’installations de récupération, de triage, de concassage et de stockage de déchets de verre;

    - un permis d’exploiter du 14 novembre 1996, délivré par la députation permanente de la province du Hainaut, autorisant, pour un terme expirant également le 9 février 2020, l’exploitation d’une seconde installation de triage de verre, la capacité de stockage étant fixée à 15.000 tonnes de déchets de verre;

    - un permis de bâtir relatif à la construction d’un bâtiment industriel, délivré le

    12 août 1997 par le collège des bourgmestre et échevins de la ville de Charleroi;

    - et une autorisation de déversement des eaux usées, délivrée le 12 octobre 2001.

  2. Les activités de la S.A. MINERALE sont exercées à côté du site pour lequel la S.C.R.L. I.S.P.P.C. a obtenu, le 2 août 2005, un permis unique couvrant la construction et l’exploitation du nouvel hôpital de Charleroi.

  3. Dans le courant de l’année 2005, la S.A. MINERALE et l’I.S.P.P.C. concluent un "code de bon voisinage".

    Le préambule de ce "code" contient notamment le passage suivant :

    " La société MINERALE entend introduire prochainement une demande de permis unique ou d'urbanisme (avec changement des conditions d'exploitation par le fonctionnaire technique) afin de procéder à des modifications aux conditions d'exploitation.

    Cette demande aurait les caractéristiques suivantes :

    - augmentation de la capacité de stockage de verre de 15.000 à 25.000 tonnes;

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    - réalisation de boxes de stockage pour les matières premières; - élargissement des plages horaires dont le travail de nuit dans la division tri optique et ce 24h/24 (travail exécuté dans un bâtiment); - création de stocks tampons; - réalisation d'un mur d'enceinte (côté hôpital notamment) et réalisation d'un projet de verdurisation".

    Selon les termes de son article 1er, alinéa 1er, le "code de bon voisinage" "établit les niveaux de nuisances environnementales acceptables en matière de bruit, d'émission de poussières et d'odeurs liées spécifiquement à l'activité de la S.A. MINERALE et qui pourraient éventuellement être perçues dans le futur hôpital de l'I.S.P.P.C.".

    Pour chacun des trois domaines de nuisances qui viennent d’être indiqués, les articles 2 à 4 du "code" présentent les sources de la nuisance, les engagements de la S.A. MINERALE (valeurs limites à respecter et moyens à mettre en oeuvre à cette fin), la méthodologie de contrôle (moyens à mettre en oeuvre en vue de vérifier le respect des valeurs limites) et les éventuelles actions correctives à mettre en oeuvre (en cas de dépassement des valeurs limites).

  4. A la suite de la conclusion du "code de bon voisinage", deux décisions sont prises :

    - le 14 mars 2006, le fonctionnaire délégué délivre à la S.A. MINERALE un permis d’urbanisme visant à régulariser diverses installations. Selon son préambule, ce permis tend à permettre "la mise en oeuvre d’actions préventives définies dans le «code de bon voisinage» établi entre le demandeur et le futur hôpital Bon Air à Lodelinsart (mur d’enceinte, boxes de stockage, couverture anti-bruit)";

    - le 13 juin 2006, le collège des bourgmestre et échevins de la ville de Charleroi modifie les conditions d’exploitation de l’établissement en vue d’étendre les plages horaires des activités de la S.A. MINERALE, comme annoncé dans le "code de bon voisinage".

  5. Le 9 septembre 2011, la S.A. MINERALE introduit une demande de permis d’environnement pour le renouvellement de l’autorisation de déversement des eaux usées et l’extension du centre de regroupement, de tri et de prétraitement de déchets de verre.

    La demande d’extension du centre porte sur l’augmentation de la capacité maximale de stockage de déchets de verre en vue de la faire passer de 15.000 à 30.000 tonnes, l'exploitation d'un dépôt d'huiles usagées d'une capacité de

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    2.000 litres en fûts, l'exploitation d'un dépôt de 180 m³ de déchets de classe 2 dans une logette, et l'exploitation d'un transformateur haute tension d'une puissance nominale de 630 kVA.

    En ce qui concerne l’augmentation de la capacité maximale de stockage de déchets de verre, qui est au coeur du présent litige, la demande de permis se présente explicitement comme étant une demande de régularisation administrative par rapport à une situation de fait.

  6. L’enquête publique sur la demande de permis d’environnement donne lieu, d’une part, à cinq lettres de réclamations et observations et une pétition émanant de riverains et, d’autre part, à un courrier circonstancié de l’I.S.P.P.C. s’opposant à l’augmentation de la capacité maximale de stockage de déchets de verre.

  7. Le département de l’environnement et de l’eau - direction des eaux de surface et le département de la police et des contrôles - direction de charleroi, de la direction générale opérationnelle de l’agriculture, des ressources naturelles et de l’environnement (DGO3) du Service public de Wallonie donnent chacun, dans les délais prescrits, un avis favorable, sous conditions, à l’octroi du permis d’environnement.

    Le département du sol et des déchets (office wallon des déchets) de la DGO3 fait part de son absence d’objections à la délivrance du permis moyennant le respect de conditions particulières. Il le fait cependant tardivement, de sorte que son avis est réputé favorable.

  8. Dans son rapport de synthèse, le fonctionnaire technique donne un avis favorable, sous conditions, à l’octroi du permis d’environnement. En ce qui concerne la capacité maximale de stockage de déchets de verre, il propose de la fixer à 25.000 tonnes.

  9. Le 27 décembre 2011, le collège communal accorde le permis d’environnement, sous conditions, pour le renouvellement de l’autorisation de déversement des eaux usées et, s’agissant de l’extension du centre de regroupement, de tri et de prétraitement de déchets de verre, pour l'exploitation d'un dépôt d'huiles usagées d'une capacité de 2.000 litres en fûts, l'exploitation d'un dépôt de 180 m³ de déchets de classe 2 dans une logette, et l'exploitation d'un transformateur haute tension d'une puissance nominale de 630 kVA.

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    Par contre, le collège communal refuse l’augmentation à 30.000 tonnes de la capacité maximale de stockage de déchets de verre.

    Il justifie ce refus comme suit :

    " Considérant qu'il s'agit de la régularisation d'une situation...

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