Décision judiciaire de Conseil d'État, 30 octobre 2015

Date de Résolution30 octobre 2015
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R Ê T

nº 232.798 du 30 octobre 2015

  1. 211.891/VIII-9154

En cause : MICHIELS Sylvie, ayant élu domicile chez

Me Xavier CLOSE, avocat, avenue de l'Observatoire 10 4000 Liège,

contre :

la société coopérative à responsabilité limitée Intercommunale des seniors des communes de la Haute Meuse Liégeoise et de la Hesbaye (Interseniors), ayant élu domicile chez

Me Marc UYTTENDAELE, avocat, rue de la Source 68 1060 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------

LE CONSEIL D'ÉTAT, VIII e CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 10 mars 2014 par Sylvie MICHIELS qui demande l'annulation de "la délibération du 9 janvier 2014 d'infliger à «Madame Sylvie MICHIELS, directrice d'établissement, la sanction disciplinaire de la suspension de ses fonctions de directrice d'établissement, pour une durée de six semaines»";

Vu le mémoire ampliatif;

Vu le rapport de Marc OSWALD, auditeur au Conseil d'État, rédigé sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure;

Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;

Vu l'ordonnance du 28 juillet 2015 fixant l'affaire à l'audience publique du 18 septembre 2015;

Vu la lettre du 11 septembre 2015 remettant l'affaire à l'audience du 30 octobre 2015;

Entendu, en son rapport, Frédéric GOSSELIN, conseiller d'État;

Entendu, en leurs observations, Me Xavier CLOSE, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Marc UYTTENDAELE, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, Marc OSWALD, auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen du recours ont été rappelés dans les arrêts nos 225.134 et 225.136 du 17 octobre 2013; qu'il y a lieu de s'y référer en les complétant par les éléments suivants :

  1. Le 25 septembre 2013, la partie adverse retire la sanction de la suspension de trois mois qu'elle avait infligée à la requérante le 12 mai 2011 et décide, compte tenu de l'évolution de la composition de son conseil d'administration, "de reprendre la procédure immédiatement avant l'audition de l'agent et partant procéder à une nouvelle audition de celui-ci, et ce en vue de la prise d'une éventuelle nouvelle sanction disciplinaire".

  2. Le 30 octobre 2013, la partie adverse propose à la requérante, à la suite de l'arrêt n° 225.134 précité du Conseil d'État, de réintégrer son poste d'infirmière en chef f.f. au sein de la résidence l'Églantine.

  3. La requérante est entendue par la partie adverse le 20 novembre 2013.

  4. Le 9 janvier 2014, la partie adverse estime que deux griefs imputés à la requérante sont fondés et décide de lui infliger en conséquence la suspension de ses fonctions pour une durée de six semaines, tout en constatant que "cette sanction, destinée à remplacer la sanction rapportée du 12 mai 2011, est actuellement accomplie".

Cette décision, notifiée à la requérante le 15 janvier 2014, constitue l'acte attaqué;

Considérant que la requérante prend un premier moyen de la violation du principe général d'impartialité et du principe général des droits de la défense; qu'elle fait valoir en substance que, pour prendre la première sanction retirée par la partie adverse, celle-ci a utilisé un règlement d'ordre intérieur rédigé postérieurement au fait disciplinaire; qu'elle ajoute que lors de l'instruction disciplinaire, deux attestations présentées comme les auditions de deux directeurs de l'intercommunale ont été jointes au dossier disciplinaire, alors qu'ils n'ont pas assisté aux faits litigieux de sorte que ces pièces contiennent de simples opinions que les fonctionnaires en charge de l'information disciplinaire n'étaient pas tenus de recueillir, sous peine de mettre à mal leur impartialité; qu'elle considère que le rapport disciplinaire repose sur "des impressions" du directeur de la coordination administrative et de la directrice générale selon lesquelles elle aurait délibérément négligé de prévenir la direction des circonstances du décès de la pensionnaire, alors qu'aucun élément ne permet de confirmer cette assertion de sorte que le rapport disciplinaire témoignerait d'un manque d'objectivité; qu'elle relève que lors de l'audition du docteur RIZZO par Martine SMETZ, cette dernière "a pris fermement position sur [sa] responsabilité" en préjugeant de l'affaire et a systématiquement utilisé la première personne du pluriel, ce qui démontre qu'elle aurait pris position au nom de la partie adverse; qu'elle cite un passage du rapport de l'auditorat déposé dans le cadre de l'examen de l'affaire enrôlée sous le n° G/A 201.094/VIII-7728, selon lequel la partie adverse avait manqué au devoir d'impartialité quand elle lui avait reproché de ne pas avoir fixé les horaires de travail du personnel, et constate que ce grief a été abandonné lors de l'adoption de l'acte attaqué en l'espèce pour en déduire que la partie adverse a admis avoir fait preuve de partialité; que dans son dernier mémoire, elle fait valoir qu'il était inutile de s'inscrire en faux contre le règlement d'ordre intérieur critiqué dans la mesure où "la fausseté du document est démontrée et admise"; qu'elle ajoute que le principe d'impartialité est méconnu dès le moment où elle a eu l'impression que l'utilisation de ce document résultait d'une action intentionnelle de la partie adverse et que "les circonstances concrètes de la cause (...) permettent de soupçonner qu'un faux règlement a été rédigé et produit pour les besoins de l'action disciplinaire"; qu'en ce qui concerne les témoignages des deux directeurs, elle ajoute qu'en offrant un tel forum à deux supérieurs hiérarchiques non témoins des faits et qui n'ont fait état que de considérations subjectives et étrangères au fait disciplinaire reproché, les deux agents en charge de l'enquête disciplinaire ont ouvert la porte à un doute sur leur impartialité et que ce doute, combiné aux autres griefs dénoncés, démontre une violation du principe d'impartialité; qu'en ce qui concerne le rapport disciplinaire dénoncé, elle rappelle les explications qu'elle a données quant à la demande de discrétion qu'elle a adressée au personnel au sujet des circonstances du décès de la résidente et qui ne peuvent aboutir à la conclusion qu'elle cherchait à cacher des éléments à la partie adverse; qu'elle rappelle notamment qu'elle a averti sa directrice dès son retour de service le

5 janvier 2011, de sorte qu'il est contraire aux éléments objectifs du dossier de prétendre qu'elle aurait cherché à cacher une information à sa hiérarchie; qu'elle confirme que Martine SMETZ "n'a pas simplement posé des questions, mais a émis des opinions qui démontrent qu'elle était fermement convaincue de [sa] culpabilité" et qui attestent de préjugés incompatibles avec le principe d'impartialité; qu'elle répète que le manque d'impartialité du conseil d'administration lors de l'adoption de la première sanction est un élément parmi d'autres qui, combinés, attestent de sa partialité lors de l'adoption de l'acte attaqué;

Considérant que l'impartialité d'un organe collégial ne peut être mise en cause que si, d'une part, des faits précis qui font planer des soupçons de partialité sur un ou plusieurs membres de ce collège peuvent être légalement constatés et si, d'autre part, il ressort des circonstances que la partialité de ce ou de ces membres a pu influencer l'ensemble du collège; qu'en l'espèce, la première sanction ayant été retirée, elle a disparu de l'ordre juridique avec effet rétroactif de telle manière que les griefs que la requérante dénonce à son encontre ne peuvent être de nature à affecter la régularité de la seconde sanction disciplinaire présentement attaquée; qu'en tout état de cause, comme l'indique expressément l'acte attaqué, celui-ci n'est en aucun cas basé sur le règlement d'ordre intérieur qui avait fondé la précédente sanction disciplinaire retirée; qu'il n'apparaît ni déraisonnable ni abusif, dans le cadre de l'instruction disciplinaire, d'avoir sollicité les témoignages du directeur de la coordination administrative et de la directrice générale, dès lors que la partie adverse fait précisément grief à la requérante de ne pas avoir immédiatement prévenu sa direction des circonstances du décès de la résidente qui sont à l'origine de la procédure disciplinaire et que ce sont bien ces personnes qui ont été les témoins directs de cette abstention; que la partie adverse a dès lors pu juger utile d'entendre ces deux personnes pour se forger une opinion; que la circonstance que leurs réponses aux questions posées aient été données par écrit et non oralement est indifférente; qu'au surplus, pour arriver à la conclusion selon laquelle la requérante a délibérément voulu cacher les circonstances du décès de la résidente, le rapport...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT