Décision judiciaire de Conseil d'État, 29 octobre 2015

Date de Résolution29 octobre 2015
JuridictionXI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R Ê T

nº 232.758 du 29 octobre 2015

A. 213.326/XI-20.275

En cause : l'État belge, représenté par le Secrétaire d'État à l'Asile et la Migration,

contre :

XXX, ayant élu domicile chez Me M.-Chr. WARLOP, avocat, avenue J. Swartenbrouck 14 1090 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE CONSEIL D'ÉTAT, XIe CHAMBRE,

  1. OBJET DE LA REQUÊTE

    Par une requête introduite le 6 août 2014, l’État belge, représenté par le Secrétaire d’État à l’Asile et la Migration, demande la cassation partielle de l’arrêt n° 126.615 du 3 juillet 2014 (dans l’affaire n 147.183/III) rendu par le Conseil du contentieux des étrangers.

  2. PROCÉDURE DEVANT LE CONSEIL D’ÉTAT

    L’ordonnance n XXX du 19 août 2014 a déclaré le recours en cassation admissible.

    Le dossier de la procédure a été déposé.

    Les mémoires en réponse et en réplique ont été échangés.

    XI - 20.275 - 1/12

    M. St. SAINT-VITEUX, premier auditeur chef de section au Conseil d’État, a déposé un rapport le 27 mai 2015, rédigé sur la base de l’article 16 de l’arrêté royal du 30 novembre 2006 déterminant la procédure en cassation devant le Conseil d’État.

    Le rapport a été notifié aux parties.

    Une ordonnance du 8 septembre 2015, notifiée aux parties, a fixé l’affaire à l’audience de la XIe chambre du 1er octobre 2015 à 14 heures.

    Mme le Conseiller d’État C. DEBROUX a fait rapport.

    Me K. DE HAES, loco Me Fr MOTULSKY avocats, comparaissant pour la partie requérante, et Me NGENZEBUHORO, loco Me M.-Chr. WARLOP, avocats, comparaissant pour la partie adverse ont été entendus en leurs observations.

    M. le premier auditeur chef de section B. CUVELIER a été entendu en son avis contraire.

    Il est fait application du titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973.

  3. LES FAITS DE LA CAUSE

    Il ressort des constatations de l’arrêt attaqué que la partie adverse, de nationalité XXX, a introduit, le 14 juin 2007, une demande d’établissement en qualité de conjoint de Belge, qu’elle a été mise en possession d’une « carte F » le 23 novembre 2007, et d’une « carte C » le 13 novembre 2012, et que, suite à un jugement rendu le 11 décembre 2012 par le Tribunal de première instance de Bruxelles déclarant le mariage nul et de nul effet, le requérant en cassation a pris à son encontre, le 23 mai 2013, une décision « mettant fin au droit de séjour de plus de trois mois avec ordre de quitter le territoire », au motif qu’elle « a sciemment trompé les autorités belges dans le seul but d'obtenir [...] un droit de séjour dans le pays ».

    Saisi d’une requête tendant à l’annulation de cette décision, le Conseil du contentieux des étrangers a annulé l’ordre de quitter le territoire et rejeté la requête pour le surplus. Il s’agit de l’arrêt attaqué.

    XI - 20.275 - 2/12

    Les motifs critiqués de l’arrêt sont les suivants:

    3.4.1. S'agissant de la violation invoquée de l'article 41 de la Charte, le Conseil rappelle que cette disposition porte que : "Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union.

    Ce droit comporte notamment:

    a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre;

    [...]".

    Il rappelle également que l'article 51 de la Charte, qui circonscrit son champ d'application prévoit que : "Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives et dans le respect des limites des compétences de l'Union telles qu'elles lui sont conférées dans les traités. [...]".

    Il en ressort que deux conditions d'application cumulatives se déduisent de la lecture de ces deux articles : d'une part, le droit d'être entendu est une prérogative accordée à "toute personne", donc également aux étrangers en séjour irrégulier qui font l'objet d'une mesure individuelle défavorable prise sur la base de la loi du 15 décembre 1980 et, d'autre part, l'applicabilité de la Charte à l'action de l'administration se limite aux cas où celle-ci "met en œuvre le droit de l'Union".

    [...]

    Quant à l'ordre de quitter le territoire, qui constitue le deuxième acte attaqué, le Conseil rappelle que l'article 7 de la loi du 15 décembre 1980 résulte de la transposition en droit belge de l'article 6.1. de la Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (ci-après : la directive 2008/115/CE), lequel porte que "Les État membres prennent une décision de retour à rencontre de tout ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 à 5". Il résulte de ce qui précède que toute décision contenant un ordre de quitter le territoire au sens de la loi du 15 décembre 1980 est ipso facto une mise en œuvre du droit européen.

    [...]

    3.4.2. En l'espèce, la partie requérante soutient, en termes de requête, que le requérant aurait pu, dans le cadre de son droit à être entendu, faire valoir, à tout le moins, de graves problèmes de santé.

    Partant, le Conseil estime, en application de la jurisprudence [de la Cour de justice de l'Union européenne], qu'il ne peut être exclu que "la procédure administrative en cause aurait pu aboutir à un résultat différent" si le requérant avait pu exercer son droit à être entendu avant la prise de l'ordre de quitter le territoire attaqué.

    XI - 20.275 - 3/12

    Le Conseil ne peut que constater qu'en ne donnant pas au requérant la possibilité de faire connaître, de manière utile et...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI
4 temas prácticos
  • Arrêt Nº257163 de Conseil du Contentieux des Etrangers, 24/06/2021
    • Belgique
    • 24 juin 2021
    ...devraient respecter ce principe et se conformer pleinement à I’ensemble des dispositions applicables de la présente directive ». Dans son arrêt 232.758. le Conseil d'Etat rappelle les exigences de critères objectifs, énoncés au 6ème considérant de la directive retour. De même dans son arrêt......
  • Arrêt Nº243861 de Conseil du Contentieux des Etrangers, 10/11/2020
    • Belgique
    • IIIème CHAMBRE (Conseil du Contentieux des Etrangers)
    • 10 novembre 2020
    ...l’article 9bis. Elles se réfèrent sur ce point à l’arrêt du Conseil n° 168 510 du 27 mai 2016 et à l’arrêt du Conseil d’Etat n° 232.758 du 29 octobre 2015. Elles en déduisent que dès lors que la directive 2008/115 prévoit la possibilité d’une telle décision, les principes régissant la direc......
  • Arrêt Nº251955 de Conseil du Contentieux des Etrangers, 31/03/2021
    • Belgique
    • IIIe CHAMBRE (Conseil du Contentieux des Etrangers)
    • 31 mars 2021
    ...général de droit dans l’ordre juridique interne. Ce principe a, par ailleurs, été rappelé par le Conseil d’Etat dans son arrêt n° 232.758 du 29 octobre 2015. Il estime que la partie défenderesse n’a pas réalisé une appréciation éclairée, objective et complète et n’a pas tenu compte de l’ens......
  • Arrêt Nº189135 de Conseil du Contentieux des Etrangers, 29/06/2017
    • Belgique
    • Conseil du Contentieux des Etrangers (France)
    • 29 juin 2017
    ...ressort de la jurisprudence c onsacrant le principe général de droit « Audi alteram partem » et cite l’arrêt du Conseil d’Etat n° 232.758 du 29 octobre 2015. Dès lors, elle constate que la décision attaquée a été prise trop rapidement et d’une manière disproportionnée alors qu’il y a une at......
4 sentencias
  • Arrêt Nº257163 de Conseil du Contentieux des Etrangers, 24/06/2021
    • Belgique
    • 24 juin 2021
    ...devraient respecter ce principe et se conformer pleinement à I’ensemble des dispositions applicables de la présente directive ». Dans son arrêt 232.758. le Conseil d'Etat rappelle les exigences de critères objectifs, énoncés au 6ème considérant de la directive retour. De même dans son arrêt......
  • Arrêt Nº243861 de Conseil du Contentieux des Etrangers, 10/11/2020
    • Belgique
    • IIIème CHAMBRE (Conseil du Contentieux des Etrangers)
    • 10 novembre 2020
    ...l’article 9bis. Elles se réfèrent sur ce point à l’arrêt du Conseil n° 168 510 du 27 mai 2016 et à l’arrêt du Conseil d’Etat n° 232.758 du 29 octobre 2015. Elles en déduisent que dès lors que la directive 2008/115 prévoit la possibilité d’une telle décision, les principes régissant la direc......
  • Arrêt Nº251955 de Conseil du Contentieux des Etrangers, 31/03/2021
    • Belgique
    • IIIe CHAMBRE (Conseil du Contentieux des Etrangers)
    • 31 mars 2021
    ...général de droit dans l’ordre juridique interne. Ce principe a, par ailleurs, été rappelé par le Conseil d’Etat dans son arrêt n° 232.758 du 29 octobre 2015. Il estime que la partie défenderesse n’a pas réalisé une appréciation éclairée, objective et complète et n’a pas tenu compte de l’ens......
  • Arrêt Nº189135 de Conseil du Contentieux des Etrangers, 29/06/2017
    • Belgique
    • Conseil du Contentieux des Etrangers (France)
    • 29 juin 2017
    ...ressort de la jurisprudence c onsacrant le principe général de droit « Audi alteram partem » et cite l’arrêt du Conseil d’Etat n° 232.758 du 29 octobre 2015. Dès lors, elle constate que la décision attaquée a été prise trop rapidement et d’une manière disproportionnée alors qu’il y a une at......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT