Décision judiciaire de Conseil d'État, 17 septembre 2015

Date de Résolution17 septembre 2015
JuridictionXV
Nature Arrêt

CONSEIL D’ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

A R R Ê T

nº 232.240 du 17 septembre 2015

196.483/XV-1273

En cause : la s.a. Brussels Airlines, ayant élu domicile chez Mes M. GODFROID et T. LEIDGENS, avocats, boulevard de l’Empereur 3 1000 Bruxelles,

contre :

la Région de Bruxelles-Capitale,

ayant élu domicile chez

Me Fr. TULKENS, avocat, chaussée de La Hulpe 120 1000 Bruxelles.

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LE CONSEIL D’ETAT, XV e CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 17 mai 2010 par la s.a. Brussels Airlines qui demande l’annulation de «la décision du Collège d’environnement de la Région de Bruxelles-Capitale du 12 mars 2010, notifiée à la requérante le 15 mars 2010, qui confirme celle de l’Institut bruxellois pour la Gestion de l’Environnement et de son fonctionnaire dirigeant du 20 octobre 2009 […], infligeant à [la requérante] une amende de 13.711 euros pour quatorze infractions à l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 27 mai 1999 relatif à la lutte contre le bruit généré par le trafic aérien»;

Vu le dossier administratif;

Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

Vu le rapport de M. D. DELVAX, auditeur au Conseil d’Etat;

Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;

Vu l’ordonnance du 10 mars 2014, notifiée aux parties, fixant l’affaire à l’audience du 24 mars 2014 à 15 heures;

XV – 1273 - 1/35

Entendu, en son rapport, M. M. LEROY, président de chambre;

Entendu, en leurs observations, Me M. GODFROID, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me É. WAGNON loco Me Fr. TULKENS, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis contraire, M. D. DELVAX, auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d’Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

Contexte législatif et réglementaire

Considérant que l’ordonnance du 17 juillet 1997 relative à la lutte contre le bruit en milieu urbain charge en son article 9 le Gouvernement régional de prendre toutes mesures destinées à limiter les nuisances sonores notamment par la définition de normes d’immission maximale; que l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 27 mai 1999 relatif à la lutte contre le bruit généré par le trafic aérien a été adopté sur la base de cette habilitation et détermine les niveaux de bruit maximum que le passage des avions peut provoquer, mesurés à une hauteur audessus du sol comprise entre 1,5 m et 25 m; que l’ordonnance du 25 mars 1999 relative à la recherche, la constatation, la poursuite et la répression des infractions en matière d’environnement, dans le texte applicable lors de l'adoption de la décision attaquée, porte en son article 33, 7°, b), qu’«est passible d’une amende administrative de 625 à 62.500 EUR toute personne qui... crée directement ou indirectement, ou laisse perdurer une gêne sonore dépassant les normes fixées par le Gouvernement»;

Considérant que les articles 35 à 39bis de cette dernière ordonnance sont rédigés comme suit:

Article 35. Les infractions énumérées aux articles 32 et 33 font l’objet soit de poursuites pénales, soit d’une amende administrative.

L’amende administrative est infligée par le fonctionnaire dirigeant de l’Institut, de l’ARP ou de l’administration compétente du Ministère ou, en cas d’absence, de congé ou d’empêchement de celui-ci, par le fonctionnaire dirigeant adjoint.

Elle est versée au Fonds pour la protection de l’environnement visé à l’article 2, 9° de l’ordonnance du 12 décembre 1991 créant des fonds budgétaires.

Article 36. Tout procès-verbal constatant notamment une infraction visée à l’article 32 ou 33 est transmis dans les dix jours de la constatation de l’infraction en un exemplaire au fonctionnaire dirigeant de l’Institut, de l’ARP ou de l’administration compétente du Ministère selon le cas ainsi qu’au procureur du Roi.

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Article 37. Le procureur du Roi notifie au fonctionnaire dirigeant de l’Institut, de l’ARP ou de l’administration compétente du Ministère selon le cas, dans les six mois de la date d’envoi du procès-verbal sa décision de poursuivre ou de ne pas poursuivre l’auteur présumé d’une infraction visée à l’article 32 ou 33.

La décision du procureur du Roi de poursuivre le contrevenant exclut l’application d’une amende administrative.

La décision du procureur du Roi de ne pas poursuivre le contrevenant ou l’absence de décision dans le délai imparti en vertu de l’alinéa 1er permet l’application d’une amende administrative.

Article 38. Le fonctionnaire dirigeant de l’Institut, l’ARP ou de l’administration compétente du Ministère décide, après avoir mis la personne passible de l’amende administrative en mesure de présenter ses moyens de défense, s’il y a lieu d’infliger une amende administrative du chef de l’infraction.

La décision d’infliger une amende administrative fixe le montant de celle-ci et invite le contrevenant à acquitter l’amende dans un délai de trente jours à dater de la notification par versement au compte du Fonds pour la protection de l’environnement, visé à l’article 2, 9°, de l’ordonnance du 12 décembre 1991 créant des fonds budgétaires, mentionné dans le formulaire qui y est joint.

La décision d’infliger une amende administrative ou, le cas échéant, la décision de ne pas infliger une amende administrative est notifiée dans les dix jours par lettre recommandée à la poste:

1° à la personne passible de l’amende administrative; 2° au procureur du Roi.

Article 39. Le paiement de l’amende administrative éteint l’action publique.

Article 39bis. Un recours est ouvert devant le Collège d’environnement à toute personne condamnée au paiement d’une amende administrative. Le recours est introduit, à peine de forclusion, par voie de requête dans les deux mois de la notification de la décision.

Le Collège d’environnement entend, à leur demande, le requérant ou son conseil, de même que l’agent ayant pris la mesure.

Le Collège d’environnement notifie sa décision dans les deux mois de la date d’envoi de la requête. Ce délai est augmenté d’un mois lorsque les parties demandent à être entendues.

En l’absence de décision dans le délai prescrit à l’alinéa précédent, la décision ayant fait l’objet d’un recours est censée confirmée.

;

Quant aux faits

La requérante est une compagnie aérienne opérant au départ et à destination de l’aéroport de Zaventem.

Les 18 décembre 2008 et 3 et 19 février, 27 mars, 11 mai et 15 juin 2009, deux inspecteurs de l’Institut bruxellois pour la Gestion de l’Environnement (I.B.G.E.) établissent des procès-verbaux d’infraction fondés sur le constat d’immission, au cours des mois de novembre et décembre 2008 et de janvier, février, mars et avril 2009, de bruits excédant les seuils fixés par l’arrêté du 27 mai 1999 par des stations de mesure situées sur le territoire régional.

XV – 1273 - 3/35

Les 23 décembre 2008 et 11 février, 3 et 31 mars, 13 mai et 23 juin 2009, l’I.B.G.E. adresse à la requérante une copie des procès-verbaux d’infraction précités et l’informe qu’ils ont également été communiqués au procureur du Roi.

Le 10 septembre 2009, l’I.B.G.E. informe la requérante qu’en l’absence de poursuite par le procureur du Roi à l’égard des faits constatés dans les procèsverbaux précités, son fonctionnaire dirigeant peut lui infliger une amende administrative, qu’elle peut faire part de ses moyens de défense par écrit ou faire part de son souhait d’être entendue, et qu’à défaut, il considérera que la partie requérante n’a aucune remarque ou argumentation à faire valoir, de sorte que la procédure sera poursuivie sur la base des informations en sa possession.

Le 9 octobre, la requérante adresse un mémoire à l’I.B.G.E.

Le 20 octobre 2009, le fonctionnaire dirigeant de l’I.B.G.E. inflige une amende de 13.711 € à la requérante.

Le 21 décembre, la requérante introduit un recours devant le Collège d’environnement contre la décision de l’I.B.G.E. Dans celui-ci, elle invoque la violation des articles 12 et 144 de la Constitution, des principes généraux de droit d’indépendance et d’impartialité, des articles 6, alinéa 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 14, § 1er, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et des formalités prescrites par l’article 11 de l’ordonnance du 25 mars 1999, le fait que la décision de l’I.B.G.E. n’est pas suffisamment motivée sur le montant de l’amende infligée, sur l’état de récidive et que cette amende est trop élevée eu égard au fait qu’elle n’a commis que très peu d’infractions, que certaines infractions proviennent de vols effectués par des avions de Virgin Express intégrés dans sa flotte et que la commission d’infractions est imprévisible.

Le 29 janvier 2010, l’I.B.G.E. dépose un mémoire devant le Collège d’environnement.

Le 12 mars 2010, le Collège d’environnement décide de confirmer la décision du fonctionnaire dirigeant de l’I.B.G.E. Cette décision est motivée comme suit :

[…] I. Antécédents

Les 18 décembre 2008, 3 février, 19 février, 27 mars, 11 mai et 15 juin 2009, l’I.B.G.E. a dressé, à charge de Brussels Airlines, 6 procèsverbaux portant respectivement les références […].

XV – 1273 - 4/35

Il résulte de ces procès-verbaux que Brussels Airlines a commis 25 infractions à l’arrêté du 27 mai 1999 relatif à la lutte contre le bruit généré par le trafic aérien.

Ces procès-verbaux et les rapports de mesure ont été portés à la connaissance de Brussels Airlines les 23 décembre 2008, 11 février, 3 et 31 mars, 13 mai et 23 juin 2009, en lui indiquant que ces documents étaient aussi envoyés au procureur du Roi de Bruxelles.

Ce dernier ayant notifié ses décisions de ne pas exercer de poursuites les 13 janvier, 20, 22 et 29 avril, 27 mai et 30 juin 2009, le fonctionnaire dirigeant de l’I.B.G.E. écrit à Brussels Airlines le 10 septembre 2009 qu’il était en droit de lui infliger une amende...

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