Décision judiciaire de Conseil d'État, 15 septembre 2015

Date de Résolution15 septembre 2015
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R Ê T

no 232.205 du 15 septembre 2015

A. 215.561/VIII-9668

En cause : ATERIANUS Thierry, ayant élu domicile chez Me Jean LAURENT, avocat, rue Defacqz 78 1060 Bruxelles,

contre :

la province de Namur, représentée par son collège provincial, ayant élu domicile chez Mes Jean BOURTEMBOURG et François BELLEFLAMME, avocats, rue de Suisse 24 1060 Bruxelles.

---------------------------------------------------------------------------------------------------- LE PRÉSIDENT F.F. DE LA VIIIe CHAMBRE DES RÉFÉRÉS,

Vu la requête introduite le 9 avril 2015 par Thierry ATERIANUS tendant, d'une part, à la suspension de l'exécution de "la décision d'infliger la sanction disciplinaire de la démission d'office prise par le collège provincial en date du 26 février 2015 et communiquée au requérant par courrier recommandé reçu le 9 mars 2015" et, d'autre part, à l'annulation de cette décision;

Vu la note d'observations et le dossier administratif;

Vu le rapport de Marc OSWALD, auditeur au Conseil d'État, rédigé sur la base de l'article 12 de l'arrêté royal du 5 décembre 1991 déterminant la procédure en référé devant le Conseil d'État;

Vu l'ordonnance du 29 juin 2015 fixant l'affaire à l'audience publique du 10 septembre 2015;

Vu la notification de l'ordonnance de fixation et du rapport aux parties;

Entendu, en son rapport, Frédéric GOSSELIN, conseiller d'État;

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Entendu, en leurs observations, Me Jean LAURENT, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me François BELLEFLAMME, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, Marc OSWALD, auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen du recours se présentent comme suit :

  1. Entré au service de la partie adverse en 1996, le requérant est agent au service technique du patrimoine immobilier. Il a été nommé en 2000 et a fait l'objet de quelques sanctions disciplinaires depuis lors.

  2. Rudy BOVRISSE, affecté en novembre 2013 dans l'équipe du requérant et de Fabrice HAUTION, adresse à sa hiérarchie des plaintes à l'encontre des deux agents précités, en raison de leur comportement à son égard.

  3. Après s'être rendu, le 12 mai 2014, au domicile du requérant, Rudy BOVRISSE est mis en incapacité de travail puis est affecté dans un autre service provincial en juin 2014.

  4. Le 16 juillet 2014, Rudy BOVRISSE dépose plainte pour harcèlement moral à l'encontre du requérant et de Fabrice HAUTION.

  5. Le 15 décembre 2014, le Service externe de prévention et de protection adresse son rapport de clôture au Directeur général de la partie adverse. Il contient l'avis suivant : " 1. Souffrance au travail : «Une situation de souffrance liée au travail vécue comme intense, avec perturbation du fonctionnement somatique, psychique, social ou professionnel de l'individu». Nous avons pu observer lors de nos entrevues avec M. BOVRISSE, des manifestations d'une forme de mal-être et une incompréhension quant aux comportements de ses collègues. Ce mal-être semble majoritairement lié à la problématique mise en exergue au travers de ce rapport et ce, même si d'autres difficultés plus personnelles ont pu s'y ajouter.

  6. Violence au travail : «Chaque situation de fait où un travailleur ou une autre personne à laquelle le présent chapitre est d'application, est (...) menacé ou agressé psychiquement ou physiquement lors de l'exécution du travail». La violence psychologique quant à elle est caractérisée par la répétition cumulative d'actes éventuellement mineurs; les conséquences pour la victime deviennent potentiellement permanentes si la violence relationnelle s'étend sur une longue période. Dans le cas présent et en regard de la typologie proposée par l'ULg, la

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    critique systématique du travail, les remarques dévalorisantes adressées à ou devant des tiers et qui portaient sur M. BOVRISSE, le déni de sa personne, l'imposition du mode de fonctionnement sont autant d'actes violents portés par M. ATERIANUS mais également par M. HAUTION à l'encontre de M. BOVRISSE.

  7. Dynamique relationnelle : Dans la situation qui nous occupe, M. ATERIANUS travaille pour l'Institution provinciale depuis des années et dispose de compétences physiques non négligeables pour l'exercice de ce métier. À cela s'ajoute, une relation de collaboration privilégiée avec M. HAUTION - qui occupe un rôle informel de chef d'équipe, de coordinateur des chantiers. Cela lui confère un certain pouvoir au sein de l'équipe. De son côté, M. BOVRISSE disposait du soutien très discret de certains collègues mais ses ressources étaient clairement moindres que celles de M. ATERIANUS. Tenant compte de ce contexte, nous pouvons considérer que nous sommes face à une dynamique relationnelle complémentaire dès lors que M. ATERIANUS disposait de ressources plus importantes. Par ailleurs, M. BOVRISSE a tenté de s'adapter le mieux possible au fonctionnement implémenté par M. HAUTION et ATERIANUS sans que cela n'ait l'effet escompté. En effet, les comportements ne se sont pas arrêtés. Aussi, nous pouvons considérer que nous sommes face a une relation de type domination - soumission. Pour preuve, l'effet de la tentative de distanciation effectuée par M. BOVRISSE n'a eu pour effet que d'intensifier la position dominante de son collègue.

    Pour appréhender totalement cette situation, il a été nécessaire que nous quittions l'angle interpersonnel pour analyser la situation au niveau groupal, ce qui est d'autant plus justifié que deux plaintes ont été déposées, une à l'encontre de M. ATERIANUS et l'autre, vis-à-vis de M. HAUTION. Conformément à ce qui ressort des témoignages, les comportements des intéressés, assez similaires, s'intensifiaient lorsqu'ils étaient en présence l'un de l'autre et se sont déjà produits vis-à-vis d'autres personnes. Ils sont donc tous les deux responsables des actes posés à l'encontre de M. BOVRISSE. De son côté, ce dernier n'a jamais posé d'actes similaires en retour - ce qui nous amène à considérer que les agissements de MM. HAUTION et ATERIANUS visaient à asseoir leur supériorité et s'apparentent à une forme de bizutage. En effet, les comportements des intéressés, au début, tentaient de rallier M. BOVRISSE, de faire en sorte qu'il «entre dans les rangs». À défaut, des comportements plus violents - comme explicités - ont été posés pour maintenir l'intéressé en position basse.

    Arrivée au terme de l'analyse de ce dossier, nous pouvons donc considérer que les éléments mis en exergue par M. BOVRISSE en ce qui concerne le comportement de M. ATERIANUS peuvent être qualifiés de bizutage et répondent à la définition du harcèlement moral au travail tel que défini par la Loi du 10 janvier 2007.

    Enfin, au niveau de l'organisation, il semble que certains éléments aient permis que ces comportements surviennent (…)".

  8. Le requérant est convoqué à une audition disciplinaire le 26 février 2015. Le même jour, l'enregistrement de son audition lui est adressé et la partie adverse décide de lui infliger la sanction disciplinaire de la démission d'office, pour les motifs suivants : " Attendu que les faits qui sont reprochés à Monsieur ATERIANUS, tels que mentionnés dans la lettre de convocation en audition sont les suivants : « Depuis 2012 (càd. au terme de votre détachement en qualité de chauffeur de M. le Gouverneur), vous faites équipe avec M. Fabrice HAUTION. Ensemble, vous constituez l'équipe des maçons du STPI.

    En juillet 2013, M. Rudy BOVRISSE a été embauché par la Province et a été affecté au STPI en qualité d'ouvrier. À partir du mois de novembre et après

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    avoir apporté une aide ponctuelle à différentes équipes, il a rejoint votre équipe. Au...

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