Décision judiciaire de Conseil d'État, 28 juillet 2015

Date de Résolution28 juillet 2015
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

nº 232.005 du 28 juillet 2015

  1. 209.319/XIII-6663

    En cause : BERTOUIL Benoît, ayant élu domicile chez Me Michel KAISER, avocat, boulevard Louis Schmidt 56 1040 Bruxelles,

    contre :

    1. la Ville de Tournai, 2. la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez Me Etienne ORBAN de XIVRY, avocat, boulevard du Midi 29 6900 Marche-en-Famenne.

      Partie intervenante :

      DUMOULIN Olivier, ayant élu domicile rue Jean Winance 25 7548 Tournai ------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE PRESIDENT F.F. DE LA XIIIe CHAMBRE,

      Vu la requête introduite le 1er juillet 2013 par Benoît BERTOUIL qui demande l'annulation de "la décision du collège communal de la ville de Tournai du 19 avril 2013 d'octroyer à Monsieur Olivier DUMOULIN un permis d'urbanisme pour la régularisation de la démolition d'une grange et la reconstruction d'une habitation unifamiliale sur le bien sis à Tournai (Mont-Saint-Aubert), chemin des Pèlerins, cadastré 5ème division, section B, n° 477m";

      Vu la requête introduite le 13 août 2013 par laquelle Olivier DUMOULIN demande à être reçu en qualité de partie intervenante;

      Vu l'ordonnance du 29 août 2013 accueillant cette intervention;

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      Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

      Vu le rapport de M. LEVAUX, auditeur adjoint au Conseil d'Etat, établi sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure;

      Vu la notification du rapport aux parties, le dernier mémoire de la partie requérante, et la lettre valant dernier mémoire de la première partie adverse;

      Vu l'ordonnance du 26 mai 2015, notifiée aux parties, les informant que l'affaire sera traitée par une chambre composée d'un membre et fixant celle-ci à l'audience du 22 juin 2015 à 10 heures;

      Entendu, en son rapport, Mme BOLLY, conseiller d'Etat;

      Entendu, en leurs observations, Me E. GOURDIN, loco Mes M. KAISER et Fr. DEBUE, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me B. HENDRICKX, loco Me E. ORBAN de XIVRY, avocat, comparaissant pour la seconde partie adverse;

      Entendu, en son avis conforme, M. LEVAUX, auditeur adjoint;

      Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

      Considérant que les faits utiles à l'examen de la cause se présentent comme suit :

    2. Le 10 novembre 2011, Olivier DUMOULIN obtient un permis d'urbanisme pour la transformation d'une grange en habitation.

      En cours de mise en œuvre du projet, le bénéficiaire du permis constate que le bâtiment ne dispose pas de fondation. Il décide alors de démolir les murs et de réaliser des fondations, en vue de reconstruire un volume identique, dit-il.

      Les travaux de démolition n'étant pas autorisés l'administration communale ordonne, à la suite d'une dénonciation du requérant, l'arrêt des travaux le 4 juin 2012. Cet ordre est confirmé à Olivier DUMOULIN par un courrier du 6 juin.

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      2. Le 26 septembre 2012, Olivier DUMOULIN introduit une demande de permis d'urbanisme auprès de l'administration communale de Tournai, en vue de la "régularisation de la démolition d'une grange et la reconstruction d'une habitation unifamiliale".

      Le dossier de demande précise que "la reconstruction est prévue à l'identique que sur le permis de transformation, même gabarit, même matériaux... Seuls les niveaux de plancher ont été modifiés. Le niveau du rez-de-chaussée a été remonté de 20 cm pour éviter toute infiltration d'eau de ruissellement venant des terres de culture voisines. [...] Malgré cette modification de niveaux à l'intérieur de la future habitation, le gabarit reste à l'identique, même hauteur de faîtière et même hauteur de gouttière".

    3. Une enquête publique est organisée du 19 octobre au 5 novembre 2012, en raison de ce que le projet a pour objet "la construction ou la reconstruction de bâtiments dont la profondeur, mesurée à partir de l'alignement ou du front de bâtisse lorsque les constructions voisines ne sont pas implantées sur l'alignement, est supérieure à 15 mètres et dépasse de plus de 4 m les bâtiments situés sur les parcelles contiguës".

      Le requérant dépose une réclamation qui est formulée en ces termes :

      " Par la présente, je souhaite faire valoir mes observations dans le cadre de l'enquête publique à l'égard de la demande de permis effectuée par Monsieur DUMOULIN, plus amplement référencée sous rubrique.

      Je suis propriétaire d'une maison que je rénove située à côté de l'implantation du projet pour lequel le permis est demandé.

      1. Quant à l'illégitimité de la demande de régularisation

        Monsieur DUMOULIN a obtenu un premier permis (PU11.5.317) de rénovation en date du 10 novembre 2011. Il a effectué des travaux non autorisés par cette demande de permis. Je l'ai signalé à vos Services le 4 juin 2012. Le même jour, ces derniers et la police ont ordonné l'arrêt de ces travaux. Cet arrêt a été confirmé par les services de police. En violation de cet ordre d'arrêt des travaux, Monsieur DUMOULIN a coulé ses fondations en date du 6 juin 2012. Je joins une nouvelle fois les photos transmises. Vous trouverez également en annexe une copie des courriers envoyés, desquels vous avez accusé réception. Monsieur DUMOULIN sollicite par sa demande de permis la régularisation des travaux qu'il a effectués en violation du premier permis qu'il a obtenu et en violation de l'ordre de cessation des travaux.

        Monsieur DUMOULIN a commis des illégalités à trois niveaux. Premièrement, il n'a pas respecté son premier permis. Deuxièmement, il a maintenu les travaux effectués nonobstant l'ordre d'arrêt de ceux-ci qui supposait la remise en état des lieux. Troisièmement, au mépris de l'ordre d'arrêt des travaux, il a poursuivi ces derniers.

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        En vertu de l'article 154 du CWATUPE, Monsieur DUMOULIN aurait pu saisir le Président du Tribunal de première instance d'une action comme en référé en vue de contester l'ordre d'arrêt des travaux. Il ne l'a pas fait de sorte que l'ordre d'arrêt des travaux, émanant des autorités communales et policières, et d'ailleurs confirmé par le bourgmestre, reste pleinement exécutoire et doit, encore aujourd'hui, être respecté. Il y aurait quelque chose de choquant d'admettre que l'on puisse obtenir un permis de régularisation après avoir sciemment violé un ordre d'arrêt de travaux.

        Dans ce contexte, la demande de permis de régularisation doit être considérée comme illégitime.

      2. Quant à l'appréciation de la possibilité d'une régularisation

        A supposer qu'il faille considérer que la demande de régularisation est admissible, quod non, j'attire votre attention sur le fait que s'agissant d'un permis de régularisation votre attention doit être particulièrement aiguisée. Selon le Conseil d'Etat :

        Un permis de bâtir doit être préalable au sens de l'article 41 du CWATUPE.

        Si, dans certaines circonstances, un permis de régularisation peut être accordé, c'est à la double condition, d'une part, que la régularisation ne porte que sur des éléments mineurs et, d'autre part, que cette régularisation soit conforme aux plans de secteur et autres sans qu'une dérogation à ces plans soit nécessaire

        (C.E., arrêt n° 126.310 du 11 décembre 2003, S.A. SABLIERES).

        En l'espèce, la régularisation qui est demandée par Monsieur DUMOULIN porte sur des éléments essentiels. Dans le projet ayant fait l'objet du premier permis d'urbanisme, il était prévu que la transformation du bâtiment litigieux devait s'appuyer sur les murs extérieurs. Or, ces derniers ont été détruits par Monsieur DUMOULIN, ce qui n'était pas autorisé par le premier permis. La demande de régularisation a donc pour objet de demander le droit de démolir puis de reconstruire alors que le premier permis n'autorisait qu'une rénovation sur la base de murs existants aujourd'hui disparus. Pour ce motif la régularisation sollicitée paraît difficile.

        Par ailleurs, l'autorité devra apprécier s'il y a des dérogations aux plans de secteur et d'autres plans.

        Il est important de rappeler également que selon le Conseil d'Etat, «le poids du fait accompli ne peut jamais constituer un argument que l'autorité devrait prendre en considération dans l'exercice de son pouvoir de décision» (C.E., arrêt n° 219.900 du 21 juin 2012, RENARD).

        Au contraire, la Haute juridiction administrative considère que le permis de régularisation doit être particulièrement motivé au sujet de la compatibilité de la construction avec le bon aménagement des lieux (C.E., arrêt n° 219.370 du 15 mai 2012, CAIRA).

        III. Quant au bon aménagement de lieux

        S'agissant du bon aménagement des lieux, j'attire votre attention sur le fait que le document transmis aux riverains dans le cadre de l'enquête publique affirme que l'habitation à reconstruire, pour laquelle le permis de régularisation est demandé, n'est pas identique au projet de rénovation pour lequel un permis avait été accordé initialement.

        En effet, il apparaît clairement dans le rapport conforme de la Région wallonne transmis dans le cadre de la première demande de permis (joint en annexe) que le volume extérieur n'est ni modifié en terme dimensionnel, ni en terme de

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        matériaux, puisque l'enveloppe est conservée et la construction est érigée à l'intérieur si ce n'est le percement de quelques baies. En outre, tous les plans, coupes et façades montraient clairement que la brique de façade était existante et conservée (une façade est jointe en exemple).

        Cette enveloppe n'existe à présent plus étant donné qu'elle a été démolie. Les photos présentant l'emplacement de la future habitation (qui sont jointes également) montrent qu'il n'existe plus aucun mur. Pourtant, le document transmis aux voisins dans le cadre de l'enquête publique indique, au § 1 de la section «option d'aménagement», que «la construction est construite selon le volume existant» et que «les matériaux utilisés sont de nature identique à l'existant et à la première demande d'urbanisme». Ce...

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