Décision judiciaire de Conseil d'État, 9 juillet 2015

Date de Résolution 9 juillet 2015
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R Ê T

no 231.907 du 9 juillet 2015

  1. 214.504/VIII-9533

En cause : VANDOOREN Daniel, ayant élu domicile chez Me Vincent DE WOLF, avocat, avenue de la Toison d'Or 1060 Bruxelles,

contre :

la Commission communautaire française, représentée par son collège, ayant élu domicile chez Me Philippe COENRAETS, avocat, boulevard de la Cambre 27 1000 Bruxelles.

---------------------------------------------------------------------------------------------------- LE PRÉSIDENT F.F. DE LA VIIIe CHAMBRE DES RÉFÉRÉS,

Vu la requête introduite le 18 décembre 2014 par Daniel VANDOOREN tendant, d'une part, à la suspension de l'exécution de "la décision du Ministre de l'Enseignement de la Commission communautaire française, adoptée en date du 20 octobre 2014, lui infligeant la sanction de la démission disciplinaire" et, d'autre part, à l'annulation de cette décision;

Vu la note d'observations et le dossier administratif;

Vu le rapport de Gabrielle JOTTRAND, premier auditeur au Conseil d'État, rédigé sur la base de l'article 12 de l'arrêté royal du 5 décembre 1991 déterminant la procédure en référé devant le Conseil d'État;

Vu l'ordonnance du 8 mai 2015 fixant l'affaire à l'audience publique du 12 juin 2015;

Vu la notification de l'ordonnance de fixation et du rapport aux parties;

Entendu, en son rapport, Luc CAMBIER, conseiller d'État;

VIIIr - 9533 - 1/13

Entendu, en leurs observations, Me Diego GUTIERREZ CACERES, loco Me Vincent DE WOLF, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Ludovic BURNON, loco Me Philippe COENRAETS, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, Gabrielle JOTTRAND, premier auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen du recours se présentent comme suit :

  1. Le requérant est professeur nommé à titre définitif, de cours techniques et de cours de pratique professionnelle au sein de l'Institut Charles GHEUDE, établissement d'enseignement secondaire spécialisé pour enfants connaissant des difficultés d'apprentissage (type 1) ou souffrant de déficiences physiques (type 4), organisé par la partie adverse.

  2. Le 7 février 2014, un incident se produit dans l'atelier de mécanique pendant le cours du requérant. À la suite de cet incident, la direction de l'établissement organise deux réunions.

  3. La première a lieu le 10 février 2014, en présence du requérant et de deux autres professeurs de mécanique. La seconde se tient le jeudi 13 février 2014.

  4. Plusieurs élèves de la section "mécanique" produisent des témoignages écrits relatant les faits du 7 février 2014, remis à la direction de l'établissement.

  5. Par un courrier du 14 février 2014. le directeur de l'établissement demande au pouvoir organisateur d'entamer une procédure disciplinaire à l'encontre du requérant ainsi qu'une procédure de suspension préventive.

  6. Le requérant en est informé et est invité à être entendu le 27 février 2014 dans le cadre de la procédure de suspension préventive, par le Ministre-Président de la Commission communautaire française, chargé de l'Enseignement.

    À la suite de cette audition, la partie adverse prend, le 28 février 2014, la décision de suspendre préventivement le requérant dans l'intérêt du service. Cette

    VIIIr - 9533 - 2/13

    décision a été notifiée à l'intéressé par un courrier recommandé du même jour. La mesure produit ses effets au 4 mars 2014.

  7. Dans le cadre de la procédure disciplinaire, la chef de service du service Enseignement de la partie adverse procède le 11 mars 2014 à l'audition des collègues du requérant de la section "mécanique", à savoir Karim BEN AYAD, Patrick MUSIN, Abdelhak ZEGAI, Bernard DE CONINCK, Victor Manuel CRUZ BAEZA et le 18 mars, à celle des élèves N., E., E., C. et S..

  8. La partie adverse convoque le requérant à une audition dans le cadre de la procédure disciplinaire. Cette audition se déroule le 2 juin 2014, sous la direction du Ministre-Président de la Commission communautaire française.

  9. La proposition de sanction de la démission disciplinaire est prise par ce dernier et est notifiée au requérant le 20 juin 2014.

  10. Le requérant introduit contre cette proposition un recours auprès de la chambre de recours de l'enseignement officiel subventionné du niveau secondaire, ordinaire et spécialisé. Les écrits de procédure sont régulièrement échangés.

    La chambre de recours entend le requérant le 18 septembre 2014 et rend un avis par lequel elle estime qu'il conviendrait de ramener la sanction de démission disciplinaire infligée au requérant à celle de suspension par mesure disciplinaire n'excédant pas dix mois. Cet avis est motivé comme suit : " Recevabilité du recours et régularité de la procédure

    Le recours, régulier en la forme et introduit dans le délai de 20 jours prescrit par le § 3 de l'article 65 du décret du 6 juin 1994, est recevable.

    La procédure disciplinaire prévue par ce décret a été respectée. Contrairement à ce que soutient le requérant, il fut bien informé le 17 février 2014 qu'une procédure disciplinaire fut engagée à son encontre le 17 février 2014 et il était parfaitement informé des faits qui lui étaient reprochés.

    Le fait que des devoirs d'instruction, notamment l'audition de collègues du requérant le 11 mars 2014 et d'élèves le 18 mars 2014, ont eu lieu postérieurement à la décision de suspension préventive du 28 février 2014, est sans la moindre incidence sur la régularité de la procédure disciplinaire.

    Les droits de la défense du requérant ont été respectés. Le fait pour l'autorité disciplinaire de n'avoir pas entendu tous les témoins sollicités par le requérant s'explique par le fait que ceux-ci n'ont pas été les témoins directs des faits reprochés au requérant.

    Sur le fondement du recours.

    3.1 Sur les faits faisant l'objet de la poursuite disciplinaire

    VIIIr - 9533 - 3/13

    La décision proposant d'infliger une sanction disciplinaire de démission au requérant ne retient pas la première altercation que celui-ci eut avec l'élève prénommé E. (faisant partie de la classe du professeur BEN AYAD) et s'en tient uniquement au comportement du requérant envers l'élève N. M.. Cette décision ne retient pas davantage le fait contesté que le requérant aurait menacé les élèves de représailles si la direction était informée de ce fait et le fait, également contesté, que le requérant aurait émis, devant ses élèves, des critiques envers certains professeurs.

    Le requérant convient que, excédé par l'attitude perturbatrice et provocatrice de l'élève N. M., il jeta en direction de celui-ci un balai et qu'ensuite, il l'agrippa par le menton en l'invitant à régler en dehors de l'atelier leur différend, laissant ainsi entendre qu'il était prêt à en découdre physiquement avec lui.

    Mais divers témoignages permettent également de tenir également pour constant le fait que le requérant a agrippé l'élève M. en cognant sa tête sur le hayon d'une voiture (selon les dépositions concordantes du professeur BEN AYAD et des élèves prénommés E. et C.).

    De tels faits de violences physiques et morales commis par un professeur envers un élève sont inadmissibles et méritent d'être sanctionnés disciplinairement. Une circulaire ministérielle du 1er octobre 1999 relative à la prévention des violences en milieu scolaire dispose, en son article 7.3, qu'en cas de violence d'un membre du personnel envers un élève, une procédure disciplinaire doit être engagée et des mesures conservatoires prises.

    Contrairement à ce que soutient le requérant, qui tente de les minimiser, celui-ci ne se trouvait dans la cause de justification de la contrainte irrésistible visée par l'article 71 du Code pénal.

    Il importe peu que, suite à ces faits, une plainte n'ait pas été déposée du chef de coups et blessures ou menaces verbales ou par...

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