Décision judiciaire de Conseil d'État, 3 juillet 2015

Date de Résolution 3 juillet 2015
JuridictionXV
Nature Arrêt

CONSEIL D’ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

A R R Ê T

nº 231.857 du 3 juillet 2015

213.142/XV-2610

En cause : la s.a. Résidence Les Chèvrefeuilles,

ayant élu domicile chez

Mes B. CAMBIER et F. HANS, avocats, avenue Winston Churchill 253/40 1180 Bruxelles,

contre :

la Région wallonne,

ayant élu domicile chez

Mes M. KAISER et E. GOURDIN, avocats, boulevard Louis Schmidt 56 1040 Bruxelles.

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LE CONSEIL D’ÉTAT, XV e CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 18 juillet 2014 par la s.a. Résidence Les Chèvrefeuilles qui demande l’annulation de l’arrêté du Gouvernement de la Région wallonne du 24 avril 2014 rejetant le recours introduit contre une décision du 12 juillet 2013 lui infligeant une amende administrative;

Vu le dossier administratif;

Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

Vu le rapport de M. Y. DELVAL, auditeur au Conseil d’État;

Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;

Vu l’ordonnance du 18 mai 2015, notifiée aux parties, fixant l’affaire à l’audience du 9 juin 2015 à 9 heures 30;

Entendu, en son rapport, Mme D. DÉOM, conseiller d’État;

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Entendu, en leurs observations, Mes B. CAMBIER et L. CROSSET, avocats, comparaissant pour la partie requérante, et Me E. GOURDIN, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis contraire, M. Y. DELVAL, auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d’Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l’examen de la cause se présentent comme suit :

La maison de repos «Résidence Les Chèvrefeuilles» exploitée par la requérante fait l’objet, le 1er avril 2010, d’une inspection par deux fonctionnaires de la partie adverse, accompagnés d’une personne dont la qualité n’est pas précisée. La requérante bénéficiait alors, selon le rapport d’inspection, d’un agrément définitif pour 44 personnes âgées, de 5 lits pour courts séjours et de 5 places en centre d’accueil de jour.

Ce rapport relève divers manquements. Parmi ceux-ci, figure une surcapacité, car 46 conventions de long séjour sont en cours, aucune personne n’étant présente au titre d’un court séjour. Il est également constaté que quatre personnes sont hébergées dans une «villa» voisine, et que le directeur a expliqué qu’elles louent des pièces dans cette «villa» à titre privé et sont présentes pendant la journée dans la maison de repos en qualité de résidents en centre d’accueil de jour.

Le rapport propose, à la suite de ces manquements, de retirer l’agrément pour les places en centre d’accueil de jour et de suspendre l’agrément de la requérante en tant que maison de repos pour personnes âgées.

Ce rapport n’a connu aucune suite et n’a pas été transmis à la requérante.

Le 21 mai 2013, les installations de la requérante font l’objet d’une nouvelle inspection par les mêmes inspecteurs de la partie adverse. À cette date, la requérante dispose toujours d’un agrément pour 44 lits en maison de repos, 5 lits de court séjour et 5 places en centre d’accueil de jour. Elle dispose également, par ailleurs, d’un titre de fonctionnement pour une résidence-services de 21 logements, située dans la même rue.

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Le rapport relate les conditions de la visite d’inspection, formule des observations et récapitule le suivi d’une série de remarques antérieures. Il conclut qu’il y a à nouveau deux résidents hébergés en surcapacité, ainsi que des problèmes dans la gestion des conventions de court séjour ou de long séjour. Le rapport constate également que des personnes fréquentant la maison de repos sont hébergées dans deux maisons portant les numéros 54 et 63. Ces maisons semblent appartenir, l’une (n° 54) à Yves LENOIR, administrateur de la société, et son épouse, et l’autre (n° 63) à leurs deux filles. Le rapport décrit les conventions signées par les habitants de ces deux maisons, soit, d’une part, un bail avec les propriétaires respectifs pour l’occupation d’une chambre ou d’un appartement dans ces maisons et, d’autre part, une convention avec la requérante afin de bénéficier de certains de ses services.

À la suite de cette inspection, les agents de la partie adverse dressent un procès-verbal où, après avoir relaté les faits, ils estiment qu’ils constituent :

- l’exploitation sans titre de fonctionnement d’un établissement pour personnes âgées à tout le moins pour 3 personnes relevant de la maison sise au n° 54 de la rue de Boussoit, et 3 personnes relevant de la maison sise au n° 63 de la même rue,

- une surcapacité de deux personnes, par rapport à la capacité agréée en maison de repos, de par la présence avérée de 2 résidents supplémentaires à tout le moins du 1.05 au 21.05.2013,

- une surcapacité supplémentaire de 3 personnes, par rapport à la capacité long séjour agréée, de par l’absence de précision d’hébergement de court séjour dans la convention pour l’une de ces personnes, et de par la présence, au sein de l’établissement, de deux autres personnes depuis plus de trois mois, soit la durée maximale en court séjour.

Ce procès-verbal est communiqué à l’administrateur délégué de la requérante, par un courrier daté du 3 juin 2013, qui rappelle que ces faits sont passibles tous et chacun d’une amende administrative de 250 euros à 25.000 euros conformément à l’article 375, § 1er, 1°, du Code wallon de l’Action sociale et de la Santé et l’invite à se présenter pour audition, dans le cadre de cette procédure, le lundi 24 juin. Un courrier similaire est adressé à Yves LENOIR, son épouse et leurs deux filles.

Un autre courrier daté du même jour est envoyé à l’administrateur délégué de la requérante. Il constitue un avertissement consécutif à dix-neuf autres manquements constatés lors de l’inspection.

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Yves LENOIR, administrateur de la requérante, et Michèle RENAUT, directrice de la maison de repos, sont entendus le 24 juin.

Le 12 juillet, le directeur général de la Direction des aînés du Département des aînés et de la famille de la partie adverse décide, par un acte longuement motivé, d’infliger à la requérante une amende de 8.250 euros.

Le 2 août, la requérante introduit à l’encontre de cette décision un recours auprès du Gouvernement wallon.

Dans le cadre de l’instruction de ce recours, la Commission d’avis sur les recours en matière d’action sociale et de santé sollicite l’avis de la Commission wallonne des aînés. Celle-ci émet, le 17 octobre, un avis sur l’hébergement dans les maisons voisines de la maison de repos exploitée par la requérante, qui conclut que «l’habitat groupé, même sans définition légale, a sa propre logique assez éloignée de la situation décrite dans ce dossier. Ce n’est pas en créant un brouillard entre les différents types de structures que l’on pourra répondre aux besoins d’aides et de protection des aînés en perte d’autonomie».

Après avoir entendu la requérante les 17 septembre et 19 novembre 2013, la Commission d’avis sur les recours en matière d’action sociale et de santé se prononce, le 12 décembre, en estimant que le recours est recevable mais non fondé.

Par un arrêté du 24 avril 2014, la partie adverse déclare le recours de la requérante recevable mais non fondé et, partant, confirme l’amende administrative. Il s’agit de l’acte attaqué;

Considérant que la requérante prend un premier moyen de la violation de la Constitution, notamment de ses articles 10, 11 et 33, du Code wallon de l’Action sociale et de la Santé (CWASS), notamment de ses articles 334 et 365 à 375, de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, notamment de ses articles 2 et 3, du Code réglementaire wallon de l’Action sociale et de la Santé, notamment de son article 1453, et des principes généraux du droit, notamment ceux relatifs à la proportionnalité et à la sécurité juridique, et de l’absence, de l’erreur, de l’insuffisance ou de la contrariété dans les causes ou les motifs; qu’elle expose que les habitations voisines de la maison de repos ne sont pas des maisons de repos, que l’on ne peut pas leur appliquer la réglementation relative à celles-ci, et que, partant, la partie adverse l’a sanctionnée sur la base de dispositions qui n’étaient pas applicables; qu’en une première branche, elle affirme notamment que ces maisons n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 334, 2°, a), du CWASS, qui définit la maison de repos comme «l’établissement, quelle qu’en soit la dénomination, destiné à l’hébergement d’aînés qui y ont leur résidence habituelle et y bénéficient, en

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fonction de leur dépendance, de services collectifs familiaux, ménagers, d’aide à la vie journalière et de soins infirmiers ou paramédicaux»; que, selon elle, ces maisons ne sont pas des «établissements», puisque leurs installations y compris les espaces communs ne servent pas à l’exploitation d’une entreprise mais sont réservées à l’usage privé des locataires; qu’elle fait valoir que les résidents d’une maison de repos ne bénéficient que d’une autonomie limitée, ce qui n’est pas le cas des personnes concernées, comme il ressort notamment du règlement d’ordre intérieur des maisons en question; qu’elle observe qu’une maison de repos doit offrir obligatoirement et cumulativement l’ensemble des services cités par l’article 334, 2°, a), du CWASS, alors que les locataires des maisons ont le choix de conclure ou non la convention d’accueil d’habitat groupé, que les services proposés sont quantitativement très inférieurs à ceux qu’il y a dans une maison de repos, que l’accueil dans les maisons litigieuses n’inclut pas d’office des prestations en termes de soins de santé et que les occupants ne bénéficient notamment pas des services ménagers; qu’elle met en évidence la dualité des conventions de service et de bail; qu’elle expose que ses prestations au profit des occupants de ces maisons sont fournies dans le cadre d’une activité...

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