Décision judiciaire de Conseil d'État, 6 janvier 2015

Date de Résolution 6 janvier 2015
JuridictionXV
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

A R R Ê T

nº 229.729 du 6 janvier 2015

213.533/XV-2639

En cause : 1. PIETQUIN Jean-François, 2. l'a.s.b.l. LIGUE DES DROITS DE L'HOMME, 3. l'a.s.b.l. LUTTES, SOLIDARITÉS, TRAVAIL,

ayant élu domicile chez

Me J.-M. DERMAGNE, avocat, rue de Behogne 78 5580 Rochefort,

contre :

la ville de Namur,

ayant élu domicile chez

Me M. NIHOUL, avocat, avenue Reine Astrid 10 1330 Rixensart. -----------------------------------------------------------------------------------------------------

LE PRÉSIDENT F.F. DE LA XV e CHAMBRE SIÉGEANT EN RÉFÉRÉ,

Vu la requête introduite le 28 août 2014 par Jean-François Pietquin, l'a.s.b.l. Ligue des Droits de l'Homme et l'a.s.b.l. Luttes, Solidarités, Travail, en ce qu'elle tend à la suspension de l'exécution du règlement général relatif à la mendicité sur le territoire de la ville de Namur, adopté par le conseil communal le 26 juin 2014 et affiché le 2 juillet suivant;

Vu le dossier administratif et la note d'observations déposés par la partie adverse selon la procédure électronique;

Vu le rapport de M. J.-Fr. NEURAY, premier auditeur chef de section au Conseil d'Etat;

Vu l'ordonnance du 4 décembre 2014 fixant l'affaire à l'audience du 19 décembre 2014 à 10 heures;

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Vu la notification aux parties du rapport et de l'avis de fixation à l'audience;

Entendu, en son rapport, Mme D. DÉOM, conseiller d'Etat, président de chambre f.f.;

Entendu, en leurs observations, Me J.-M. DERMAGNE, avocat, comparaissant pour les parties requérantes, et Me M. NIHOUL, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, M. J.-Fr. NEURAY, premier auditeur chef de section;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la cause se présentent comme suit :

Particulièrement depuis 2013, les autorités communales de Namur reçoivent des plaintes et réclamations à propos de comportements problématiques liés à la mendicité. Le service des gardiens de la paix fait régulièrement état d'incidents en raison de la présence de personnes faisant la manche. La zone de police de Namur indique, dans un rapport du 27 mai 2014, avoir effectué, entre le 1er

janvier et le 27 mai, 118 interventions relatives à la mendicité au sens large (y compris les personnes sans domicile fixe et les squats), soit environ 1 % du total des interventions de police effectuées durant cette période.

Le 26 juin, le conseil communal adopte le règlement attaqué, qui se présente comme suit :

Vu le Code de la démocratie locale et de la décentralisation, spécialement ses articles L1122-30 alinéa 1er, L1122-32, L1123-29, L1133-1 et L1133-2;

Vu la Nouvelle Loi Communale, spécialement ses articles 119, 119bis, 133 alinéa 2 et 135 § 2, 1, 2, 3, 5 et 7;

Vu la loi du 8 avril [1965] sur la protection de la jeunesse, spécialement son article 82;

Vu la loi du 16 février 1954 relative à la protection de la canne blanche; Considérant que les communes ont pour mission de faire jouir les habitants des avantages d'une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité dans les rues, lieux ou édifices publics;

Que, particulièrement, appartient aux communes le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, telles que les rixes et disputes,

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accompagnées d'ameutement dans les rues et le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics;

Qu'également, les communes doivent prendre des précautions convenables en vue de prévenir les accidents ainsi que les mesures nécessaires y compris les ordonnances de police, afin de combattre toute forme de dérangement public;

Considérant que la pratique de la mendicité est susceptible de compromettre la commodité du passage, voire de mettre en danger la circulation des piétons et automobilistes en certains endroits particulièrement fréquentés de l'entité;

Que la pratique de la mendicité est également susceptible de nuire au bon déroulement d'événements particuliers entraînant de grands rassemblements de personnes;

Qu'en certains endroits, la mendicité est également susceptible de générer un sentiment d'insécurité, particulièrement à l'égard des catégories "faibles" (enfants-personnes âgées) et de perturber le déroulement d'activités, notamment scolaires et commerciales, susceptibles de dégénérer en dispute et autres troubles;

Que la pratique de la mendicité a été constatée à l'occasion de grands rassemblements (brocantes et marchés notamment) ainsi qu'en certains endroits (abords des grands magasins, commerces, gares, places publiques,...);

Qu'il a été constaté, par ailleurs, depuis plusieurs mois un accroissement considérable du nombre de mendiants sur le territoire communal et singulièrement dans les artères commerçantes et touristiques du centre de Namur et de Jambes;

Qu'une part significative de cette nouvelle mendicité est organisée, ou à tout le moins facilitée par des réseaux extérieurs qui viennent s'ajouter aux mendiants qui étaient déjà présents sur le territoire de la Ville (utilisant parfois même des enfants, des jeunes animaux et allant jusqu'à simuler des infirmités;...);

Que de nombreuses plaintes et réclamations ont été adressées tant au Bourgmestre qu'au Chef de corps par des touristes, par des citoyens, par des commerçants, par des usagers de la Ville (travailleurs, étudiants, chalands...);

Que le diagnostic local de sécurité rédigé dans le cadre du Plan Stratégique de Sécurité et de Prévention (PSSP) édicté par le Ministère de l'Intérieur, permet de favoriser la prise de décision en matière d'orientation des actions et des projets de la Ville et de ses partenaires dans le cadre de ce même PSSP qui met en exergue l'insécurité subjective (perception, sentiment d'insécurité) vécue et dénoncée par la population;

Qu'il est manifeste que cette mendicité génère un sentiment d'insécurité fort dans le chef de la population;

Qu'il appartient dès lors au Conseil, sur proposition du Bourgmestre, de prendre des mesures idoines pour endiguer ce phénomène dans les plus brefs délais pour éviter une extension de celui-ci;

Qu'il convient en conséquence d'interdire la mendicité dans les lieux où les troubles sont plus régulièrement constatés et les plus probables de se produire et ce durant le temps strictement nécessaire;

Considérant enfin que certaines formes de mendicité particulièrement dérangeantes doivent être interdites;

Qu'en parallèle, un plan d'action transversal relatif à la politique d'accompagnement social se poursuivra intensément avec l'ensemble des services et acteurs concernés, internes et externes à la Ville, sur le territoire communal;

Considérant en outre qu'un règlement relatif aux prestations artistiques sur le domaine public, tel le service chantant, sera proposé prochainement au Conseil communal;

Sur proposition du Collège communal du 26 juin 2014,

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Décide :

Art. 1er : Au sens du présent règlement, il y a lieu d'entendre par : Mendicité, le fait de demander aide et assistance au public sous forme d'aumônes ou le fait de dissimuler la demande d'aumône sous le prétexte d'offrir un service, tel que la vente d'objets, de journaux ou de périodiques...

Art. 2 : La mendicité est interdite à Namur dans les lieux publics spécifiés ci-après: a. Namur : places de la Station, du Chapitre, et Léopold, boulevards Ernest Mélot, du Nord, rue Borgnet, square Léopold, rues Rogier, Godefroid, avenue de la Gare, rue de Fer, venelle des Capucins, rue des Dames Blanches, Espace de l'Ange, rue de Marchovelette, place d'Armes, rues de la Monnaie, du pont, l'ensemble des rues du piétonnier, rues de Bruxelles, des Croisiers, des Carmes, rue et passage Saint-Joseph, passage de la Gare, rues de l'Inquiétude, Émile Cuvelier, place du Théâtre, rues de la Tour, Saint Jacques, du Beffroi, de Bavière, des Brasseurs, place Maurice Servais, rues du Bailly, des Échasseurs, Jean-Baptiste Brabant, du 1er Lanciers, de l'Étoile, des Tanneries, du Lombard, Julie Billiart, Saint-Nicolas, place l'Ilon, rue Bas de la Place, avenue Fernand Golenvaux, rues d'Harscamp, de Gravière, Pepin, Joseph Saintraint, Lelièvre, places Saint-Aubain, du Palais de Justice, rues Grafé, Grandgagnage, de l'Arsenal, du Séminaire, rempart de la Vierge, places Saint-Hilaire, Kegeljan, Marché Saint Remy, rue du Grognon, pointe du Grognon, rue Notre-Dame, impasse de l'Hôpital Militaire, rues Moncrabeau, Gaillot, Lucien Namêche, jardins du Mayeur, rue des Ursulines, place du Carillon, rues de l'Évêché, des Bouchers, impasse d'Harscamp, quais de Sambre (dans sa section comprise entre les ponts de l'Évêché et de France), des Chasseurs Ardennais, rues du Tan, Patenier, de Gembloux, chaussées de Louvain et de Waterloo. b. Jambes : place de la Wallonie, rue de la Gare Fleurie, avenues du Bourgmestre Jean Materne et Gouverneur Bovesse, boulevard de la Meuse, quai de Meuse, rue d'Enhaive (dans sa section comprise entre l'avenue du Bourgmestre Jean Materne et le rue de la Brigade Piron).

La mendicité est interdite à l'occasion des manifestations spécifiques suivantes : les Fêtes de Wallonie, le marché de Noël, ainsi que lors des fêtes et...

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