Décision judiciaire de Conseil d'État, 2 décembre 2014

Date de Résolution 2 décembre 2014
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R Ê T

nº 229.406 du 2 décembre 2014

A. 204.519/VIII-7994

En cause : SCHOTTE Didier, ayant élu domicile chez Me Diego GUTIERREZ CACERES, avocat, avenue de la Toison d'Or 68/9 1060 Bruxelles,

contre :

la commune d'Auderghem, représentée par le collège des bourgmestre et échevins, ayant élu domicile chez Me Frédéric VAN DE GEJUCHTE, avocat, place de Jamblinne de Meux 41 1030 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE CONSEIL D'ÉTAT, VIIIe CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 17 avril 2012 par Didier SCHOTTE qui demande l'annulation de "la délibération du 14 février 2012 du Collège des Bourgmestre et Échevins de la Commune d'Auderghem, lui infligeant la peine disciplinaire de la retenue de traitement de 5 jours";

Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

Vu le rapport de Florence PIRET, auditeur au Conseil d'État, rédigé sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure;

Vu la notification du rapport aux parties et le dernier mémoire de la partie requérante;

Vu l'ordonnance du 16 septembre 2014 fixant l'affaire à l'audience publique du 14 novembre 2014;

VIII - 7994 - 1/16

Entendu, en son rapport, Jacques VANHAEVERBEEK, président de chambre;

Entendu, en leurs observations, Me Diego GUTIERREZ CACERES, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Frédéric VAN DE GEJUCHTE, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, Florence PIRET, auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen du recours ont été exposés dans l'arrêt n° 216.765 du 8 décembre 2011; que cet arrêt a annulé une première délibération de la partie adverse du 19 janvier 2010 infligeant au requérant la peine disciplinaire de la retenue de traitement de cinq jours; qu'à la suite de cet arrêt, le requérant a été réentendu, le 17 janvier 2012, en présence de son conseil, par la partie adverse; qu'une note de défense a été déposée et un procès-verbal a été établi et signé par le requérant; que le 14 février 2012, le collège a décidé de lui infliger, à nouveau, la sanction disciplinaire de privation de traitement de cinq jours; que cette décision, qui constitue l'acte attaqué, est ainsi motivée : " (…)

Faits à charge de M. Didier Schotte :

Le Secrétaire communal a saisi le Collège, en 2009, des comportements suivants qu'il estime constitutifs de manquements dans le chef de M. Schotte :

  1. Le 16 juin 2009, l'Inspection sociale a envoyé une mise en demeure à la commune concernant diverses infractions à la loi sur le bien-être au travail et son arrêté d'exécution constatées à l'École du Blankedelle et à la crèche «Les Chatons». Des échéances de transmission de documents pour le 1er août 2009 étaient fixées.

    M. Schotte n'avait pas préparé un dossier contenant les informations requises par l'Inspection sociale à lui transmettre le 1er août 2009. J'ai dû, en son absence et avec la collaboration de Noéline Brepsant, Cédric Schlueppmann et Luc Depelchin préparer les fiches d'analyse de risque, poste par poste, collationner les rapports des services externes de contrôle techniques et de leurs attestations, veiller à transmettre à l'Inspection sociale la preuve de la signalisation des sorties de secours, plan d'évacuation, toilettes hommes-femmes, ...

  2. Le 24 mars 2009, l'Inspection sociale a expédié une mise en demeure à l'administration communale pour diverses infractions à la loi sur le bien-être et son arrêté d'exécution avec des échéances précises pour la régularisation.

    M. Schotte n'a rien entrepris de significatif pour pouvoir rencontrer l'échéance du 30 mai 2009 pour transmettre l'analyse des risques réclamée.

    VIII - 7994 - 2/16

    3. Le 4 août 2009, M. Schotte a tenu une réunion avec les chefs de services pour les informer de la nécessité de réaliser une analyse de risques poste par poste. Il n'a pas fourni d'assistance aux chefs de service en leur transmettant des fiches types d'évaluation déjà complétées pour les postes de travail existant à la commune alors que de telles fiches sont accessibles dans d'autres communes, sur internet (le Service juridique comme le Service de l'Enseignement se les ont procurées) et que le Secrétariat aurait mis à sa disposition, à deux reprises, les fiches d'analyses de risques réalisées pour de nombreux postes de travail d'ouvriers régionaux (fiches communiquées par M. Lefebvre à la commune).

    M. Schotte semble ainsi avoir manqué de conscience professionnelle et à ses devoirs de fonctionnaire. Aux yeux du Secrétaire, il aurait également contribué à participer ou à maintenir des infractions à la loi sur le bien-être et à son arrêté d'exécution.

    Auditions : L'intéressé a été auditionné, sur le fond, le 8 décembre 2009. Il a également déposé un écrit, lors de cette dernière audition.

    À la suite de l'arrêt n° 216.765 du 8 décembre 2011 du Conseil d'État annulant la délibération du collège infligeant à Didier Schotte la peine disciplinaire de la retenue de traitement de cinq jours, la procédure disciplinaire se retrouve en l'état qui était le sien au jour où le Collège devait statuer.

    La motivation de l'annulation implique de soumettre au débat contradictoire l'avis du secrétaire formulé dans le rapport au Collège précédant la sanction.

    Une audition s'est donc tenue le 17 janvier 2012.

    Au cours de celle-ci une note fut déposée laquelle, jusqu'en son point 13, est une fidèle reproduction de la présentation des faits formulée dans la requête en annulation déposée par le conseil de M. Schotte devant le Conseil d'État. Elle renvoie à des annexes qui n'ont pas été jointes. Il s'agit vraisemblablement d'un défaut de correction de la note par rapport à la requête en annulation dont elle est tirée, les pièces auxquelles il est renvoyé dans la note étant, en vérité, les pièces telles qu'évoquées et numérotées dans le recours en annulation.

    En substance, l'intéressé tient, au sujet des faits qui lui ont été reprochés, les lignes de défense suivantes : 1. Soit il agit comme conseiller en prévention et il dispose d'une immunité disciplinaire;

  3. Soit des tâches lui sont demandées en dehors de ses missions de conseiller en prévention et, comme elles n'ont pas été précisées dans un profil de fonctions, il ne peut pas lui être reproché de ne pas les avoir accomplies.

    Pour le surplus, le conseil de l'agent soulève différentes questions de droit. Ces questions ont trait : - à l'impartialité du Collège des Bourgmestre et Échevins qui est l'auteur de la première sanction annulée; - à la proportionnalité entre la hauteur de la sanction et les faits qui la fondent au regard du délai qui s'est écoulé depuis l'adoption de la première sanction; - au délai qui s'est écoulé entre les faits et la deuxième sanction que le Collège des Bourgmestre et Échevins serait amené à adopter.

    Réponses quant à la compétence et à la marge d'appréciation du Collège à la suite de l'arrêt d'annulation

    L'annulation prononcée par le Conseil d'État a eu pour effet de replacer les parties à la veille de l'adoption de la sanction. L'annulation n'a nullement pour effet de priver l'autorité disciplinaire du pouvoir de reprendre la procédure. Le Conseil d'État a ainsi jugé qu'une autorité administrative peut procéder à

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    la réfection d'un acte administratif annulé en reprenant la procédure interrompue et pour autant que la nouvelle décision soit purgée des vices constatés par le juge administratif (arrêt «MOISSE et GOVAERTS», n° 174.601 du 18 septembre 2007). En l'occurrence, le vice constaté par le Conseil d'État se situait au stade de l'établissement du rapport complémentaire du Secrétaire communal. Une réfection des sanctions annulées impliquait dès lors que la procédure soit reprise à ce stade en permettant aux agents poursuivis de prendre connaissance du rapport complémentaire et de faire valoir leurs observations à propos de ce rapport.

    Dans le cas présent, une audition a été organisée le 17 janvier 2012, M. Schotte s'étant vu adresser, le 23 décembre 2011, un courrier pour lui faire savoir qu'il avait le droit de consulter le dossier et d'être assisté lors de son audition. L'agent concerné a pu prendre connaissance du rapport complémentaire établi par le Secrétaire communal. La procédure disciplinaire a ainsi été purgée du vice qui avait été constaté par l'arrêt d'annulation du Conseil d'État.

    S'agissant du principe d'impartialité, le Conseil d'État a déjà jugé que la circonstance qu'une sanction disciplinaire a été prise par la même autorité que celle qui avait pris une première sanction annulée par le Conseil d'État ne peut, à elle seule, établir un défaut d'impartialité (arrêts «SMEETS», n° 54.023 du 26 juin 1995; «GERARD», n° 53.554 du 7 juin 1995 et «CAUWET», n° 36.479 du 22 février 1991).

    L'agent à l'égard duquel la procédure a été recommencée doit établir, par des éléments concrets, que de l'autorité peut être mise en doute. Le Conseil d'État rappelle de manière constante que lorsque l'autorité disciplinaire est un organe collégial, la mise en cause de son impartialité ne peut être retenue que si des faits précis peuvent être allégués et légalement constatés, de nature à faire planer le soupçon de partialité sur un ou plusieurs membres du Collège (arrêts «DUBUFFET», n° 190.955 du 27 février 2009; «BOUCHEZ», n° 89.745 du 22 septembre 2000). Le Conseil d'État a par ailleurs considéré que «la collégialité a notamment pour fonction d'estomper l'aspect inévitablement subjectif de toute opinion individuelle et que, sauf cas particulier démontré (...), ce serait faire injure à un Collège que de lui imputer a priori une docilité servile envers l'un quelconque de ses membres» (arrêt «LATINNE», n° 152.659 du 13 décembre 2005).

    Aucun élément précis n'est avancé par le conseil de l'agent en vue d'établir la partialité du Collège ou celle d'un...

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