Décision judiciaire de Conseil d'État, 13 novembre 2014

Date de Résolution13 novembre 2014
JuridictionXI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R Ê T

nº 229.150 du 13 novembre 2014

A. 208.223/XI-19.573

En cause : le Commissaire général aux aux réfugiés et aux apatrides, ayant élu domicile chez Me E. DERRIKS, avocat, avenue Louise 522/14 1050 Bruxelles,

contre :

XXX,

ayant élu domicile chez

Mes Chr. MARCHAND et D. ALAMAT, avocats, rue du Marché au Charbon 83 1000 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE CONSEIL D'ÉTAT, XIe CHAMBRE,

  1. OBJET DU RECOURS

    Par une requête envoyée par pli recommandé à la poste le 14 mars 2013, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a sollicité la cassation de l’arrêt n° 96.933 prononcé le 12 février 2013 par le Conseil du contentieux des étrangers dans l’affaire n° 103.655/III.

  2. LA PROCEDURE DEVANT LE CONSEIL D'ETAT

    Une ordonnance n° XXX du 27 mars 2013 a déclaré le recours en cassation admissible.

    Le dossier de la procédure a été déposé.

    Les mémoires en réponse et en réplique ont été régulièrement échangés.

    M. le premier auditeur chef de section au Conseil d'Etat St. SAINT-VITEUX a rédigé un rapport, sur la base de l'article 16 de l'arrêté royal du 30 novembre 2006 déterminant la procédure en cassation devant le Conseil d'État.

    XI - 19.573 - 1/16

    Ce rapport a été notifié aux parties.

    Par une lettre du 13 juin 2014, la partie requérante a demandé la poursuite de la procédure.

    Une ordonnance du 4 septembre 2013, notifiée aux parties, a fixé l'affaire à l'audience de la XIe chambre du 9 octobre 2014 à 14 heures.

    M. le conseiller d'Etat Y. HOUYET a fait rapport.

    Me E. DERRIKS, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me D. ALAMAT, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont présenté leurs observations.

    M. le premier auditeur chef de section St. SAINT-VITEUX a été entendu en son avis.

    Il est fait application du titre VI, chapitre II, relatif à l’emploi des langues, des lois coordonnées sur le Conseil d'État.

    En application de l’article 14, alinéa 3, de l’arrêté royal du 30 novembre 2006 précité, le Conseil d’Etat statue au vu du mémoire en réplique qui se présente comme un mémoire de synthèse.

  3. LES FAITS

    La partie adverse, de nationalité XXX, a quitté en 1991 son pays pour XXX, où la demande d’asile qu’elle avait introduite n’a pas abouti.

    Elle serait ensuite arrivée en Belgique en 1997 où elle a séjourné clandestinement.

    Le 16 février 2006, elle a été condamnée par le tribunal correctionnel de Bruxelles à une peine de six ans d’emprisonnement (et deux mille euros d’amende) pour participation aux activités d’un groupe terroriste. Ce jugement retient dans le chef de la partie adverse le fait d’avoir participé, en tant que membre dirigeant, aux activités de la cellule belge du “groupe islamique des combattants XXX” (XXX) ainsi que l’association de malfaiteurs, le faux et usage de faux et le séjour illégal.

    Après avoir introduit des demandes de régularisation de séjour, toutes rejetées par les services de l’Office des étrangers, la partie adverse s’est ensuite, le 16 mars 2010,

    XI - 19.573 - 2/16

    déclarée réfugiée, en invoquant la crainte de subir des persécutions en cas de retour au XXX et le risque d’être cataloguée par ses autorités nationales comme XXX, à la suite de sa condamnation en Belgique.

    Cette demande d’asile a fait l’objet, le 8 décembre suivant, d’une décision du Commissaire général aux réfugiés l’excluant du bénéfice du statut de réfugié en application de l’article 55/2 de la loi du 15 décembre 1980 et de l’article 1er, section F, c, de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés.

    Saisi d’un recours contre cette décision, le Conseil du contentieux des étrangers a prononcé le 13 janvier 2011 un arrêt annulant la décision attaquée et renvoyé le dossier au Commissaire général, parce qu’il manquait au dossier des éléments essentiels qui impliquaient que le Conseil ne pouvait conclure à la confirmation ou à la réformation de la décision attaquée sans qu’il soit procédé à des mesures d’instruction complémentaires.

    Le 2 février 2011, le Commissaire général aux réfugiés a pris une nouvelle décision excluant la partie adverse du bénéfice du statut de réfugié. Saisi à nouveau, le Conseil du contentieux des étrangers a, par un arrêt du 3 mars 2011, annulé la décision attaquée et renvoyé le dossier au Commissaire général, en relevant que ce dernier n’avait pas mené de véritables mesures d’instruction complémentaires, violant ainsi l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt précité du 13 janvier 2011.

    Le 24 mai 2011, le Commissaire général aux réfugiés a pris une troisième décision concluant à l’exclusion de la partie adverse du bénéfice du statut de réfugié. Par son arrêt n° 64.356 du 1er juillet 2011, le Conseil du contentieux des étrangers a reconnu à la partie adverse la qualité de réfugié. Cet arrêt a été cassé par l’arrêt du Conseil d’Etat n° XXX du 13 juillet 2012.

    Le 12 février 2013, le Conseil du contentieux des étrangers a statué à nouveau sur le recours par un arrêt n° 96.933. Il a réformé la décision du requérant du 24 mai 2011 et a reconnu le statut de réfugié à la partie adverse. Il s’agit de l’arrêt attaqué.

  4. FONDEMENT DU RECOURS

    IV.1. Premier moyen

    IV.1.1. Arguments des parties

    Le premier moyen est pris de la violation des articles 39/76, § 1er, alinéas 2 et 3 et

    XI - 19.573 - 3/16

    39/65 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, de l’article 149 de la Constitution, du défaut de motivation et de l’erreur de droit.

    Le requérant rappelle le passage suivant de l’arrêt attaqué :

    4.1. En annexe à sa requête introductive d’instance, la partie requérante joint les pièces suivantes : un avis de fixation devant le Tribunal de première instance de Bruxelles pour l’audience du 31 mars 2011, un courrier du 14 avril 2011 adressé par les associations de défense des droits de l’homme au Secrétaire d’État, un rapport d’examen mental du 14 avril 2011, un arrêt du 23 février 2011 de la Cour de Cassation (n° P.10.2047/F/1), une sentence arbitrale rendue le 30 novembre 2005 dans le dossier de XXX par l’instance XXX et une plainte du 2 mai 2011 pour torture, déposée par les conseils de Monsieur XXX., auprès du Conseil national des droits de l’Homme du Royaume du XXX.

    4.2. Indépendamment de la question de savoir si ces pièces constituent des nouveaux éléments au sens de l’article 39/76, § 1er, alinéa 4, de la loi du 15 décembre 1980, elles sont valablement déposées dans le cadre des droits de la défense, dans la mesure où elles étayent les moyens de la requête. Le Conseil les prend dès lors en compte à ce titre

    .

    Dans une première branche, le requérant soutient que la compétence de pleine juridiction dévolue au Conseil du contentieux des étrangers se voit limitée par l’article 39/76, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980 et qu’il lui appartient dans un premier temps de vérifier si les pièces produites devant lui constituent des éléments nouveaux.

    Il expose que la partie adverse a produit des documents qui n’avaient jamais été communiqués auparavant et qu’en s’abstenant de vérifier si ces documents constituaient ou non des éléments nouveaux, le premier juge a commis une erreur de droit et n’a pas indiqué les motifs pour lesquels il estime ne pas avoir eu à examiner si les pièces en cause constituaient ou non des éléments nouveaux.

    Dans une deuxième branche, le requérant soutient qu’il ne ressort pas de la lecture l’arrêt attaqué sur la base de quelles dispositions le premier juge s’est fondé pour estimer devoir prendre en considération les éléments invoqués pour la première fois devant lui. Il ajoute que le juge n’a pas démontré qu’il a examiné au préalable si la production des éléments concernés satisfaisait aux conditions imposées par la loi.

    Dans une troisième branche, le requérant fait valoir que la partie adverse n’a pas expliqué la raison plausible pour laquelle elle n’a pu produire ces pièces durant la procédure administrative.

    XI - 19.573 - 4/16

    La partie adverse répond qu’il ressort à suffisance de l'arrêt attaqué que le premier juge a estimé que les droits de la défense l'autorisaient à tenir compte des éléments qu’elle avait produits et qu’il n'y a dès lors pas de violation de l'obligation de motivation prévue aux articles 39/65 de la loi du 15 décembre 1980 et 149 de la Constitution.

    La partie adverse estime également que l'article...

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