Décision judiciaire de Conseil d'État, 16 octobre 2014

Date de Résolution16 octobre 2014
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R Ê T

nº 228.767 du 16 octobre 2014

  1. 208.228/VIII-8529

En cause : MACKENZIE-OBLIN Médéric, ayant élu domicile chez Me Ronald FONTEYN, avocat, rue de Florence 13 1000 Bruxelles,

contre :

la société anonyme de droit public HR Rail,

ayant élu domicile chez

Mes Chris VAN OLMEN et Vincent VUYLSTEKE, avocats, avenue Louise 221 1050 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE CONSEIL D'ÉTAT, VIIIe CHAMBRE,

Vu la requête unique introduite le 7 mars 2013 par Médéric MACKENZIE-OBLIN tendant, d'une part, à la suspension de l'exécution de "la décision du conseil d'appel de la SNCB Holding datée du 15 janvier 2013 lui infligeant la sanction disciplinaire de la révocation" et, d'autre part, à l'annulation de cette décision;

Vu l'arrêt nº 223.699 du 4 juin 2013 décrétant le désistement de la demande de suspension;

Vu la demande de poursuite de la procédure introduite par la partie requérante;

Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

Vu le rapport de Benoit CUVELIER, premier auditeur au Conseil d'État, rédigé sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure;

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Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;

Vu l'ordonnance du 22 août 2014 fixant l'affaire à l'audience publique du 10 octobre 2014;

Entendu, en son rapport, Luc CAMBIER, conseiller d'État;

Entendu, en leurs observations, Me Ronald FONTEYN, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Vincent VUYLSTEKE, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, Benoit CUVELIER, premier auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen du recours se présentent comme suit :

  1. Le requérant, né le 25 février 1961, est entré au service de la partie adverse en 1981 en tant qu'agent contractuel. Il a été nommé le 1er janvier 1986 à la fonction de commis d'exploitation et affecté aux guichets de la gare de Tubize. Au moment des faits, il exerçait la fonction de commis aux écritures aux services centraux à Bruxelles.

  2. Le 2 septembre 2011, le requérant fait l'objet d'une "réprimande sévère" pour abandon de service le mardi 30 août 2011 dans l'après-midi. Il avait sollicité une dispense de service pour l'organisation d'un tournoi de golf, et celle-ci lui avait été refusée. Il a néanmoins quitté les locaux vers midi, sans utiliser son badge de sortie et sans prévenir ses collègues.

  3. Le 7 septembre 2011, il s'est vu infliger la sanction de la retenue du cinquième d'un jour de traitement pour "fraude sociale", en raison de sa participation à une compétition de golf, le 22 juin 2011, alors qu'il était en incapacité de travail.

  4. Le 4 octobre 2011, le requérant est entendu au sujet de sa participation à des compétitions de golf les 12, 14 et 26 septembre 2011, alors qu'il était, à ces dates, en incapacité de travail. Cette audition portait également sur la copie non autorisée de données informatiques confidentielles relatives au personnel

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    et l'utilisation considérée comme abusive du matériel informatique et téléphonique de la partie adverse à des fins privées.

  5. Le 5 octobre 2011, le requérant fait l'objet d'une suspension préventive, prenant cours le lendemain.

  6. Le 23 décembre 2011, la partie adverse propose de révoquer le requérant, avec ratification de la suspension préventive. Cette décision, notifiée au requérant le 28 décembre 2011, repose sur trois motifs : outre celui qui a justifié la mesure de suspension, à savoir la participation à des tournois de golf pendant des congés pour maladie, qualifiée de "tentative de fraude à l'égard du fonds des œuvres sociales", l'autorité lui reproche la copie non autorisée de données informatiques confidentielles relatives au personnel et une utilisation abusive du matériel informatique et téléphonique de la partie adverse à des fins privées (23 heures 44 de communications vers un seul et même numéro de GSM privé).

  7. À la suite de la demande du requérant d'être entendu par le conseil d'appel et à faire l'objet d'une enquête sociale, le rapport d'enquête sociale est rédigé le 22 février 2012 et le rapport à l'attention du conseil d'appel est établi le 6 mars 2012.

  8. Le 28 mars 2012, devant le conseil d'appel, le requérant comparaît assisté de son conseil et dépose une note argumentée. Celle-ci réfute les divers griefs disciplinaires et évoque la situation familiale, médicale et matérielle difficile du requérant.

  9. Le 17 avril 2012, le conseil d'appel a proposé d'infliger au requérant la sanction de la révocation.

  10. Lors de sa séance du 23 avril 2012, le comité de direction a décidé de se rallier aux conclusions du conseil d'appel.

  11. Par une requête introduite le 21 juin 2012, le requérant a sollicité la suspension et l'annulation de cette décision devant le Conseil d'État.

  12. Par un arrêt n° 221.501 du 23 novembre 2012, le Conseil d'État en a suspendu l'exécution.

  13. Le 14 janvier 2013, le comité de direction de la partie adverse décide d'une part, de retirer la décision du 23 avril 2012 et d'autre part, d'adopter une

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    nouvelle sanction de révocation à l'encontre du requérant, prenant cours le 6 octobre 2011. Cette décision est motivée comme suit : "Vu que le Conseil d'appel a rendu l'avis suivant lors de sa séance du 17 avril 2012:

    Vu les pièces du dossier;

    […]

    Vu les attendus suivants :

    1. En ce qui concerne la tentative de fraude à l'égard du Fonds des Œuvres Sociales :

    Attendu que les absences pour maladie antérieures au mois de septembre 2011 doivent être écartées des débats, qu'en effet l'absence non couverte du 22 au 27 juin 2011 n'est évoquée dans le dossier disciplinaire que pour mémoire, le requérant ayant déjà été sanctionné pour cette faute;

    Attendu que la participation à des tournois de golf lors d'absences pour maladie est établie et n'est d'ailleurs pas contestée par le requérant; que le 12 septembre 2011, il a participé à un tournoi de golf à Lasne/Ohain et qu'il était présent au golf club de Damme le 26 septembre 2011;

    Que pour le 12 septembre 2011, il n'a pas demandé congé et que pour le 26 septembre 2011, il a demandé congé et que ce congé lui a été refusé;

    Que pour justifier une précédente absence non admise par le centre médical en juin 2011, il a déclaré lui-même sur le document Z19 1 du 06 septembre 2011 (annexe 5, déposée par le requérant) : “Par la présente, je déclare que j'organise des événements golfiques chaque semaine et ne peux me faire remplacer.”;

    Que les 12 et 26 septembre 2011, il s'est rendu à ces événements juste après s'être déclaré malade mais avant de consulter son médecin et de connaître le diagnostic de sa maladie; qu'en l'absence d'un avis médical, le requérant ne pouvait savoir si son activité sportive ou simplement le fait de quitter son domicile n'étaient pas contreindiqués compte tenu de son état; qu'en agissant de la sorte, le requérant risquait d'aggraver son état et de prolonger la durée de son incapacité de travail, ce qui aurait engendré des frais supplémentaires pour le Fonds des Œuvres sociales;

    Que le requérant a manifestement fait preuve en la matière d'un défaut de prévoyance coupable; que ce comportement est à considérer comme un acte d'indélicatesse, d'autant plus qu'il avait déjà encouru deux sanctions disciplinaires rapprochées (le 02/09/2011 et le 13/09/2011) pour des faits de même nature;

    2. En ce qui concerne la copie non autorisée de données informatiques confidentielles :

    Attendu que l'appelant n'avait pas d'autorisation d'accès au serveur du personnel BEU.052a; que de ce fait, la sauvegarde des données s'y trouvant n'entrait aucunement dans ses attributions; qu'il en résulte que la copie de ces données sur son PC personnel n'avait pas de raison d'être; qu'il peut en être déduit que cet acte était vraisemblablement motivé par une curiosité malsaine;

    Attendu qu'outre le fait d'avoir copié lesdites données sur son PC personnel, l'appelant en a encore effectué une seconde copie sur un disque dur externe appartenant au Groupe SNCB et que ce disque externe a été retrouvé dans le véhicule personnel du requérant; que ce fait démontre que le requérant a utilisé ou avait l'intention d'utiliser ces données en dehors des installations du Groupe SNCB; que le Groupe SNCB est donc légitimement en droit de craindre une diffusion de

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    données confidentielles en dehors de l'entreprise; que l'indispensable relation de confiance qui doit exister entre le travailleur et l'employeur est de ce fait rompue;

    Attendu que l'excuse de protection des données invoquée par le requérant n'est pas crédible, étant donné que l'agent n'a effectué aucune sauvegarde du serveur précité entre le 18 mars 2011 et le mois d'août 2011; que par ailleurs, il n'a pas non plus effectué de sauvegarde du serveur B-EU.056, pour lequel il avait une autorisation d'accès;

    Attendu que l'affirmation selon laquelle le requérant aurait obtenu par erreur de son collègue Vincke l'autorisation d'accès au serveur B-EU.052a est réfutée par la déclaration de M. Vincke; que du reste, si le requérant avait réellement obtenu cet accès par erreur comme il le prétend, il aurait logiquement dû en informer sa hiérarchie, ce qu'il n'a jamais fait;

    Attendu que l'énumération des actes d'indélicatesse reprise au par. 78 du RGPS 550 est donnée à titre d'exemple et n'est pas limitative;

    3. En ce qui concerne l'utilisation abusive de matériel informatique et de la téléphonie du Groupe SNCB à des fins privées :

    Attendu que l'usage de la téléphonie du Groupe SNCB à des fins privées n'est pas contesté par l'appelant; que les moyens de communication sont mis à la disposition des agents du Groupe SNCB en fonction des nécessités de service et que leur usage à des fins personnelles n'est pas autorisé;

    Attendu que le relevé...

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