Décision judiciaire de Conseil d'État, 8 septembre 2014

Date de Résolution 8 septembre 2014
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R Ê T

nº 228.305 du 8 septembre 2014

A. 210.167/VIII-8935

En cause : GODFRIN Yves, ayant élu domicile chez Me Vincent DE WOLF, avocat, avenue de la Toison d'Or 68/9 1060 Bruxelles,

contre :

la zone de police 5299 de Gaume,

ayant élu domicile chez

Me Tangui VANDENPUT, avocat, avenue Tedesco 7 1160 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE CONSEIL D'ÉTAT, VIIIe CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 9 septembre 2013 par Yves GODFRIN qui demande l'annulation de "la décision du Collège de police de la Zone de police n° 5299 «Gaume» de [lui] infliger la sanction disciplinaire lourde de la suspension par mesure disciplinaire d'une durée d'un mois adoptée le 11 juillet 2013";

Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

Vu le rapport de M. LANGOHR, auditeur au Conseil d'État, rédigé sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure;

Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;

Vu l'ordonnance du 28 mai 2014 fixant l'affaire à l'audience publique du 5 septembre 2014;

Entendu, en son rapport, M. VANHAEVERBEEK, président de chambre;

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Entendu, en leurs observations, Me Philippe SCHAFFNER, loco Me Tangui VANDENPUT, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me

Fabien FRÉROTTE, loco Me Vincent DE WOLF, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis contraire, M. HERBIGNAT, premier auditeur chef de section au Conseil d'État;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen du recours se présentent comme suit :

  1. Le requérant est commissaire de police, responsable de la section Circulation routière de la partie adverse.

  2. Le 23 septembre 2012, son chef de corps est informé par le responsable du centre intervention 2 de la zone de police locale n° 5301 Centre Ardenne de son implication dans un accident de la circulation avec dommages matériels, qu'il se trouvait, selon les témoins, sous l'influence de l'alcool et qu'il s'était soustrait aux devoirs de constatation en faisant état de sa qualité de commissaire.

  3. Le même jour, le parquet de Neufchâteau est saisi des faits.

  4. Le 24 septembre 2012, le chef de corps du requérant demande au procureur du Roi de Neufchâteau de le tenir informé des suites judiciaires et de lui indiquer s'il voyait des inconvénients à ce qu'une enquête préalable soit menée parallèlement à l'information judiciaire.

  5. Le 22 octobre 2012, le collège de police de la partie adverse désigne le commissaire Paul ROGET, membre de la police fédérale, pour réaliser une enquête préalable.

  6. Le 10 décembre 2012, ledit commissaire Paul ROGET dépose son rapport d'enquête préalable.

  7. Le 7 janvier 2013, le collège de police décide d'envisager d'infliger la sanction disciplinaire de la rétrogradation dans l'échelle de traitement au requérant et

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    désigne le commissaire Éric LACAVE pour procéder à l'audition de celui-ci et à celle d'éventuels témoins s'il en faisait la demande.

  8. Le même jour, le président du collège de police adresse le rapport introductif au requérant.

  9. Le 6 février 2013, ce dernier dépose un mémoire en défense.

  10. Le 15 février 2013, lors de son audition par le commissaire de police Éric LACAVE, le requérant fait la déclaration suivante : " À l'occasion de mon audition, je suis accompagné de Mr LISPET E., permanent syndical SLFP et de Maître VANCROMBREUCQ Frédéric, mon conseil.

    Dès le début, la défense soulève deux moyens supplémentaires de défense à savoir une demande expresse d'être entendu par le collège et pas par le délégué dès lors que dans le respect des droits de la défense et du contradictoire, Mr GODFRIN sollicite d'être entendu par l'autorité qui devra éventuellement prendre une sanction et non par un tiers qui ne participera pas à cette décision éventuelle. Mr GODFRIN ne désire pas faire une simple déclaration mais bien être entendu dans ses moyens de défense par l'autorité investie du pouvoir de décision. Le deuxième moyen est : la défense estime que le délégué de l'autorité étant intervenu dans la procédure judiciaire qui à la base de la procédure disciplinaire, devrait être récusé sur base du principe général de droit de l'impartialité et plus particulièrement de l'adage «Justice should not only be done, but should also be seen to be done». À la demande de la défense, vous avez contacté le Chef de la zone qui a demandé que soit acté votre refus d'audition par moi-même au motif que vous avez invoqué. Le délégué informe la défense que la récusation sera évoquée devant le collège de police qui prendra position.

    Le délégué de l'autorité nous informe qu'il a pour mission de recueillir la déclaration de la défense ce qui, pour nous, se différencie de la possibilité d'être entendu par l'autorité habilitée à prendre une décision. Dès lors, le mémoire en défense (18 pages) que nous déposons doit être intégralement reproduit à ce stade. Il constitue le corps de notre déclaration dès lors que le délégué de l'autorité nous a informés que le collège prendra prochainement sa décision quant à nos deux premiers griefs. Nous serons soit réinterrogés par le délégué de l'autorité ou soit entendus par le collège. Nous nous réservons le droit de compléter notre argumentation lorsque nous serons prochainement convoqués pour être entendus".

  11. Le 20 février 2013, le président du collège de police adresse au requérant une proposition de sanction au terme de laquelle la sanction de la rétrogradation dans l'échelle de traitement est envisagée.

  12. À une date indéterminée, le requérant introduit une requête en reconsidération devant le conseil de discipline.

  13. Le 15 mars 2013, le Tribunal de police de Neufchâteau reconnaît le requérant coupable de "ne pas avoir eu constamment le contrôle du véhicule (…) qu'il conduisait", de "ne pas avoir réglé sa vitesse dans la mesure requise par la présence d'autres usagers (…)", d' "avoir négligé, compte tenu de sa vitesse, de

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    maintenir entre son véhicule et celui qui le précédait, une distance de sécurité suffisante" et de "n'avoir pu, en toute circonstance, s'arrêter devant un obstacle prévisible", l'acquitte des préventions de délit de fuite et de n'avoir pas, "impliqué dans un accident ayant provoqué des dommages exclusivement matériels, […] présenté sa carte d'identité ou le titre qui en tient lieu aux autres personnes impliquées dans l'accident, qui le lui demandent (…)", et le condamne à une amende avec sursis.

    À une date indéterminée, le parquet a interjeté appel de ce jugement.

  14. Le 11 avril 2013, l'inspecteur général ad interim de la police fédérale et de la police locale dépose son rapport d'expertise au terme duquel il propose, "compte tenu des faits et de leur réelle gravité", la sanction lourde de la suspension par mesure disciplinaire d'une durée de sept jours.

  15. Le 17 avril 2013, le requérant dépose un mémoire devant le conseil de discipline.

  16. Le 30 mai 2013, le conseil de discipline entend les parties.

  17. Le 27 juin 2013, il formule l'avis suivant :

    " (…)

    - la transgression disciplinaire doit être qualifiée comme suit : avoir à LibramontChevigny, le 23 septembre 2012, en sa qualité de commissaire de la police locale, adopté un comportement de nature à mettre en péril la dignité de sa fonction pour, en dehors du service, alors qu'il lui était reproché d'être impliqué dans un accident de roulage, avoir quitté les lieux sans prendre aucune mesure destinée à faire constater l'accident, invoquant cependant sa fonction de commissaire de police sans autre information, avec la conséquence que le plaignant a été dans l'obligation de dénoncer à un service de police l'existence d'un accident avec délit de fuite à charge d'un inconnu, - cette transgression est imputable au requérant, et elle n'est pas justifiée - ladite transgression est de nature à valoir au requérant le prononcé d'une suspension par mesure disciplinaire d'une durée d'un mois (…)".

  18. Le 11 juillet 2013, le collège de police de la partie adverse décide d'infliger au requérant la suspension par mesure disciplinaire d'une durée d'un mois.

    Cette décision est motivée de la manière suivante :

    " […]

  19. EXPOSE DES FAITS.

    Vous êtes, à l'époque des faits, l'officier responsable de la branche «circulation routière» de notre zone de police.

    Au terme des devoirs d'enquête préalable réalisés et du dossier judiciaire (Jud), le Collège de Police note que le 23-09-2012, venant de LIBRAMONT par le village

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    de SAINT-PIERRE au volant de votre voiture personnelle et en tenue civile décontractée, vous approchez, rue des Batis, vers 1830 Hr un carrefour donnant sur la route nationale 40, prioritaire, RECOGNE-NEUFCHATEAU. Une voiture s'y trouve déjà et attend que la voie soit libre. L'avant de votre véhicule vient «mourir» sur l'arrière de la voiture à l'arrêt, propriété de Mme P. Marie-France et conduite à ce moment par son fils, M. Guillaume, accompagné de Mlle Eloïse H. Mr M. Guillaume sort de sa voiture pour constater les dégâts éventuels pendant que, dans un premier temps, vous restez à bord du vôtre. Votre adversaire vous dit vouloir appeler la police. Vous sortez alors de votre véhicule, lui dites que cela ne sert à rien d'appeler la police, qu'il n'y a pas de dégâts. Les occupants de l'autre véhicule ont l'impression que vous avez «bu».

    Les dégâts au véhicule de votre «adversaire» sont très minimes au point que Mme P. M-F déclare à l'enquêteur disciplinaire qu'il y a «peut-être quelques grattes au pare-choc arrière mais il n'y a pas de dégâts remarquables».

    Dans le contexte de...

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