Décision judiciaire de Conseil d'État, 26 juin 2014

Date de Résolution26 juin 2014
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

nº 227.912 du 26 juin 2014

A. 205.602/XIII-6303

En cause : la Commune de Montigny-le-Tilleul, ayant élu domicile chez Me Olivier JADIN, avocat, rue Jules Destrée 72 6001 Marcinelle,

contre :

la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez Me Bénédicte HENDRICKX, avocat, rue de Nieuwenhove 14 A 1180 Bruxelles.

Parties intervenantes :

  1. la Société anonyme

    FLUXYS BELGIUM, ayant élu domicile chez Mes François TULKENS et Sophie SEYS, avocats, chaussée de La Hulpe 120 1000 Bruxelles,

  2. la Société anonyme

    MARCINELLE ENERGIE, ayant élu domicile chez Mes Luc DEPRE, Thomas HAUZEUR et Guillaume POSSOZ, avocats, chaussée de La Hulpe 178 1170 Bruxelles.

    ------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE CONSEIL D'ETAT, XIIIe CHAMBRE,

    Vu la requête introduite le 13 juillet 2012 par la commune de Montignyle-Tilleul qui demande l'annulation de l'arrêté du 21 mai 2012 du Ministre de l'Aménagement du territoire, de l'Environnement et de la Mobilité de la Région wallonne, délivrant à la S.A. FLUXYS (devenue la S.A. FLUXYS BELGIUM) un permis d'urbanisme relatif à la pose d'une canalisation de transport de gaz naturel

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    entre Binche, La Louvière, Morlanwelz, Anderlues, Chapelle-lez-Herlaimont, Fontaine-l'Evêque, Montigny-le-Tilleul et Charleroi;

    Vu les requêtes introduites les 15 octobre 2012 et 16 janvier 2013 par lesquelles la société anonyme (S.A.) FLUXYS BELGIUM et la société anonyme (S.A.) MARCINELLE ENERGIE demandent à être reçues en qualité de parties intervenantes;

    Vu les ordonnances des 23 octobre 2012 et 29 janvier 2013 accueillant ces interventions;

    Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

    Vu les mémoires en intervention;

    Vu le rapport de M. NIKIS, premier auditeur au Conseil d'Etat, établi sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure;

    Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires des parties requérante et intervenantes;

    Vu l'ordonnance du 4 février 2014, notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience du 20 mars 2014 à 09.30 heures;

    Entendu, en son rapport, M. HANOTIAU, président de chambre;

    Entendu, en leurs observations, Me O. JADIN, avocat, comparaissant pour la partie requérante, Me C. HECQ, loco Me B. HENDRICKX, avocat, comparaissant pour la partie adverse, Me S. SEYS, avocat, comparaissant pour la première partie intervenante, et Me L. DEPRE, avocat, comparaissant pour la seconde partie intervenante;

    Entendu, en son avis conforme, M. NIKIS, premier auditeur;

    Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

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    Considérant que les éléments de la cause se présentent comme suit :

  3. La S.A. MARCINELLE ENERGIE indique avoir fourni le 25 août 2006 à la S.A. FLUXYS, gestionnaire unique du réseau de transport de gaz naturel en Belgique, la garantie bancaire requise pour la mise en œuvre d'une connexion en gaz naturel de la centrale électrique qu'elle souhaitait ériger à Marchienne-au-Pont.

    Elle indique également que la Région wallonne lui a délivré, le 28 septembre 2007, un permis unique pour la démolition de bâtiments industriels et pour la construction et l'exploitation d'une unité TGV (turbine gaz/vapeur) d'une puissance de 720 MWth fonctionnant au gaz naturel et d'une unité de valorisation de gaz sidérurgique d'une puissance de 180 MWth pour la production d'électricité pour un bien situé à Marchienne-au-Pont.

    Selon ce permis, "la justification du projet est axée sur deux problèmes essentiellement différents. La centrale TGV a pour objet de maîtriser au maximum des coûts énergétiques du groupe DUFERCO. En effet, la production électrique est destinée aux différents sites belges du groupe, l'excédent étant remis sur le réseau" (p. 17). On lit également (p. 25) que "l'électricité produite sera envoyée vers le site de CARSID S.A. et le solde, vers le réseau haute tension de la société ELIA". On y lit enfin (pp. 44 et 45) "que le projet TGV s'inscrit clairement dans le cadre de la libération du marché de l'électricité; la production d'électricité devant alimenter les différents sites de CARSID et de DUFERCO, l'excédent (estimé à 50 % de la production) serait renvoyé sur le réseau de distribution électrique".

  4. Le 8 janvier 2009, la S.A. FLUXYS, désignée comme gestionnaire unique du réseau de transport de gaz en Belgique, adresse une demande d'adoption d'un arrêté royal de déclaration d'utilité publique en vue de la pose et de l'exploitation d'une nouvelle canalisation de transport de gaz avec accessoires en domaine privé sur le territoire des communes de Morlanwelz, Anderlues, Chapellelez-Herlaimont, Montigny-le-Tilleul et des villes de Binche, La Louvière, Fontaine-l'Evêque et Charleroi.

    Ce courrier mentionne que "le but de ces installations est d'approvisionner en gaz naturel la nouvelle centrale électrique de MARCINELLE ENERGIE à Charleroi".

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    La note justificative jointe à cette demande comporte notamment les passages suivants :

    " 1. Objectif des installations de transport à établir

    L'objectif des installations à établir est de permettre l'alimentation en gaz naturel de la nouvelle centrale électrique de MARCINELLE ENERGIE à Charleroi.

    L'établissement et l'exploitation des installations concernées tombent de ce fait sous le champ d'application de la loi du 12 avril 1965 (voir article 2, § 1).

  5. Description succincte du tracé

    Les installations concernées se composent d'une conduite d'acier souterraine de diamètres nominaux différents selon le tronçon et de ses accessoires, à établir entre le «point de départ» la station existante de Binche (Péronnes) (4.65060) et le «point d'arrivée» la nouvelle station Charleroi (Marchienne-au-Pont Providence) (4.63323) sur une longueur totale de 26,3 km.

    Le diamètre nominal de cette canalisation est de 600 mm pour le tronçon Binche -Fontaine-l'Evêque, de 400 mm pour le tronçon Fontaine-l'Evêque - Charleroi (Monceau-sur-Sambre) et de 300 mm pour le tronçon Charleroi (Monceau-surSambre) - Charleroi (Marchienne-au-Pont Providence)".

  6. Le 18 août 2009, la S.A. FLUXYS introduit une demande de permis d'urbanisme en vue de la pose d'une canalisation de transport de gaz naturel entre Binche, La Louvière, Morlanwelz, Anderlues, Chapelle-lez-Herlaimont, Fontaine-l'Evêque, Montigny-le-Tilleul et Charleroi.

    La notice d'évaluation des incidences précise que la canalisation "a pour but l'approvisionnement en gaz naturel de la nouvelle centrale électrique de MARCINELLE ENERGIE à Charleroi (Damprémy)".

  7. Des enquêtes publiques se déroulent sur le territoire des villes de Charleroi, Binche et La Louvière, et sur le territoire des communes de Chapelle-lezHerlaimont, Fontaine l'Evêque, Anderlues et Montigny-le-Tilleul.

    Plusieurs réclamations sont déposées.

  8. Divers avis sont recueillis.

  9. Le permis d'urbanisme est délivré par un arrêté ministériel du 5 juillet 2010 qui est notamment motivé comme suit :

    " Considérant que la demande vise à réaliser une nouvelle conduite de gaz haute pression destinés à garantir l'approvisionnement en gaz naturel de la nouvelle centrale électrique de MARCINELLE ENERGIE à Charleroi (Dampremy); qu'en vertu de l'article 274bis, 1°, d, du CWATUPE, le législateur a qualifié les actes et travaux concernant l'installation ou la modification de canalisations destinées au transport ou à la distribution de corps solides d'actes et travaux d'utilité publique;

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    qu'en vertu de l'article 274bis, 1°, d, du CWATUPE, le législateur a également qualifié les travaux et actes relatifs aux centrales destinées à la production d'électricité d'actes et travaux d'utilité publique;

    Considérant, par ailleurs, que cette centrale est destinée à la production d'énergie électrique à l'usage de l'ensemble de la collectivité; que la présente demande consiste dès lors en des travaux d'utilité publique en ce qu'ils sont strictement nécessaires à la mise en service de la centrale électrique";

  10. A la suite de l'arrêt n° 218.888 du 13 avril 2012 qui a annulé l'arrêté ministériel du 5 juillet 2010, le Ministre a pris, le 21 mai 2012, un nouvel arrêté d'octroi du permis d'urbanisme qui constitue l'acte attaqué;

    Considérant que la requérante prend un premier moyen de l'excès de pouvoir, de la violation des articles 23, 46 et 127, § 3, du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme, du patrimoine et de l'énergie (CWATUPE), et de la violation des articles 1er à 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs;

    Considérant que, dans une première branche, elle soutient que l'article 23 du CWATUPE n'autorise les principales infrastructures de transport de fluide et d'énergie qu'à la double condition qu'elles soient prévues au plan de secteur et que les périmètres de protection de réseau souterrain de transport de fluide et d'énergie soient également prévus au plan de secteur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce; qu'elle cite l'arrêt du Conseil d'Etat n° 199.557 du 15 janvier 2010, en cause EPPE, qu'elle estime "applicable mutatis mutandis au cas d'espèce", à savoir un gazoduc qui "s'étendrait sur environ 27.000 mètres et comprendrait une conduite constituée de diamètre de 300, 400 et 600 mm", et qui traverse le territoire de huit communes; qu'elle estime que la canalisation litigieuse "couvrirait donc une distance plus de 4 fois supérieure à celle visée dans l'arrêt «EPPE» précité et son diamètre sera jusqu'à 2 fois supérieur"; qu'elle en conclut que "la canalisation litigieuse constitue [...] une infrastructure principale à l'échelle du plan de secteur de sorte qu'il y avait lieu, préalablement à la délivrance de l'acte attaqué, de faire figurer cette dernière au plan de secteur"; qu'elle soutient en outre que l'acte attaqué viole la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes...

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