Décision judiciaire de Conseil d'État, 23 juin 2014

Date de Résolution23 juin 2014
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

nº 227.790 du 23 juin 2014

G./A.207.078/VI-19.785

En cause : BOON Olivier,

ayant élu domicile chez

Me Stéphane NOPERE, avocat, boulevard de la Woluwe, nº 62, 1200 Bruxelles,

contre :

1. le bourgmestre de la commune d'Ixelles, 2. la commune d'Ixelles,

ayant élu domicile chez

Me Jean LAURENT, avocat, rue Defacqz, nº 78, 1060 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE CONSEIL D'ETAT, VIe CHAMBRE,

I. OBJET DE LA REQUETE

Par une requête introduite le 20 novembre 2012, Olivier BOON demande l'annulation de "l'arrêté pris le 2 octobre 2012 par le bourgmestre de la commune d'Ixelles par lequel «l'immeuble situé au 51 de la rue Keyenveld à 1050 Bruxelles est déclaré inhabitable» et «l'habitation et l'occupation y sont dès lors interdites sans une visite préalable et concluante de la Commune et la transmission aux autorités communales d'une attestation de conformité des installations d'électricité et de gaz produite par une société agrée, une attestation de conformité établie par les compagnies distributrices de gaz et d'électricité et un rapport favorable du SIAMU»".

II. PROCEDURE DEVANT LE CONSEIL D'ETAT

Les mémoires en réponse et en réplique ont été régulièrement échangés.

Le dossier administratif a été déposé.

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M. l'Auditeur adjoint au Conseil d'Etat, Lionel RENDERS, a rédigé un rapport.

Le rapport a été notifié aux parties. Elles ont déposé des derniers mémoires.

Une ordonnance du 5 mai 2014, notifiée aux parties, fixe l'affaire à l'audience du 4 juin 2014.

Mme le Président de chambre, Odile DAURMONT, a exposé son rapport.

Me Stéphane TOUSSAINT, loco Me Stéphane NOPERE, avocat, comparaissant pour la partie requérante et Me Dounia OUDRHIRI, loco Me Jean LAURENT, avocat, comparaissant pour la deuxième partie adverse, ont présenté leurs observations.

M. l'Auditeur adjoint, Lionel RENDERS, a été entendu en son avis conforme.

Il est fait application du titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. EXPOSE DES FAITS

III.1. La partie requérante est propriétaire d'un immeuble à appartements sis rue Keyenveld, 51 à 1050 Ixelles.

III. 2. Le 6 septembre 2012, un incendie se déclare dans la partie supérieure de l'immeuble, celui-ci entraînant notamment la mort d'un des résidents. Les troisième et quatrième étages sont détruits, tandis que le deuxième étage est partiellement touché.

III. 3. A la suite de l'incendie, le parquet de Bruxelles ouvre une enquête pour homicide involontaire. Des scellés sont apposés à l'immeuble.

III. 4. Le 12 septembre 2012, la visite de l'immeuble par les services de la commune d'Ixelles ne peut avoir lieu.

III. 5. Le 18 septembre 2012, l'architecte et directeur du service de rénovation urbaine de la commune d'Ixelles, et l'ingénieur au service des travaux publics de la

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commune d'Ixelles, visitent les lieux. Ils établissent, le jour même, un rapport à la suite de cette visite de l'immeuble litigieux.

Il ressort de ce rapport ce qui suit :

" PREAMBULE

Après une tentative infructueuse le 12 septembre due à l'absence d'accès, ce 18 septembre 2012, le service Rénovation urbaine, représenté par Monsieur Daniel Van de Casteele, architecte et Directeur du service Rénovation urbaine – Mobilité, accompagné du service des Travaux publics représenté par Monsieur Henri de Codt, ingénieur, ont effectué une visite de l'immeuble sis 51, rue Keyenveld à B 1050 Bruxelles à la demande du Bourgmestre.

Cette visite a pour but de vérifier principalement l'état général de stabilité et accessoirement de salubrité du bâtiment, suite à l'incendie qui s'est produit au matin du 6 septembre 2012.

L'accès à l'immeuble a été donné à la commune par la Police judiciaire qui a constaté que la porte d'entrée de l'immeuble était ouverte et que les scellés avaient été ôtés. La Police a remis les clés d'accès à la représentante du locataire de l'appartement du 2ème étage à rue qui les conserve.

La visite effectuée n'a pas pour ambition d'établir de manière exhaustive un relevé de tous les désordres causés par cet incendie et la lutte pour son extinction, ni tout manquement à une réglementation quelconque, mais de vérifier si l'immeuble présente un danger pour la sécurité publique éventuelle au regard de l'article 133 de la Nouvelle Loi communale ou un danger pour les personnes qui seraient amenées à pénétrer le bâtiment pour une raison quelconque.

CONSTATATIONS

L'immeuble comprend un niveau de cave, un rez de chaussée, 4 étages et une toiture non accessible. Chaque niveau hors sol comprend 2 appartements mono-orientation et non traversant donc. Ce sont principalement les 3ème et 4ème étages qui ont brûlés.

Stabilité

La stabilité de la façade à rue n'est pas compromise. Les baies du 3ème étage ont été stabilisées par un cadre en bois. Il n'y a semble-t-il pas de danger d'effondrement ou de chute de matériaux sur la voie publique.

La charpente, couvrant le 4ème étage, a presque complètement brûlé. La couverture s'est effondrée dans le 4ème étage. Les pannes et chevrons encore en place sont fortement consumés et ont perdu toute capacité portante (photo 1).

La poutrelle métallique lancée de pignon à pignon et recevant le chevronnage du versant avant de la toiture en pente et le solivage de la toiture plate, présente une flèche hors norme (photo 2).

Des éléments de cette structure bois peuvent se détacher et chuter dans le niveau à tout moment.

Le plancher du 4ème étage est recouvert des débris de la toiture et du plafond ; l'ensemble est gorgé de l'eau de la lutte contre l'incendie et des pluies intervenues depuis le sinistre (photo 3).

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De plus, la structure de ce plancher couvrant le 3ème étage a été fortement atteinte, de même que le plancher lui-même (photo 4).

Le 3ème étage est lui aussi complètement ravagé. Les panneaux de fibres, constituant les finitions du plafond se sont détachées du gîtage. Les débris jonchent le sol et sont eux aussi gorgés d'eau, et des parties de plancher totalement consumées, laissent apercevoir le niveau inférieur (2ème étage) par endroit (photo 5 et 6).

La stabilité de ces planchers n'est donc pas assurée non plus, du fait de l'état du plancher d'une part et de la surcharge constituée des décombres gorgés d'eau et des panneaux de finitions du 2ème, suspendus au plancher et eux aussi gorgés d'eau, d'autre part.

Les linteaux en bois des parois intérieures ont aussi été atteints par le feu, y compris ceux de la gaine technique (photos 7 et 8). Les panneaux de finitions du plafond du 2ème étage sont partiellement effondrés et sont aussi gorgés d'eau. Une légère flèche de ceux-ci est aussi perceptible (photos 9 et 10).

Installations d'électricité et de gaz

Les installations d'électricité des étages sinistrés (3ème et 4ème) sont totalement détruites et celles de gaz sont très probablement atteintes. Les installations de l'ensemble de l'immeuble pourraient cependant être atteintes et se révéler dangereuses. En tout état de cause, les installations communes sont touchées puisque détruites dans les deux derniers niveaux. De plus, le feu a partiellement pris dans les étages inférieurs de la gaine technique. En cave, les compteurs gaz sont ouverts (photo 11), mais l'alimentation de l'immeuble est coupée à la rue.

Les installations électriques des étages non touchés par les flammes présentent des caractéristiques peu conformes (photo 12 et 13) aux règles de l'art et au RGIE.

Finitions et décors

Dans les 3ème et 4ème étages, et dans les communs, des suies se sont largement déposées sur les parois.

Après un sinistre, les suies des finitions et décors des murs, sols et plafonds peuvent encore se révéler toxique si l'inhalation de celles-ci est persistante.

CONCLUSION

Ayant parcouru les lieux et observé attentivement les étages et appartements accessibles, les deux signataires du présent rapport concluent à l'inhabitabilité des lieux, du fait notamment: • Des problèmes de stabilité évoqués ci-dessus • De l'insécurité des installations d'électricité et de gaz • De la nocivité des suies présentes sur les murs, sols et plafonds. L'accès à l'immeuble, pour dégagement de l'ensemble des décombres et pour rénovation des étages supérieurs est néanmoins possible tout en respectant toutes les conditions de sécurité habituelles d'un chantier.

En tout état de cause, cet immeuble ne pourrait être réhabité sans une visite préalable de la commune, et la transmission d'une attestation de conformité des installations d'électricité et de gaz produite par une société agréée, une attestation

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de conformité établie par les compagnies distributrices de gaz et d'électricité et un rapport favorable du SIAMU.".

Ce rapport est illustré par diverses photos de l'immeuble litigieux.

III. 6. Par un courriel du 20 septembre 2012 adressé à 18 heures, le responsable du service de police administrative de la commune d'Ixelles écrit ce qui suit à la partie requérante :

" […]

Je vous transmets un rapport de visite daté du 18 septembre 2012 (et non 18 juillet comme mentionné erronément sur la page de garde du rapport) concernant votre immeuble.

Un exemplaire signé est disponible à la maison communale.

Vous pouvez vous manifester si vous le souhaitez jusqu'à demain vendredi 14h30 chez Madame A. FINCHELSTEIN, mon adjointe qui nous lit en copie (je serai absent demain). Par courrier électronique idéalement ou par téléphone (02 515 61 95) mais alors entre 13h et 14h30.

Un arrêté d'inhabitabilité sera rédigé très vraisemblablement demain après-midi.

[…]".

Contrairement à ce qui ressort du courriel précité, le rapport de visite n'est pas annexé.

III. 7. Par un courriel du 20 septembre 2012 adressé à 18h04, le responsable du service de police administrative de la commune d'Ixelles, ajoute ce qui suit :

" […]

Pour des raisons techniques, je n'ai pu vous transmettre le rapport par courrier...

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