Décision judiciaire de Conseil d'État, 6 mai 2014

Date de Résolution 6 mai 2014
JuridictionXV
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

A R R Ê T

nº 227.290 du 6 mai 2014

  1. 206.761/XV-2211

    En cause : TRIEST Paul, ayant élu domicile chez Mes L. MISSON et A. KETTELS, avocats, rue de Pitteurs 41 4020 Liège,

    contre :

    L’État belge, représenté par la ministre de la Justice, ayant élu domicile chez Me B. RENSON, avocat, avenue de la Chasse 132 1040 Bruxelles. ------------------------------------------------------------------------------------------------------

    LE CONSEIL D'ÉTAT, XV e CHAMBRE,

    Vu la requête introduite le 22 octobre 2012 par Paul Triest, qui demande l’annulation de la décision de la ministre de la Justice du 20 août 2012 remplaçant la décision du 6 avril 2010 et rejetant le recours introduit contre la décision du gouverneur lui refusant les autorisations nécessaires à la détention de trente-huit armes à feu ainsi que l’agrément de collectionneur;

    Vu le dossier administratif;

    Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

    Vu le rapport de M. É. THIBAUT, premier auditeur chef de section au Conseil d'Etat;

    Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;

    Vu l'ordonnance du 12 mars 2014, notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience du 1er avril 2014 à 9 heures 30;

    Entendu, en son rapport, M. M. LEROY, président de chambre;

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    Entendu, en leurs observations, Me A. KETTELS, avocat, comparaissant pour la partie requérante et Me P. CRABBÉ, loco Me B. RENSON, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

    Entendu, en son avis contraire, M. É. THIBAUT, premier auditeur chef de section;

    Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973;

    Faits

    Considérant que les faits utiles à l’examen du recours se présentent comme suit:

    Le 3 mai 2002, un procès-verbal à charge de Paul Triest du chef de rébellion non armée, outrage, menace verbale, ivresse publique et perturbation de la tranquillité publique est établi par la police de Schaerbeek qui l’interpellait alors qu’il s’apprêtait à conduire un véhicule en étant en état d’ébriété. Le procureur du Roi, averti des incidents, fait garder le requérant au commissariat de police jusqu’au lendemain matin. Le 6 mai, le requérant adresse un courrier au procureur du Roi relatif aux incidents du 3, dans lequel il conteste les faits relatés par la police dans le procès-verbal. Différents procès-verbaux subséquents seront ensuite établis dans le cadre de cette affaire qui semble avoir été classée sans suite.

    Le 11 février 2003, trois membres du service judiciaire d’arrondissement (SJA-police fédérale) établissent un procès-verbal relatant le refus opposé par le requérant au contrôle d’armes détenues par lui et exposent que le requérant leur paraît un réel danger pour la sécurité et l’ordre publics tant en raison de ses réactions agressives et violentes qu’en ce qui concerne l’absence totale de mesures de sécurité. Le même jour, ils établissent également un procès-verbal du chef d’outrages où ils relatent l’agressivité du requérant et relèvent que ce dernier leur a déclaré que des armes étaient disséminées un peu partout dans son appartement, qu’il dispose d’une quarantaine d’armes, que trente-et-une sont déclarées au registre central des armes; le même procès-verbal indique que des mesures de sécurité ont été conseillées au requérant qui a promis de les effectuer. Le 26 février, les mêmes policiers procèdent au contrôle des armes du requérant dans une ambiance qu’ils présentent comme nettement plus courtoise, indiquent avoir saisi une arme détenue sans autorisation, dont le requérant fait abandon, et ils ajoutent que le calme du requérant semble devoir être imputé à l’absence de consommation de boissons alcoolisées.

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    Le 17 mai 2004, à la suite d’un réquisitoire du procureur du Roi de Bruxelles, la police d’Evere établit un rapport indiquant que le requérant a pris les mesures de sécurité préconisées par le SJA.

    Le 22 novembre 2006, les services du gouverneur demandent au requérant de transmettre différents documents nécessaires à l’examen de la demande de renouvellement de ses autorisations de détention d’armes à feu. Le 20 mars 2007, la police locale d’Evere envoie au gouverneur les demandes d’autorisations en indiquant que le requérant est connu des services de police pour les deux ensembles de faits de 2003. Le 30 mars, le gouverneur sollicite l’avis du procureur du Roi sur la demande de renouvellement des autorisations du requérant en se référant à un rapport de police. Le 26 juin, le conseil du requérant introduit auprès du gouverneur une demande de renouvellement de 31 autorisations de détention, d’autorisation de 7 armes non encore couvertes par des autorisations ainsi qu’un agrément de collectionneur avec pour thème «les armes belges» en rappelant qu’à la suite de l’altercation avec la police, la police locale l’avait informé que ses services n’envisageaient pas de refuser les autorisations pour les armes anciennement en détention libre. Le 13 novembre, le commissaire divisionnaire de la zone de police d’Evere et le bourgmestre de cette commune indiquent au gouverneur que l’activité sollicitée par le requérant ne présente pas de risque avéré pour la tranquillité et la salubrité publiques, mais qu’ils émettent des réserves à propos de la personnalité du requérant, «connu pour divers délits et considéré par les services de police locale et fédérale comme une personne ayant des problèmes d’alcool, réfractaire à l’autorité, et ayant déjà eu plusieurs conflits avec les services de police»: ils relatent que plusieurs vérifications ont eu lieu en son domicile où il conserve 35 armes dont il ne fait aucun usage, que le lieu de détention est suffisamment sécurisé et que le motif de la collection est imprécis car ne cadrant qu’avec une moitié des armes détenues.

    Le 15 janvier 2009, les services du gouverneur demandent au procureur du Roi d’émettre un avis sur la demande d’agrément de collectionneur du requérant en se référant à l’avis du bourgmestre et indiquent envisager le refus de l’agrément. Le procureur indique au gouverneur qu’il se rallie à la proposition de refuser l’autorisation. Le même jour, 15 janvier, les services du gouverneur informent le requérant qu’un refus de renouvellement des autorisations de détention est envisagé à la suite des avis défavorables du procureur du Roi1 et de la police locale, que le thème de collection n’est pas suffisamment précis et ne correspond pas à un thème de collection d’armes à feu historique, que cela est de nature à conduire à un refus 1 L’avis visé est vraisemblablement un avis donné en octobre 2007 car la demande d’avis du 15 janvier 2009 n’a été réceptionnée au parquet que le 21 janvier et a donné lieu à un avis le 16 mars, reçu le 18 par le gouverneur.

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    d’agrément de collectionneur et qu’une détention sans munitions est néanmoins possible pour des motifs sentimentaux ou patrimoniaux. Le 10 février, le requérant expose ses arguments au gouverneur. Le 16 mars, le procureur indique aux services du gouverneur qu’il n’y a pas de nouveau dossier à charge du requérant depuis l’avis du 25 octobre 2007, et qu’il maintient son avis négatif. Le 11 mai, le gouverneur faisant fonction décide de refuser les autorisations de détention de 38 armes à feu par le requérant ainsi que l’agrément de collectionneur.

    Le 25 mai, le conseil du requérant introduit un recours auprès de la ministre de la Justice contre cette décision. Après avoir, le 1er décembre, prolongé le délai d’examen du recours, un fonctionnaire signant «pour le ministre de la Justice» rejette le recours le 6 avril 2010. Un recours en suspension et en annulation est introduit au Conseil d’État contre cette décision (196.726/XV-1286); la demande de suspension a été rejetée pour défaut de préjudice grave difficilement réparable par l’arrêt n° 207.279 du 9 septembre 2010, mais la décision attaquée a été retirée par l’arrêté présentement attaqué après que le rapport de l’auditeur a conclu à l’annulation pour incompétence de l’auteur de l’acte, et l’arrêt n° 222.308 du 30 janvier 2013 a constaté qu’il n’y avait plus lieu de statuer.

    Le 20 août 2012, la ministre de la Justice rejette le recours par une décision qui porte notamment les passages suivants:

    La présente décision remplace celle du 6 avril 2010 qui a été attaquée devant le Conseil d’État, suite à quoi le dossier de l’intéressé a été réexaminé et des erreurs ont été constatées, nécessitant le retrait de cette décision du 6 avril 2010.

    ...

    Considérant que le gouverneur, pour envisager qu’une détention d’armes par Monsieur Triest constituait un danger pour lui-même et l’ordre public, s’est appuyé sur: – L’avis négatif de la zone de police en date du 20 mars 2007 qui indique que Monsieur Triest est connu du système POLIS. – L’avis négatif du Procureur du Roi de Bruxelles du 30 octobre 2007 et du 16 mars 2009 qui confirment et actualisent la demande de retrait. Monsieur le gouverneur s’est également basé sur les PV transmis par le Procureur du Roi, à savoir:

    – PV n° BR.36.66.104287/03 faits commis le 3 mai 1994: Monsieur Triest a acquis auprès d’un tiers une arme à feu – une carabine Winchester 22 LR n° F136054 – pour laquelle il n’était pas titulaire d’un titre de détention. – PV n° BR.41.41.22313/02 faits commis le 3 mai 2002: lors d’un contrôle suite au parcage de sa...

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