Décision judiciaire de Conseil d'État, 9 avril 2014

Date de Résolution 9 avril 2014
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

nº 227.073 du 9 avril 2014

G./A.206.509/VI-19.729

En cause : ALTAEP Wadah,

ayant élu domicile chez

Me Anne FEYT, avocat, rue de la Source, nº 68, 1060 Bruxelles,

contre :

l'Institut national d'assurance maladie-invalidité,

en abrégé l'INAMI. ------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE CONSEIL D'ETAT, VIe CHAMBRE,

I. OBJET DE LA REQUETE

Par une requête introduite le 28 septembre 2012, Wadah ALTAEP demande la cassation de :

" la décision du 28 août 2012 de la chambre de recours instituée auprès du Service d’évaluation et de contrôle médicaux de l’INAMI (numéro de rôle FB-004-09) aux termes de laquelle, - le recours introduit par Monsieur Wadah ALTAEP est déclaré recevable et non fondé,

- la décision de la chambre de première instance est confirmée, - Monsieur Wadah ALTAEP est condamné au remboursement d’un indu s’élevant à 78.474,59 € (78.228,14 € pour le 1er grief et 246,45 pour le 2ème grief), - Monsieur Wadah ALTAEP est condamné, pour le 1er grief, au payement d’une amende administrative s’élevant à 136.899,24 € (175 pc de l’indu) dont 19.557,06 € avec un sursis de 3 ans (25 pc de sursis), soit une amende effective de 117.342,18 €, - Monsieur Wadah ALTAEP est condamné, pour le 2ème grief, au payement d’une amende administrative s’élevant à 369,67 € (150 pc de l’indu), - Monsieur Wadah ALTAEP est condamné au payement des intérêts de retard au taux légal (article 156, § 1er, alinéa 2, de la loi ASSI du 14 juillet 1994)".

II. PROCEDURE DEVANT LE CONSEIL D'ETAT

Une ordonnance nº 9100 du 11 octobre 2012 déclare le recours en cassation admissible.

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Le dossier de l’affaire a été déposé.

Les mémoires en réponse et en réplique ont été régulièrement échangés.

M. l’Auditeur au Conseil d'Etat, Denis DELVAX, a rédigé un rapport sur la base de l'article 16 de l'arrêté royal du 30 novembre 2006 déterminant la procédure en cassation devant le Conseil d'Etat.

Le rapport a été notifié aux parties.

Une ordonnance du 20 janvier 2014, notifiée aux parties, fixe l'affaire à l'audience du 26 février 2014.

Mme le Président de chambre, Odile DAURMONT, a exposé son rapport.

Me Anne FEYT, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et M. Paul-André BRIFFEUIL, conseiller, comparaissant pour la partie défenderesse, ont présenté leurs observations.

M. l'Auditeur, Denis DELVAX, a été entendu en son avis conforme.

Il est fait application du titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. EXPOSE DES FAITS

III.1. Le requérant exerce la profession de dentiste.

III.2. A la suite de la transmission du dossier du requérant par la commission des profils des praticiens de l’art dentaire, des inspecteurs du service d'évaluation et de contrôle médicaux de l'INAMI, en abrégé S.E.C.M., procèdent à l’audition de certains de ses patients entre le mois de septembre et le mois de novembre 2007.

III. 3. Le 17 janvier 2008, un médecin-inspecteur du S.E.C.M. établit un procès-verbal de constat à charge du requérant pour : - au titre de premier grief, avoir porté en compte à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités des prestations non effectuées (article 141, § 5, alinéa 5, a, de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités), pour un montant indu estimé, après application d’une extrapolation du

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nombre de cas douteux par rapport au nombre de prestations attestées par le requérant, à 102.705,90 euros, - au titre de second grief, avoir porté en compte à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités des prestations non conformes (article 141, § 5, alinéa 5, b, de la loi coordonnée précitée du 14 juillet 1994), pour un montant de 246,45 euros.

III. 4. Le même jour, le même médecin-inspecteur du S.E.C.M. établit un procès-verbal de constat à charge du requérant pour avoir, étant prestataire de soins, contrevenu aux dispositions réglementaires visées dans l’arrêté royal du 10 octobre 1986 portant exécution de l’article 53, § 1er, alinéa 9, de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, en ce qui concerne l’application du régime du tiers-payant, pour un montant de 30.253,81 euros.

III. 5. Le même jour également, ce médecin-inspecteur du S.E.C.M. établit un procès-verbal de constat à charge du requérant pour avoir, étant prestataire de soins, contrevenu aux dispositions réglementaires visées dans l’arrêté royal du 19 mai 1995 portant exécution des articles 53 et 168 de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, en ce qui concerne le délai de délivrance des attestations de soins donnés, pour trois attestations.

III. 6. Le 7 février 2008, le S.E.C.M. informe le requérant qu’il souhaite l’entendre dans le cadre de sa mission de contrôle de l’assurance soins de santé et indemnités.

III. 7. Le 18 février 2008, le requérant est entendu par deux médecins-inspecteurs du S.E.C.M. et, au terme de son audition, indique ce qui suit :

" Je suis prêt à rembourser les erreurs que j’aurais engendré en terme d’indus.

J’accepterais le remboursement sur base des 30 cas que vous avez examinés, mais l’extrapolation à 102.705,9 € me pose problème. Ce montant est trop important et je ne saurais pas le rembourser.".

III. 8. Le 19 février 2008, le requérant aurait adressé au S.E.C.M. un fax dans lequel il indique qu’il n’a marqué son accord que parce que, dans le courrier du 7 février 2008 l’informant de l’intention du S.E.C.M. de l’entendre, il est mentionné que la mise d’obstacles aux missions des médecins-inspecteurs est puni d’une peine de prison, qu’il n’est donc pas d’accord sur le fait qu’il aurait attesté des prestations non réalisées et qu’il n’a signé que pour éviter ces poursuites, qu’au vu de ses origines syriennes, une condamnation à la prison lui était insupportable, et qu’il fera parvenir une réponse circonstanciée dans les deux mois.

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III. 9. Le 27 février 2008, un médecin-inspecteur du S.E.C.M. établit un procès-verbal de constat à charge du requérant pour avoir porté en compte à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités des prestations non effectuées (article 141, § 5, alinéa 5, a, de la loi coordonnée du 14 juillet 1994), pour un montant indu, incluant celui visé par le procès-verbal du 17 janvier 2008, estimé, après application d’une extrapolation du nombre de cas douteux par rapport au nombre de prestations attestées par le requérant, à 111.576,80 euros.

III. 10. A une date indéterminée, les services du S.E.C.M. établissent une note de synthèse relative aux faits visés par les procès-verbaux susmentionnés, dans laquelle est notamment exposée la méthodologie d’enquête.

III. 11. Le 22 octobre 2008, le Médecin-directeur général du S.E.C.M. saisit la chambre de première instance instituée auprès du S.E.C.M. d’une requête visant à ce que : - soit établi que le requérant a attesté des prestations non effectuées (1er grief), pour un montant indu évalué à 91.677,01 euros, et a attesté de prestations non conformes (2ème

grief), pour un montant évalué à 246,45 euros, - conformément à l’article 141, § 5, dernier alinéa, de la loi du 14 juillet 1994, le requérant soit condamné à rembourser ces montants, - conformément à l’article 141, § 5, alinéa 4, a et b, de la loi du 14 juillet 1994, le requérant soit condamné à une amende administrative égale à 200 % de la valeur des prestations non effectuées, soit une amende de 183.354,02 euros (1er grief) et à une amende administrative de 150 % de la valeur des prestations non conformes, soit une amende de 369,67 euros (2ème grief).

III. 12. Le 24 octobre 2008, le greffe de la chambre de première instance communique la requête du S.E.C.M. au requérant et l’invite à déposer des conclusions.

III. 13. Le 16 juin 2009, la chambre de première instance convoque les parties à comparaître le 1er octobre 2009.

III. 14. Le 18 septembre 2009, le requérant informe la chambre de première instance de son souhait d’être représenté par le Docteur Robert BOURGUIGNON.

III. 15. Le 28 septembre 2009, le Docteur Robert BOURGUIGNON communique diverses pièces au greffe de la chambre de première instance.

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III. 16. Lors de l’audience du 1er octobre 2009, le Docteur Robert BOURGUIGNON expose l’argumentation du requérant et sollicite, à titre principal, la désignation d’un expert chargé d’examiner les dents des patients auditionnés et certains documents et d’un expert chargé de donner son avis sur la méthode d’extrapolation utilisée par le S.E.C.M., à titre subsidiaire, l’autorisation de produire des clichés, à titre plus subsidiaire, que soit dit pour droit que les griefs ne sont pas établis et que la méthode d’extrapolation ne peut être retenue, et à titre plus subsidiaire encore, que lui soient octroyés des délais de remboursement.

III. 17. Le 12 novembre 2009, la chambre de première instance - déclare les griefs établis, en précisant toutefois que la méthode d’extrapolation est uniquement admissible pour les prestations d’obturation, de sorte que l’indu est limité à 78.228,14 euros pour le premier grief, - condamne le requérant au remboursement d’un montant total de 78.474,59 euros, - inflige au requérant une amende de 136.899,24 euros, assortie d’un sursis de 3 ans pour 19.557,06 euros, pour le premier grief, et une amende de 369,67 euros pour le second grief.

Cette décision est communiquée au requérant par un courrier du 18 novembre 2009.

III. 18. Le 14 décembre 2009, le requérant interjette appel de la décision de la chambre de première instance devant la chambre de recours.

Dans son acte d’appel, il expose ses critiques à l’égard de son audition, à l’égard des constats dentaires et de l’audition de ses patients, à l’égard de la méthode retenue par le S.E.C.M. pour sélectionner les...

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