Décision judiciaire de Conseil d'État, 26 mars 2014

Date de Résolution26 mars 2014
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R Ê T

no 226.889 du 26 mars 2014

  1. 210.913/VIII-9028

En cause : XXXX, ayant élu domicile chez Me Nicolas DUBOIS, avocat, rue de Bruxelles 37 1300 Wavre,

contre :

la province du Brabant wallon, représentée par le collège provincial, ayant élu domicile chez Me Frédéric GOSSELIN, avocat, rue de Clairvaux 40/202 1348 Louvain-la-Neuve.

---------------------------------------------------------------------------------------------------- LE PRÉSIDENT F.F. DE LA VIIIe CHAMBRE DES RÉFÉRÉS,

Vu la requête unique introduite le 25 novembre 2013 par XXXX tendant, d'une part, à la suspension de l'exécution de "la décision prise par la partie adverse le 26 septembre 2013 et décidant, à son encontre, de le suspendre préventivement, en sa qualité de professeur de religion, et ce conformément à l'article 57 du décret du 10 mars 2006 relatif aux statuts des maîtres de religion et professeurs de religion subsidiés de l'enseignement officiel subventionné" et, d'autre part, à l'annulation de cette décision;

Vu la note d'observations et le dossier administratif;

Vu le rapport de M. BOSQUET, premier auditeur au Conseil d'État, rédigé sur la base de l'article 12 de l'arrêté royal du 5 décembre 1991 déterminant la procédure en référé devant le Conseil d'État;

Vu l'ordonnance du 6 février 2014 fixant l'affaire à l'audience publique du 25 mars 2014;

Vu la notification de l'ordonnance de fixation et du rapport aux parties;

VIIIr - 9028 - 1/13

Entendu, en son rapport, Mme VANDERNACHT, conseiller d'État;

Entendu, en leurs observations, Me François VISEUR, loco Me Nicolas DUBOIS, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Frédéric GOSSELIN, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, M. BOSQUET, premier auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen du recours se présentent comme suit :

  1. Le requérant est professeur de religion islamique à XXXX, fonction dans laquelle il est nommé.

  2. Le 27 mai 2013, il est inculpé du chef d'avoir "séquestré arbitrairement" son épouse, d'avoir porté sur celle-ci et ses enfants mineurs "des coups et blessures volontaires" avec la circonstance qu'il dispose d'un ascendant sur ces derniers, et d'avoir proféré "des menaces verbales avec ordre ou sous condition d'un attentat criminel". Un mandat d'arrêt est délivré le jour-même et il est placé en détention préventive à la prison de Nivelles.

  3. Ces faits sont rapidement révélés par la presse écrite et audiovisuelle qui mentionne notamment sa qualité de professeur de religion à XXXX.

  4. Dès le 7 juin 2013, il est libéré sous condition par une ordonnance du juge d'instruction, et il reprend ses fonctions à XXXX à partir du 10 juin suivant.

  5. Par un courrier du 12 août 2013, l'office du procureur du Roi informe la partie adverse que l'instruction du dossier est toujours en cours, que les conditions imposées au requérant (qui n'implique aucune interdiction d'enseigner) sont toujours d'application jusqu'au 7 septembre 2013 et que le juge d'instruction pourrait encore en prolonger les effets au-delà de cette date.

  6. Par une délibération du 5 septembre 2013, le collège provincial de la partie adverse a décidé d'écarter sur-le-champ le requérant de ses fonctions (à partir du 6 septembre 2013). Cette décision n'a pas été attaquée par le requérant.

    VIIIr - 9028 - 2/13

    7. Le 7 septembre 2013, le juge d'instruction prend une ordonnance prolongeant et modifiant les effets de sa précédente ordonnance de mise en liberté sous conditions, avec effet jusqu'au 6 décembre 2013.

  7. Par un courrier du 13 septembre 2013, la partie adverse informe le requérant que le collège provincial a décidé, le 12 septembre 2013, d'entamer une procédure administrative de suspension préventive, en application de l'article 57, §§ 1er et 3, du décret du 10 mars 2006 relatif aux statuts des maîtres de religion et professeurs de religion, et le convoque à une audition le 26 septembre suivant.

  8. Le 26 septembre 2013, le requérant, accompagné de l'un de ses conseils, est auditionné par le collège provincial, et le même jour, le collège décide de le suspendre préventivement.

    Cette décision, qui constitue l'acte attaqué, est rédigée comme suit : " LE COLLÈGE PROVINCIAL DU BRABANT WALLON,

    Vu le Code de la démocratie locale et de la décentralisation;

    Vu le décret du 10 mars 2006 relatif aux statuts des maîtres de religion et professeurs de religion subsidiés de l'enseignement officiel subventionné;

    Vu la circulaire n° 4422 du 24 mai relative à la suspension préventive dans l'enseignement officiel subventionné;

    Vu la prise d'acte par le Collège provincial en séance du 6 juin 2013 qu'un mandat d'arrêt a été délivré à l'encontre de XXXX par le Juge d'instruction le 27 mai 2013 et confirmé par la Chambre du Conseil le 30 mai 2013;

    Vu la décision du Collège provincial du 5 septembre 2013 d'écarter sur-le-champ XXXX de ses fonctions, conformément à l'article 57 § 3 du décret du 10 mars 2006, au motif que l'instruction du dossier à son encontre comme suite aux poursuites pénales dont il fait l'objet est toujours en cours, et au motif que la gravité des faits reprochés et l'enquête en cours ne le placent pas dans les conditions minimales de sérénité requises pour enseigner aux enfants.

    Cette mesure est strictement administrative et n'emporte à ce stade aucune qualification quelconque de faute dans son chef;

    Vu la décision prise par le Collège provincial en séance du 12 septembre 2013 d'entamer en vertu de l'article 57 § 1er du décret du 10 mars dans l'intérêt de l'enseignement, une procédure de suspension préventive à l'encontre de XXXX, aux motifs que l'intéressé fait l'objet de poursuites pénales, que la procédure d'instruction est toujours en cours, que la gravité des faits reprochés, et l'enquête en cours ne le placent pas dans les conditions minimales de sérénité requises pour enseigner aux enfants et que, pour ce que le pouvoir organisateur en sait, les faits reprochés à l'intéressé pourraient témoigner d'une intolérance, d'un irrespect et d'une atteinte à la dignité de la femme, d'une atteinte à l'égalité des chances, d'un irrespect des libertés et droits fondamentaux, en opposition avec le projet éducatif du pouvoir organisateur;

    VIIIr - 9028 - 3/13

    Vu la prise d'acte par le Collège provincial en séance du 12 septembre qu'en vertu de l'article 57 § 2 dudit décret, avant toute mesure de suspension préventive, le membre du personnel doit avoir été invité à se faire entendre par le pouvoir organisateur;

    Vu la prise d'acte par le Collège provincial en séance du 12 septembre 2013 que la convocation à l'audition ainsi que les motifs justifiant la suspension préventive sont notifiés au membre du personnel trois jours ouvrables au moins avant l'audition, soit par lettre recommandée à la poste avec accusé de réception portant ses effets trois jours ouvrables après la date de son expédition, soit par la remise d'une lettre de la main à la main avec accusé de réception portant ses effets à la date figurant sur cet accusé de réception.

    Vu la décision prise par le Collège provincial en séance du 12 septembre de fixer au 26 septembre 2013 à l'audition dans le cadre de la procédure de suspension préventive.

    Considérant que les éléments constituant son dossier sont, à ce jour, les suivants :

    - le Juge d'instruction a délivré un mandat d'arrêt à son encontre le 27 mai 2013;

    - le 30 mai 2013, la Chambre du Conseil du Tribunal de Première Instance de

    Nivelles a confirmé la détention préventive à son égard. Il est détenu à la prison de Nivelles;

    - le 30 mai 2013 Madame la Greffière provinciale s'est adressée au Parquet du

    Procureur du Roi de Nivelles afin de connaître les «décisions prises par (son) ministère quant à XXXX. En effet, ce dernier étant enseignant à XXXX il est indispensable, en tant qu'employeur, de prendre à son égard les mesures administratives adéquates»;

    - par télécopie du même jour, le Parquet de Nivelles répond que «la détention préventive de l'intéressé a été confirmée par la Chambre du Conseil du Tribunal de Première Instance de Nivelles ce jeudi 30 mai 2013 de telle manière qu'il reste actuellement en prison».

    - en date du 7 juin le Juge...

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