Décision judiciaire de Conseil d'État, 13 mars 2014

Date de Résolution13 mars 2014
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

nº 226.762 du 13 mars 2014

  1. 207.118/XIII-6434

    En cause : PAQUAY Josette, ayant élu domicile rue Cardinal Cardijn 35 4020 Liège,

    contre :

    1. la Ville de Rochefort, 2. la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez Me Bénédicte HENDRICKX, avocat, rue de Nieuwenhove 14 A 1180 Bruxelles.

      Partie intervenante :

      JEANMART Benoît, ayant élu domicile chez Me Jacques HUTIN, avocat, avenue de Lorette 15 5580 Rochefort.

      ------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE CONSEIL D'ETAT, XIIIe CHAMBRE,

      Vu la requête introduite le 24 novembre 2012 par Josette PAQUAY qui demande l'annulation du permis d'urbanisme délivré le 2 juillet 2012 à Benoît JEANMART par la Ville de Rochefort, ayant pour objet l'aménagement d'un parking et le placement d'une enseigne sur la façade principale, sur un bien sis avenue d'Alost, 6 à Rochefort et cadastré 1ère division, section A, n° 802e7;

      Vu la requête introduite le 27 décembre 2012 par laquelle Benoît JEANMART demande à être reçu en qualité de partie intervenante;

      Vu l'ordonnance du 14 janvier 2013 accueillant cette intervention;

      XIII - 6434 - 1/21

      Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

      Vu le mémoire en intervention;

      Vu le rapport de Mme LEYSEN, premier auditeur au Conseil d'Etat, établi sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure;

      Vu la notification du rapport aux parties et le dernier mémoire de la partie requérante;

      Vu l'ordonnance du 20 décembre 2013, notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience du 6 février 2014 à 09.30 heures;

      Entendu, en son rapport, Mme BOLLY, conseiller d'Etat;

      Entendu, en leurs observations, Josette PAQUAY, requérante, Me P.-Y. DERMAGNE, avocat, comparaissant pour la première partie adverse, Me B. HENDRICKX, avocat, comparaissant pour la seconde partie adverse, et Me G. LALLEMAND, loco Me J. HUTIN, avocat, comparaissant pour la partie intervenante;

      Entendu, en son avis conforme, Mme LEYSEN, premier auditeur;

      Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

      Considérant que les éléments de la cause se présentent comme suit :

    2. Le 23 octobre 2009, Benoît JEANMART introduit une demande de permis d'urbanisme auprès du collège communal de la ville de Rochefort en vue d'aménager un parking pour un funérarium, et d'installer un totem publicitaire sur un bien sis à Rochefort, avenue d'Alost, n° 6 et cadastré section A, n° 802e7.

      Le bien est situé en zone d'habitat au plan de secteur de Dinant-CineyRochefort adopté par arrêté royal du 22 janvier 1979.

      Il est situé dans le périmètre du plan communal d'aménagement lb approuvé par arrêté ministériel du 3 décembre 1986.

      XIII - 6434 - 2/21

      Le projet déroge à celui-ci à deux égards : le totem publicitaire est situé en zone de recul et le parking projeté est situé dans la zone arrière de cours et jardins. Une partie de cette zone est constructible.

      La note qui accompagne la demande de permis d'urbanisme précise que si la partie gauche du jardin est située "en zone à bâtir" (la partie gauche est située contre le mur du voisin), l'aménagement du parking ne se fait toutefois pas dans celle-ci pour les raisons suivantes :

      - le dénivelé est beaucoup plus important, nécessitant le remblayage de plus d'un mètre de hauteur, avec pour conséquence un problème de stabilité du mur de clôture;

      - des problèmes de vue directe depuis le parking vers le jardin résultant directement du remblayage;

      - la partie gauche du terrain donne sur des arrières occupés par des bâtiments en tous genres (remise, annexes, ...) et donc avec moindre conséquence au niveau des vues directes;

      - l'installation du parking permet de préserver une zone de jardin pour le locataire de l'appartement se trouvant à l'étage et aussi de limiter l'emprise au sol des chemins empierrés d'accès.

      La note précise enfin que le parking sera occupé de façon temporaire et uniquement lors de l'utilisation du funérarium et qu'il sera entouré de haies vives d'essences locales pour limiter l'impact visuel éventuel.

    3. La requérante, Josette PAQUAY, est propriétaire d'un bien situé rue de la Sauvenière 28 dont le jardin est, à l'arrière, mitoyen de la propriété de Benoît JEANMART, le parking litigieux étant construit le long et en contrebas du mur mitoyen. Elle est domiciliée à Liège.

    4. Le 5 janvier 2010, le fonctionnaire délégué émet un avis défavorable sur les dérogations sollicitées. Cet avis se lit notamment comme suit :

      " […] que l'enquête publique a suscité 5 réclamations notamment du point de vue du nombre d'emplacements de parking ainsi que des nuisances sonores, visuelles et olfactives que génère le projet susvisé;

      Considérant que la présence d'un nombre important de places de parking couvrant en grande partie la zone de cours et jardin induira indéniablement des nuisances de tout ordre; qu'il faut par ailleurs noter qu'aucune zone tampon vis-à-vis des jardins voisins n'a été prévue;

      Considérant que ce type d'installation ne tend pas à créer un aménagement cohérent de ladite zone; que l'on ne peut que se rallier aux réclamations énumérées ci-dessus;

      XIII - 6434 - 3/21

      Considérant par ailleurs qu'au vu du reportage photographique, il serait dommageable de minéraliser par de la dolomie un espace jardin relativement bien préservé;

      Considérant qu'il convient de rappeler également que la zone considérée est par définition destinée aux activités de cours et jardins; que tel ne sera plus le cas en l'occurrence;

      Considérant qu'il serait opportun de déplacer l'espace voué aux parcages de véhicules sur le côté ou, à tout le moins, devant la propriété plus en relation avec la voirie de manière à préserver au maximum la zone de cours et jardins;

      Considérant enfin que s'il est raisonnable que le demandeur veuille signaler son activité professionnelle, le dispositif de publicité doit se limiter à la raison sociale situé sur le front de bâtisse du bâtiment;

      Considérant qu'en fonction de mes remarques, le projet doit être revu en conséquence;

      Considérant que l'article 113 du Code wallon ne peut être appliqué".

    5. Le 18 janvier 2010, le collège communal de la ville de Rochefort délivre le permis d'urbanisme sollicité moyennant le respect des conditions suivantes :

      " - Le parking sera déplacé de deux mètres vers l'Ouest afin de créer une zone tampon végétale entre les parcelles de la Rue Sauvenière et le parking;

      - Les emplacements 11 et 12 seront supprimés, - L'emplacement 13 sera orienté Nord-Sud afin de préserver les arbres fruitiers en place, - L'éclairage sera limité en nombre et en hauteur (maximum 50 cm); - L'éclairage sera régulé pour ne fonctionner qu'en cas de besoin (en fonction de la luminosité naturelle et des heures de visite); - Le totem publicitaire sera positionné sur la façade du bâtiment, - L'ensemble du projet se fera de manière à préserver au maximum le jardin actuel".

    6. Benoît JEANMART fait réaliser les travaux d'aménagement autorisés conformément à ce permis.

    7. Par un arrêt n° 218.067, du 16 février 2012, le Conseil d'Etat annule le permis d'urbanisme délivré le 18 janvier 2010 par la ville de Rochefort. Cet arrêt est motivé comme suit :

      " […]

      Considérant qu'aux termes de l'article 113 du CWATUP, pour que la dérogation au plan communal d'aménagement puisse être accordée, il faut que les actes et travaux projetés soit respectent, soit structurent, soit recomposent les lignes de force du paysage et qu'elle soit dans une mesure compatible avec la destination générale de la zone considérée et les options urbanistiques ou architecturales;

      Considérant que dans sa requête, la requérante «se réfère entièrement à l'avis du fonctionnaire délégué, lequel justifie pleinement son approche défavorable à l'aménagement du parking litigieux et à la pose d'un totem», relève «que cet avis

      XIII - 6434 - 4/21

      se rallie entièrement aux doléances formulées dans un premier temps par la requérante en soulignant le caractère particulièrement destructeur de ce projet» et ajoute «qu'il convient de compléter cet avis en considérant l'existence de nombreux emplacements disponibles sur la voie publique dans la proximité immédiate du bien litigieux (voir vues aériennes et photos; pièces 4, 5, 8 et 9) et que dès lors la réalisation d'un parking relève plus d'un souci de prestige dans le chef de Monsieur JEANMART que d'une réelle nécessité pour son commerce»;

      Considérant que le fonctionnaire délégué faisait les critiques suivantes :

      - la présence d'un nombre important de places de parking couvrant en grande partie la zone de cours et jardins induira indubitablement des nuisances de tout ordre;

      - aucune zone tampon vis-à-vis des jardins n'a été prévue; - ce type d'installation ne tend pas créer un aménagement cohérent de la zone; - il est dommageable de minéraliser par de la dolomie un espace jardin relativement bien préservé; - on porte atteinte à la destination générale de la zone de cours et jardins; - il serait opportun de déplacer l'espace voué aux parcages de véhicules sur le côté ou, à tout le moins, devant la propriété en relation avec la voirie de manière à préserver au maximum la zone de cours et jardins;

      Considérant qu'aux termes de la motivation de l'acte attaqué, si l'arrière de la propriété est actuellement consacré à un espace jardin (pelouse et quelques arbustes), cette partie de la propriété est toutefois divisée en zone de cours et jardins d'une part et en «zone d'habitat», d'autre part; que l'acte attaqué relève ensuite que si le parking pourrait être implanté dans la zone d'habitat longeant le mur ouest de la parcelle (du côté de la propriété ROLLIN), une telle implantation nécessiterait toutefois le passage des véhicules par la zone de cours et jardin, une modification du relief du sol ainsi que l'abattage de certains arbres fruitiers; que l'exactitude de ce motif n'est pas contesté par la requérante; que partant, cette...

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