Décision judiciaire de Conseil d'État, 6 mars 2014

Date de Résolution 6 mars 2014
JuridictionXI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

A R R Ê T

nº 226.627 du 6 mars 2014

A. 210.636/XI-19.916

En cause : 1. de PASCALE Carlo, 2. de THIER Véronique, agissant en qualité de représentants légaux de leur fille mineure de PASCALE Giulia, ayant élu domicile chez Me E. DEMARTIN, avocat, rue Saint-Bernard 184 1060 Bruxelles,

contre :

1. la Ville de Bruxelles,

ayant élu domicile chez

Me M. UYTTENDAELE, avocat, rue de la Source 68 1060 Bruxelles,

2. la Communauté française, représentée par son Gouvernement.

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LA XI e CHAMBRE SIÉGEANT EN RÉFÉRÉ,

I. OBJET DU RECOURS

Par une requête unique recommandée à la poste le 4 novembre 2013, Carlo de PASCALE et Véronique de THIER, qui déclarent agir en qualité de représentants légaux de leur fille mineure Giulia, sollicitent la suspension de l’exécution ainsi que l’annulation de "la décision par laquelle la Ville de Bruxelles, par courrier du 15 octobre 2013 (…) a refusé de dispenser Giulia DE PASCALE, élève en 4ème Latin-sciences au Lycée Jacqmain, de suivre un cours philosophique (…) et pour autant que de besoin de la décision contenue dans le courrier du 8 octobre 2013 de la ministre de l'Enseignement obligatoire et de la promotion sociale sur lequel se fonde le premier acte querellé".

II. PROCEDURE DEVANT LE CONSEIL D'ETAT

Les dossiers administratifs et deux notes d'observations ont été déposés par les parties adverses.

R XI - 19.916 - 1/13

M. l'auditeur G. SCOHY a rédigé un rapport, sur la base de l'article 12 de l’arrêté royal 5 décembre 1991 déterminant la procédure en référé devant le Conseil d’Etat.

Ce rapport a été notifié aux parties.

Une ordonnance du 4 février 2014, notifiée aux parties, a fixé l'affaire à l'audience de la XIe chambre du 27 février 2014 à 10 heures.

M. le Conseiller d’Etat Y. HOUYET a fait rapport.

Me E. DEMARTIN, avocat, comparaissant pour les parties requérantes, Me M. UYTTENDAELE, avocat, comparaissant pour la première partie adverse et Me S. DEPRE, avocat, comparaissant pour la seconde partie adverse, ont présenté leurs observations.

M. l'auditeur G. SCOHY a été entendu en son avis conforme.

Les dispositions relatives à l'emploi des langues, énoncées au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973, ont été appliquées.

III. LES FAITS UTILES A L’EXAMEN DU RECOURS

  1. Les requérants sont les parents d'une élève de quatrième année de l’enseignement secondaire qui fréquente le Lycée Jacqmain, un établissement d'enseignement de la Ville de Bruxelles.

  2. Le 10 septembre 2013, ils remplissent le formulaire ad hoc en biffant toutes les religions et la morale non confessionnelle et adressent au pouvoir organisateur un courrier expliquant leur démarche :

    " Vous trouverez en annexe à la présente le formulaire « cours philosophique » complété. Vous constaterez que j'ai choisi, en accord avec ma fille, de barrer les choix proposés.

    En effet, je considère que tous ces choix, y compris le cours de « morale non confessionnelle » sont des choix qui ont pour effet tant pour moi que pour ma fille, de nous donner une orientation philosophique ou religieuse marquée, ce qui ne devrait être que du ressort de la vie privée.

    Je ne souhaite plus, dans un contexte d'enseignement public officiel, que mes choix, et ceux de ma fille, en matière d'orientation philosophique éventuelle (si tant est que l'on puisse se reconnaître dans les choix proposés, lesquels sont tous d'une manière ou d'une autre, orientés) soient connus de tous, par le biais de ce formulaire et de la fréquentation de l'un ou de l'autre de ces cours.

    D'après les informations en ma possession, aucune disposition en droit belge ne peut me contraindre à choisir un des cours proposés.

    R XI - 19.916 - 2/13

    Je vous remercie de l'attention que vous porterez à la présente et vous prie donc de dispenser ma fille Giulia de tout cours religieux ou philosophique objet du présent choix ".

  3. Le 17 septembre 2013, la Ville de Bruxelles, pouvoir organisateur, adresse à la Ministre de l’Enseignement obligatoire le courrier suivant :

    " Par la présente, je vous informe qu’un parent d’un élève fréquentant un établissement de la Ville de Bruxelles sollicite une dispense pour le cours philosophique pour l’année 2013-2014 ;

    Vous trouverez ci-joint une copie du formulaire complété par le responsable ainsi qu’une lettre adressée au Préfet des Etudes en vue de justifier ce non-choix philosophique.

    Il va sans dire que la motivation de cette décision trouve son origine dans l’avis de trois constitutionnalistes (Christian BEHRENDT de l’ULG, Hugues DUMONT de St Louis et Marc UYTTENDAELE de l’ULB), consultés le 12 mars 2013 par la Commission de l’éducation du Parlement et selon lesquels les décrets « Neutralité » obligeraient les écoles à organiser lesdits cours mais en aucun cas les parents à choisir l’un de ceux-ci.

    (…)

    Une telle dispense n’est pas prévue par les différents textes légaux et de ce fait, il n’appartient par conséquent ni au chef d’établissement, ni au Pouvoir organisateur, de répondre à la demande formulée par ce parent.

    Je sollicite néanmoins votre avis quant à la réponse qu’il conviendrait de donner au requérant. A ce stade, nous avons adressé au parent un courrier l’informant de notre démarche auprès de vous et le mettant en garde sur les risques que, selon notre analyse, il encourt à savoir la non homologation le cas échéant du diplôme de sa fille".

  4. Le 8 octobre 2013, la Ministre répond à la Ville de Bruxelles par un courrier dont la teneur est la suivante :

    " L'article 8 de la Loi du 29 mai 1959 dite « Loi du Pacte scolaire » précise:

    Le chef de famille, le tuteur ou la personne à qui est confiée la garde de l'enfant est tenu, lors de la première inscription d'un enfant, de choisir pour celui-ci, par déclaration signée, le cours de religion ou le cours de morale.

    Si le choix porte sur le cours de religion, cette déclaration indiquera explicitement la religion choisie.

    Le modèle de la déclaration relative au choix de la religion ou de la morale est arrêté par le Roi. Cette déclaration mentionne expressément:

    a) la liberté entière que la loi laisse au chef de famille ;

    b) l'interdiction formelle d'exercer sur lui une pression quelconque à cet égard et les sanctions disciplinaires dont cette interdiction est assortie ;

    c) la faculté laissée au chef de famille de disposer d'un délai de trois jours francs pour restituer la déclaration dûment signée

    .

    R XI - 19.916 - 3/13

    À la lecture de cet article, il s'avère que le législateur a entendu imposer un choix aux parents d'un élève fréquentant l'enseignement obligatoire entre, d'une part, un cours de religion tel que précisé audit article 8, alinéa 3, et, d'autre part, un cours de morale non confessionnelle.

    En tant que membre du pouvoir exécutif, je me dois de m'en tenir à l'intention du législateur qui, de lege lata, ne souffre d'aucune ambiguïté et ce, quand...

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