Décision judiciaire de Conseil d'État, 26 février 2014

Date de Résolution26 février 2014
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R Ê T

nº 226.553 du 26 février 2014

  1. 206.255/VIII-8351

En cause : DOCHAIN Olivier, ayant élu domicile chez Me Olivier LOUPPE, avocat, rue Defacqz 78 1060 Bruxelles,

contre :

l'État belge, représenté par le ministre de l'Intérieur.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE PRÉSIDENT F.F. DE LA VIIIe CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 7 septembre 2012 par Olivier DOCHAIN qui demande l'annulation de "la décision émise le 11 juillet 2012 par le CDP Paul VAN THIELEN DGJ f.f., agissant en qualité d'Autorité disciplinaire supérieure, d'infliger au requérant la sanction disciplinaire lourde de la retenue de traitement de 10 % durant deux mois";

Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

Vu le rapport de M. LANGOHR, auditeur au Conseil d'État, rédigé sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure;

Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;

Vu l'ordonnance du 17 janvier 2014 fixant l'affaire à l'audience publique du 25 février 2014;

Entendu, en son rapport, Mme VANDERNACHT, conseiller d'État;

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Entendu, en leurs observations, Me Olivier LOUPPE, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Mme Bénédicte FLAMEND, conseillère juriste, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, M. LANGOHR, auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen du recours se présentent comme suit :

  1. Le requérant est, depuis le 1er janvier 2001, membre de la police judiciaire fédérale de Bruxelles. Il a été commissionné inspecteur principal de police le 1er avril 2001 et nommé à ce grade, le 1er janvier 2012.

  2. Le 2 mai 2011, son chef d'équipe lui a demandé de participer à un line up urgent.

  3. Le 3 mai 2011 le commissaire principal Philippe VOSTERS a dénoncé au directeur judiciaire Glenn AUDENAERT le refus du requérant de participer à ce line up.

  4. Le 9 mai 2011, le directeur judiciaire susvisé a transmis le rapport du commissaire principal Philippe VOSTERS au directeur général ad interim de la police judiciaire Valère DE CLOET, eu égard, selon lui, à la gravité des faits.

  5. Le 13 mai 2011, le commissaire principal précité a adressé un rapport d'information complémentaire au directeur judiciaire susvisé qui l'a transmis au directeur général susvisé.

  6. Le 27 mai 2011, le directeur général précité a rédigé un rapport introductif au terme duquel il envisageait d'infliger la sanction disciplinaire lourde de la suspension par mesure disciplinaire d'une durée d'un mois au requérant.

  7. Le 12 juillet 2011, le requérant a déposé un mémoire en défense au terme duquel il a notamment demandé à être entendu et a sollicité des devoirs complémentaires.

  8. Le 19 juillet 2011, le commissaire Guy DENYS a entendu le requérant et a dressé un procès-verbal de cette audition.

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    9. Le 9 septembre 2011, il a entendu le commissaire Philippe VOSTERS. Le même jour, il a informé le requérant qu'il ne serait pas procédé aux autres auditions demandées et qu'il disposait d'un délai expirant le 22 septembre 2011 pour déposer un mémoire complémentaire, ce qu'a fait le requérant.

  9. Le 4 octobre 2011, le directeur général a.i. de la police judiciaire précité a sollicité l'avis du procureur du Roi lequel a, le 10 octobre 2011, jugé que la sanction proposée était justifiée.

  10. Le 12 octobre 2011, le directeur général a.i. de la police judiciaire précité a proposé d'infliger au requérant la sanction disciplinaire lourde de la suspension par mesure disciplinaire d'une durée de trois semaines.

  11. Le 21 octobre 2011, le requérant a déposé une requête en reconsidération devant le conseil de discipline.

  12. Le 9 décembre 2011, l'inspecteur général ad interim de la police fédérale et de la police locale a déposé un rapport d'expertise au terme duquel il a estimé que les faits n'étaient pas imputables au requérant.

  13. Le 20 décembre 2011, le requérant a déposé trois pièces complémentaires en vue de son audition.

  14. Le 21 décembre 2011, le conseil de discipline a mis l'affaire en continuation pour permettre à l'inspection de procéder à l'audition du commissaire Émile MATHIEU et à l'autorité disciplinaire supérieure de solliciter l'avis du procureur fédéral sur la participation de membres de la DR 3 à des line up.

  15. Le 22 février 2012, le procureur fédéral a communiqué son avis suivant lequel "il n'est pas opportun de faire participer des membres de la DR3 à des «lines-up» dans des dossiers touchant aux matières du terrorisme, quels que soient les groupements en cause".

  16. Le 9 mars 2012, l'inspection a procédé à l'audition demandée.

  17. Le 23 mai 2012, s'est tenue l'audience devant le conseil de discipline, le requérant ayant déposé, la veille, des pièces complémentaires.

  18. Le 31 mai 2012, le conseil de discipline a émis son avis au terme duquel il a estimé que "le fait, dûment établi dans le chef d'Olivier DOCHAIN,

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    d'avoir à Bruxelles, le 2 mai 2011, en sa qualité d'inspecteur principal de police, refusé à plusieurs reprises de répondre favorablement, sans motif légitime, à l'ordre de participer à une reconnaissance derrière une vitre sans tain est de nature à justifier le prononcé d'un avertissement (…)".

  19. Le 20 juin 2012, le directeur général a.i. de la police judiciaire précité a notifié au requérant son intention de s'écarter de l'avis du conseil de discipline.

  20. Le 29 juin 2012, le requérant a déposé un mémoire de défense complémentaire.

  21. Le 11 juillet 2012, le directeur général a.i. de la police judiciaire précité a infligé la sanction disciplinaire lourde de la retenue de traitement de 10 % durant deux mois au requérant. Cette décision repose sur les motifs suivants : " (…)

  22. Exposé des faits, circonstances

    L'INPP Olivier DOCHAIN (Chef d'équipe au sein de la DR 3) est membre de la PJF BRUXELLES.

    En date du 02-05-2011, peu avant 16.00 heures, dans le contexte d'une information judiciaire nécessitant l'organisation dans l'urgence et sur instructions du magistrat en charge du dossier, d'un line up en vue de la reconnaissance d'un suspect, l'INPP Olivier DOCHAIN est sollicité pour participer au line up, sa physionomie correspondant parfaitement à celle du suspect.

    Le CP Daniel LAUWERS, Chef d'équipe en charge du dossier, essuie un refus de la part de l'INPP Olivier DOCHAIN au motif que ce dernier «doit prendre son train».

    Le CP Philippe VOSTERS (Chef Adj de la DR 3) est contacté par le CP Daniel LAUWERS qui précise que le line up peut se faire immédiatement.

    Le CP Philippe VOSTERS contacte à son tour l'INPP Olivier DOCHAIN qui répète son refus de participer au line up au motif qu'il doit prendre son train et que, «... vu le peu de considération que la Direction a pour lui, il faisait ses heures et rien de plus».

    Olivier DOCHAIN ajoute qu'il existe des directives interdisant aux membres de la DR 3 de participer aux line up pour des motifs de sécurité.

    Le CP Philippe VOSTERS demande à l'INPP Olivier DOCHAIN de patienter le temps nécessaire à la vérification de cette directive.

    Olivier DOCHAIN lui rétorque que s'il ratait son train, il devrait lui rembourser son ticket.

    La vérification quant à la directive à laquelle fait référence Olivier DOCHAIN permet de constater qu'elle ne s'applique pas en l'espèce. Recontacté quelques minutes plus tard, l'INPP Olivier DOCHAIN est informé que cette directive ne s'applique pas.

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    Olivier DOCHAIN répond que cela ne change rien et qu'il maintient son refus de porter assistance à ses collègues.

    Enjoint formellement de participer au line up - qui se déroulerait quasi en face de son bureau - l'INPP Olivier DOCHAIN refuse d'exécuter cet ordre.

    Invité à confirmer ce refus par écrit, Olivier DOCHAIN rétorque qu'il le fera dès qu'il en aura le temps (ce qui n'a pas été fait à la date de la rédaction du rapport introductif).

    Le CP Philippe VOSTERS a finalement contacté un collègue de la SPC qui s'est expressément déplacé pour participer au line up et autoriser la confrontation dans l'urgence.

    Le rapport d'information complémentaire du 19-05-2011 fait état du fait que le véhicule personnel de l'INPP Olivier DOCHAIN a été observé le 02-05-2011 dans le parking de la PJF BRUXELLES d'une part, et que l'INPP Olivier DOCHAIN, après le contact téléphonique avec le CP Philippe VOSTERS, s'est rasé la barbe (une des caractéristiques essentielles pour participer au line up), d'autre part.

    Evaluation : Satisfaisant.

    Antécédent disciplinaire : Néant.

  23. Date de prise de connaissance des faits

    Le Dir PJF BRUXELLES a pris connaissance du rapport d'information initial du CP Philippe VOSTERS en date du 09-05-2011.

    La date du 09-05-2011 est la date à prendre en considération pour la détermination du délai de prescription de la notification du présent rapport introductif,

    Le rapport introductif a été notifié le 14-06-2011.

    La proposition de sanction a été notifiée le 13-10-2011.

  24. Établissement, qualification et imputabilité des faits.

    Eu égard aux éléments de fait du dossier :

    4.1 J'estime que les faits sont établis;

    4.2 J'estime que ces faits sont imputables à l'INPP Olivier DOCHAIN;

    4.3 J'estime que ces faits constituent la transgression disciplinaire suivante :

    Avoir à BRUXELLES, le 02 mai 2011, en sa qualité d'inspecteur principal, de police, refusé à plusieurs reprises de répondre favorablement, sans motif légitime, à l'ordre de participer à une reconnaissance derrière une vitre sans tain

    ;

    en ce que ces faits constituent une transgression aux points 15, 16, 17, 18, 20, 21, 28, et 29 de l'annexe à l'arrêté royal du 10-05-2008 fixant le code de déontologie des services de police.

  25. Avis du Conseil de discipline

    Je réfère à la Ref 1.6.

    VIII - 8351 - 5/19

    Le Conseil de discipline a émis l'avis motivé que la transgression telle que libellée supra 4.3 était établie, imputable...

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