Décision judiciaire de Conseil d'État, 29 novembre 2013

Date de Résolution29 novembre 2013
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R Ê T

no 225.644 du 29 novembre 2013

A. 209.288/VIII-8675

En cause : VAN DER AUWERA Adeline, ayant élu domicile chez Me Laurence RASE, avocat, quai de Rome 2 4000 Liège,

contre :

la commune de Tubize, représentée par le collège communal, ayant élu domicile chez Me Steve GILSON, avocat, place d'Hastedon 4/1 5000 Namur.

---------------------------------------------------------------------------------------------------- LE PRÉSIDENT F.F. DE LA VIIIe CHAMBRE DES RÉFÉRÉS,

Vu la requête unique introduite le 21 juin 2013 par Adeline VAN DER AUWERA tendant, d'une part, à la suspension de l'exécution de : " - la délibération du conseil communal de la commune de Tubize du 13 mai 2013 qui décide de maintenir la décision du conseil communal du 14 janvier 2013 qui démissionne [la requérante] par mesure disciplinaire de ses fonctions d'institutrice maternelle à l'école communale d'Oisquercq;

- et de la décision de date inconnue du collège ou/et du conseil communal de la partie adverse qui procède à la désignation ou à la nomination à titre définitif d'une institutrice maternelle dans son enseignement à dater de la décision de démission de la requérante"

et, d'autre part, à l'annulation de ces décisions;

Vu la note d'observations et le dossier administratif;

VIIIr - 8675 - 1/16

Vu le rapport de M. BOSQUET, premier auditeur au Conseil d'État, rédigé sur la base de l'article 12 de l'arrêté royal du 5 décembre 1991 déterminant la procédure en référé devant le Conseil d'État;

Vu l'ordonnance du 17 septembre 2013 fixant l'affaire à l'audience publique du 22 octobre 2013;

Vu la notification de l'ordonnance de fixation et du rapport aux parties;

Entendu, en son rapport, M. CAMBIER, conseiller d'État;

Entendu, en leurs observations, Me Laurence RASE, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Laure DEMEZ, loco Me Steve GILSON, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, M. BOSQUET, premier auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen du recours se présentent comme suit :

  1. La requérante est institutrice maternelle dans l'enseignement communal de Tubize depuis 1997 et a été nommée définitivement dans cette fonction (à temps plein) en 2008.

    Elle exerce ses fonctions dans l'implantation scolaire d'Oisquercq dont Michèle LUX est directrice temporaire depuis 2010 et est titulaire de la classe de première maternelle. Depuis l'année scolaire 2011-2012, elle est assistée dans sa classe (qui compte vingt-quatre enfants) par une puéricultrice Rebecca FONTAINE.

  2. Le lundi 23 mai 2011 à 14 h 25, Michèle LUX surprend la requérante en train de dormir pendant la sieste des enfants. Le lendemain, cette dernière a un accident de roulage et sera en congé de maladie jusqu'au 30 juin 2011. Un autre épisode d'endormissement pendant la sieste des élèves est constaté en septembre 2011.

  3. Le 8 novembre 2011, suite à la plainte d'un papa, faisant état de violences et injures sur les enfants, Michèle LUX organise une réunion avec la

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    requérante et Rebecca FONTAINE. À cette occasion, un compte-rendu est rédigé sur lequel la requérante s'engage expressément à se remettre en question.

  4. Peu après cette entrevue, elle s'est trouvée en congé de maladie.

  5. D'autres parents se sont plaints, ont rencontré la directrice le 21 novembre 2011 et lui ont encore écrit un courrier le 14 décembre 2011 faisant état de violences verbales et physiques, et d'une amélioration du comportement de leur enfant pendant l'absence pour cause de maladie de la requérante.

    Une pétition signée par les parents de seize enfants est également remise à l'échevine de l'Enseignement le 9 décembre 2011.

  6. Le 12 décembre 2011, Michèle LUX rédige le rapport suivant : " En date du 28 novembre 2011, j'ai établi un projet de rapport suivant proposant un entretien de fonctionnement avec Madame Van der Auwera. J'y ai travaillé dans le calme et la sérénité, l'intéressée étant en repos de maladie et ne pouvant être convoquée avant le 16 décembre.

    Ce rapport, je le complète en date du 9 décembre au vu de nouveaux éléments portés à ma connaissance par des parents.

    Rapport concernant Adeline Van Der Auwera

    Je me dois de porter à votre connaissance les faits suivants concernant Madame

    Van Der Auwera Adeline institutrice en 1ère maternelle à l'école d'Oisquercq. L'année scolaire 2010-2011, j'ai déjà dû mettre en place, avec succès, des stratégies afin de gérer des difficultés rencontrées avec des enfants plus turbulents. Mme Adeline a mis en application ces stratégies que j'avais proposées et le climat de classe s'en est trouvé amélioré.

    J'ai dû rassurer plusieurs parents de sa classe qui voulaient retirer leur enfant de l'école et aussi ceux d'accueil qui montaient chez elle en leur disant que j'avais déjà fait les remarques nécessaires à l'intéressée.

    Voyant le désarroi des collègues face au travail de Mme Adeline, j'ai provoqué une rencontre pour permettre à chacune de faire part de ses ressentis. Il y a eu un résultat positif et de gros efforts ont été consentis par Mme Adeline mais malheureusement ce fut d'assez courte durée.

    J'ai également surpris Mme Adeline endormie pendant la sieste des enfants. Je n'ai pas pu lui en parler à ce moment car elle a été absente suite à un accident de roulage jusqu'au 30 06 2011 (voir rapport joint).

    Il m'a été rapporté qu'un enfant est désigné pour la réveiller quand l'aiguille de l'horloge est au bon endroit. Des enfants surpris dans le couloir, ont mis le doigt sur la bouche en disant : «Chut !, on ne peut pas encore réveiller Mme Adeline».

    Je n'ai pas constaté ces faits moi-même mais ils me semblent suffisamment graves pour que j'en fasse mention.

    Dernièrement, je l'ai à nouveau surprise endormie pendant la sieste des enfants. Je n'ai fait aucune remarque devant les enfants et le lendemain, elle était à nouveau absente et je n'ai donc pu faire part de mon mécontentement qu'à son retour. Cette année, en date du 8 novembre, des parents ont demandé à me rencontrer car ils s'inquiètent de ce que leur enfant rapporte comme faits en rentrant à la maison. Je joins les notes prises lors de l'entretien avec les parents de deux enfants. (Voir annexe : 08/11)

    Ceux-ci me relatent les faits suivants : - Mme Adeline crie fort et est méchante - Elle utilise des mots grossiers et «maltraite» verbalement les enfants

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    • Sales gosses, petit con, ... - Elle exerce sur les enfants une pression en leur imposant le secret : «On ne peut pas le dire à papa et à maman, c'est un secret».

    Ils me disent que les enfants pleurent déjà le soir pour ne pas venir à l'école. Suite à cet entretien, j'ai rencontré madame Adeline et devant son refus de reconnaître les faits, elle m'a proposé de demander à madame Rebecca de la soutenir. Madame Rebecca, mal à l'aise, a néanmoins confirmé les dires des parents.

    Madame Adeline a alors reconnu les faits et s'est engagée, par écrit, à modifier son comportement. (Voir annexe du 08 11 11)

    En date du 21 novembre, Monsieur et Madame Clerbois, parents de Matteo autre enfant de la classe, me relatent les faits suivants, grâce à la mamy qui l'a rassuré en lui disant que les secrets n'étaient pas pour les mamys car l'enfant ne voulait pas se confier à ses parents disant que c'était secret : - Madame dit des gros mots • «putain» mais Madame Adeline dit : «On ne peut pas dire ça à papa et maman» - Elle maltraite verbalement les enfants • «Tu es méchant» - Elle secoue les enfants • Matteo dit : «Elle fait mal aux enfants» - Quand quelque chose ne va pas, Madame Adeline leur dit : «On ne peut pas le dire, c'est un secret»

    Le matin, si c'est Mme Rebecca qui les accueille, ils viennent sans pleurer mais s'ils voient Mme Adeline, ils pleurent et s'accrochent aux parents. Le papa de Matteo envisage de ne plus le mettre à l'école en 1ère maternelle et de le garder à la maison afin d'éviter les conflits. Il demande aussi pour que l'enfant soit vu par le PMS tant son comportement a changé à la maison depuis le mois de septembre : - Matteo (3 ans), casse ses jouets, crie et fait des colères ou encore s'isole et ne veut pas dire à ses parents ce qui le préoccupe.

    Les parents sont également soucieux du fait des absences répétées de Mme Adeline.

    En effet, il est difficile à gérer au sein de l'école, des absences de courtes durées ne permettant pas un remplacement et la puéricultrice se retrouve souvent seule pour gérer la classe. Ce qu'elle fait avec beaucoup de professionnalisme et de gentillesse.

    Pour essayer de résoudre cette situation délicate, je proposerais, dans un premier temps, de faire un entretien de fonctionnement en présence de Mathieu Collette et/ou Pierre Dehon afin de permettre à Mme Adeline de reprendre ses fonctions dans des dispositions favorables aux enfants et de rétablir un climat serein au sein de l'équipe. En effet, depuis son absence, il m'est revenu que l'ambiance de travail est plus sereine et une collègue souffrant de ne pouvoir parler (assimilant ce fait à de la délation), a pu arrêter de prendre des calmants.

    Reprise du rapport à la date du 9 décembre 2011

    À ce jour, le 09 décembre 2011, des parents me rapportent des faits d'une telle gravité que je leur demande de me les noter par écrit. Je sais qu'un papa a contacté Madame Lens.

    Madame Rebecca est complètement bouleversée et a enfin osé dire tout ce qu'elle avait sur le cœur. Je joins son rapport. (Les enfants reçoivent des fessées, elle a des chouchous et des boucs émissaires, elle rejette les enfants ne parlant pas le français, ...)

    Les parents rencontrés m'ont dit craindre le retour...

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