Décision judiciaire de Conseil d'État, 23 octobre 2013

Date de Résolution23 octobre 2013
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

nº 225.211 du 23 octobre 2013

G./A.200.430/VI-19.136

En cause : la société anonyme HULLBRIDGE ASSOCIATED,

ayant élu domicile chez

Me Frédéric GOSSELIN, avocat, rue de Clairveaux, nº 40/202, 1348 Louvain-La-Neuve,

contre :

1. la commune de Mettet, 2. la société coopérative à responsabilité limitée La Dinantaise,

ayant élu domicile chez

Me Eric BALATE, avocat, rue du Gouvernement, nº 50, 7000 Mons.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE CONSEIL D'ETAT, VIe CHAMBRE,

I. OBJET DE LA REQUETE

Par une requête introduite le 8 juillet 2011, la société anonyme HULLBRIDGE ASSOCIATED demande l'annulation des décisions du 25 mai 2011 prises par la commune de Mettet et la société coopérative à responsabilité limitée La Dinantaise attribuant le marché public relatif à la transformation de l’ancienne imprimerie Palate et du C.P.A.S. de Mettet en bureaux et en logements à la société anonyme LIXON.

II. PROCEDURE DEVANT LE CONSEIL D'ETAT

Un arrêt nº 214.047 du 22 juin 2011 a rejeté la demande de suspension.

Les mémoires en réponse et en réplique ont été régulièrement échangés.

M. le Premier auditeur au Conseil d'Etat, Eric THIBAUT, a rédigé un rapport.

VI – 19.136 - 1/24

Le rapport a été notifié aux parties. Elles ont déposé des derniers mémoires.

Une ordonnance du 9 septembre 2013, notifiée aux parties, fixe l'affaire à l'audience du 9 octobre 2013.

M. le Conseiller d'Etat, Paul LEWALLE, a exposé son rapport.

Me Frédéric GOSSELIN, avocat, comparaissant pour la partie requérante et Me Céline DELHOUX, loco Me Eric BALATE, avocat, comparaissant pour les parties adverses, ont présenté leurs observations.

Mme l'Auditeur au Conseil d'Etat, Elisabeth WILLEMART, a été entendue en son avis conforme.

Il est fait application du titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. EXPOSE DES FAITS

Les faits utiles à l'examen de la requête figurent dans l’arrêt n° 214.047 du 22 juin 2011.

IV. RECEVABILITE

En substance, les parties adverses font valoir que la soumission de la requérante a été déclarée irrégulière en raison de son incapacité de justifier certains prix apparemment anormalement bas, qu’un soumissionnaire se trouvant dans cette situation est sans intérêt à demander l’annulation de la décision d’attribution à moins que ce soumissionnaire évincé ne conteste l’appréciation ayant abouti à la déclaration d’irrégularité et qu’il y a lieu de vérifier la régularité de la décision d’agir.

En réplique, la requérante affirme que les parties adverses reconnaissent la recevabilité du recours.

Par les décisions attaquées, les parties adverses ont tenu l’offre de la requérante pour irrégulière.

VI – 19.136 - 2/24

Un soumissionnaire dont l’offre a été considérée comme irrégulière ne justifie pas d’un intérêt au recours en annulation de la décision d’attribution du marché à moins qu’il puisse établir que la décision de réputer son offre irrégulière est illégale ou qu’une offre, affectée d’une irrégularité qui aurait dû conduire à son écartement, a été retenue illégalement par l’autorité adjudicatrice.

L’exception est dès lors liée au fond.

V. PREMIER MOYEN

V. 1. Arguments des parties

La requérante prend un premier moyen "de la violation de l'arrêté royal du 8 janvier 1996 relatif aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services et aux concessions de travaux publics, notamment ses articles 25 et 110, de la violation de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, du défaut de motivation, et de l'excès de pouvoir".

La requérante soutient que les parties adverses concluent que le prix qu'elle a remis est anormalement bas pour le poste "H.V.A.C. Logements" et "H.V.A.C. Commune", sans respecter la procédure imposée par les dispositions visées au moyen, que l'écartement de l’offre dans une telle hypothèse est subordonné au respect de trois conditions, étant d'interroger le soumissionnaire, d'examiner ses justifications et de lui communiquer, sur sa demande et dans les quinze jours, les motifs de son éviction, qu'en l'espèce, elle a été invitée par le courrier de l’auteur de projet du 13 octobre 2010 à justifier 173 prix, ce qu’elle a fait dès le 22 octobre 2010 pour chacun des 173 postes, qu'elle a demandé la communication des motifs de son éviction dès le 11 janvier 2011, le lendemain de la réception de la première décision des parties adverses écartant son offre pour prix anormal, qu'elle n’a reçu que des bribes d’information à ce sujet, qu'elle a été contrainte de réclamer à trois reprises le rapport d’analyse des offres, toujours incomplet, la première partie adverse reconnaissant elle-même qu’elle ne disposait pas des annexes et tableaux fondant le rapport, que les parties adverses n’ont jamais expressément indiqué à la requérante les raisons pour lesquelles un de ses prix était anormal, que la seconde partie adverse ne s’est même jamais adressée à la requérante à ce propos, que ce n’est que le 25 mai 2011, soit plus de quatre mois après sa demande, qu'elle a été informée par les parties adverses, via les actes attaqués, de ce que, sur les 173 prix qu’elle a justifiés, un seul avait été estimé anormalement bas et avait déterminé le rejet de son offre, que c'est la première fois, à ce stade de la procédure d’attribution, que les parties adverses se réfèrent à une "lettre GEI adressée au bureau d’études RESO en date du 218/03/2011

VI – 19.136 - 3/24

[sic] et jointe au dossier", que le délai de quinze jours imposé par la réglementation n’a donc pas été respecté et que selon la législation européenne, il ne peut y avoir exclusion automatique du soumissionnaire lorsqu’un prix apparemment anormal est décelé par le pouvoir adjudicateur.

En substance, les parties adverses répondent que les annexes et tableaux fondant le rapport d’analyse des offres ont été communiqués à la requérante le 24 janvier 2011, que le rapport d’analyse des offres ne fait pas référence à des tableaux non communiqués ainsi que la requérante l’a affirmé indûment, que les parties adverses devaient considérer son offre comme irrégulière en raison de son incapacité à justifier ses prix, que l’essentiel de l’argumentation de la requérante tient à la violation d’un délai de quinze jours qu’elle affirme constituer une formalité substantielle dont le retard ne sera levé que par la délibération communiquée le 25 mai 2011, que l’argumentation relative à l’interdiction de l’exclusion automatique et fondée sur un arrêt de la Cour de justice n’a aucune pertinence car le moyen ne repose pas sur une exclusion automatique mais bien sur un éventuel retard de communication, qu’il y a eu interrogation des soumissionnaires et non une exclusion automatique, que le délai de quinze jours n’est pas une formalité substantielle puisqu’aucune conclusion du marché n’a eu lieu dans ce délai, que la délibération contient certes une référence erronée adressée au bureau d’études RESO, qu’il s’agit en réalité d’un renvoi au rapport d’analyse des offres, établi par le bureau d'études RESO, que, dans la procédure d’extrême urgence, ce moyen n’a pas été reconnu sérieux, que la requérante s’est bornée à reproduire les moyens de la demande de suspension d'extrême urgence et que l’appréciation du Conseil d’Etat doit être maintenue.

La requérante réplique que, au contentieux de l’annulation, l’essentiel est qu’il n’y ait pas de doute sur la règle dont la violation est alléguée, cette règle pouvant être contenue dans des dispositions formelles ou se dégager de la jurisprudence, que le moyen indique clairement une violation de deux articles et une méconnaissance de la jurisprudence qui en découle, que les parties adverses devaient indiquer la raison pour laquelle la justification de prix avancée n’avait pas été considérée comme pertinente, que l’information quant au caractère anormal des prix doit être donnée "dans les moindres délais", qu’il s’agit d’une formalité substantielle et qu’elle a demandé des renseignements complémentaires dès le 11 janvier 2011 tandis que l’acte attaqué a été pris le 25 mai 2011, soit plus de quatre mois après sa demande, sans avoir été informée avant l’acte attaqué des motifs de non-acceptation des justifications.

VI – 19.136 - 4/24

V.2. Décision du Conseil d'Etat

La requérante reste en défaut de préciser les dispositions qui auraient été méconnues et qui fonderaient l’obligation alléguée d’informer dans les quinze jours un soumissionnaire de ce que sa justification de prix n’a pas été retenue.

L’article 110 de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 précité comporte cinq paragraphes ayant des portées distinctes. Il appartenait à la requérante d’indiquer quel paragraphe aurait été méconnu par les parties adverses.

Il n’est pas contesté que le marché public en cause a fait l’objet d’une publication après l’entrée en vigueur de la loi du 23 décembre 2009 introduisant un nouveau livre relatif à la motivation, à l'information et aux voies de recours dans la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services et de l'arrêté royal du 10 février 2010 modifiant certains arrêtés royaux exécutant la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services.

L’article 25 de l’arrêté royal du 8 janvier 1996, tel qu’en vigueur au moment où les actes attaqués ont été accomplis, est sans application en l’espèce, en raison du montant du marché faisant l’objet du présent contentieux.

La violation alléguée de cette disposition n’est dès lors pas établie.

Quant aux autres dispositions dont la violation est soutenue, elles ne sont pas utilement invoquées dans la mesure où la requérante voit une illégalité dans le défaut de communication dans les quinze jours des motifs de son éviction et où tant la loi du 29 juillet 1991 que le principe général...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT