Décision judiciaire de Conseil d'État, 8 octobre 2013

Date de Résolution 8 octobre 2013
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

nº 225.013 du 8 octobre 2013

A. 208.782/XIII-6615

En cause : 1. GILIS Jacques, 2. VAN MINGEROET Ann, ayant tous deux élu domicile chez Me Philippe LEVERT, avocat, avenue Louise 149/22 1050 Bruxelles,

contre :

la Région wallonne,

représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez Me Bénédicte HENDRICKX, avocat, rue de Nieuwenhove 14 A 1180 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE PRESIDENT F.F. DE LA XIIIe CHAMBRE,

Vu la requête unique introduite le 10 mai 2013 par Jacques GILIS et Ann VAN MINGEROET qui demandent l'annulation et la suspension de l'exécution du permis d'urbanisme délivré par le Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du territoire et de la Mobilité pour la Région wallonne, le 22 février 2013, à Jacques WILLE et portant sur la construction d'une maison d'habitation et l'aménagement de ses abords sur un terrain sis rue de la Montagne à Jodoigne (Saint-Remy-Geest), cadastré section B, nº 437z;

Vu la note d'observations et le dossier administratif de la partie adverse;

Vu le rapport de M. DEBROUX, auditeur au Conseil d'Etat, rédigé sur la base de l'article 93 du règlement général de procédure;

Vu l'ordonnance du 15 juillet 2013 convoquant les parties à comparaître à l'audience publique du 11 septembre 2013 à 10 heures;

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Vu la notification de cette ordonnance et du rapport aux parties;

Entendu, en son rapport, M. PAQUES, conseiller d'Etat;

Entendu, en leurs observations, Me Philippe LEVERT, avocat, comparaissant pour les parties requérantes, et Me Yvan TOURNAY, loco Me B. HENDRICKX, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, M. DEBROUX, auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les éléments de la cause se présentent comme suit :

Le projet autorisé par l'acte attaqué a fait l'objet d'un premier permis d'urbanisme qui a été annulé par l'arrêt nº 207.669 du 27 septembre 2010.

Après cet arrêt, une nouvelle demande de permis d'urbanisme a été introduite par Jacques WILLE. Un nouveau permis a été délivré le 25 avril 2012. Il a été annulé par l'arrêt nº 221.657 du 6 décembre 2012.

Après l'arrêt d'annulation du 6 décembre 2012, des plans complétés ont été déposés. Une nouvelle enquête publique a été organisée à la demande du Gouvernement wallon du 28 janvier au 12 février 2013. Cent réclamations ont été introduites dont celles des requérants. Le 22 février 2013, l'acte attaqué a été adopté;

Considérant que l'auditeur chargé de l'instruction de l'affaire estime que celle-ci n'appelle que des débats succincts; qu'en son rapport déposé sur la base de l'article 93 de l'arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat, il conclut que le troisième moyen est fondé;

Considérant que les requérants prennent un troisième moyen de la violation des articles 113, 114, 330, 11º, 417, 419 et 422 Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme, du patrimoine et de l'énergie (CWATUPE), de l'incompétence de l'auteur de l'acte, de la violation des articles 1 à 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, de l'erreur et de la contradiction dans les motifs, de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'excès de pouvoir; qu'ils exposent que l'acte attaqué autorise la

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construction d'une habitation et l'aménagement de ses abords et accorde quatre dérogations au règlement général sur les bâtisses en site rural (R.G.B.S.R.); qu'ils notent à ce sujet :

- que les garages seront implantés sous le niveau du domaine public de la voirie en méconnaissance de l'article 419, b), du CWATUPE qui prescrit que "[l]es garages à rue se situeront de plain-pied avec le domaine public de la voirie";

- que certaines baies sont horizontales et ne respectent pas l'article 419, d), du

CWATUPE qui dispose que "[l']ensemble des baies sera caractérisé par une dominante verticale et totalisera une surface inférieure à celle des parties pleines des élévations, en ce non compris les toitures"; - que le projet est en recul par rapport à l'alignement alors que l'article 422, a), du

CWATUPE impose que le volume principal soit implanté soit sur l'alignement, parallèlement ou perpendiculairement à celui-ci, soit sur une limite parcellaire latérale, avec un recul non clôturé sur l'alignement et inférieur à une demi fois la hauteur sous gouttière du volume principal, soit avec un recul, depuis l'alignement, supérieur à une demi fois la hauteur sous gouttière du volume principal et avec un volume secondaire implanté sur l'alignement et éventuellement distinct du volume principal; - que le projet autorise "en fait quatre niveaux, si l'on tient compte du niveau du garage où devrait se trouver normalement l'accès de l'habitation, sinon trois niveaux, dont le dernier, le troisième, n'est en toute hypothèse pas engagé partiellement dans la toiture" alors que l'article 422, b), du CWATUPE dispose que "[...] La hauteur sous gouttière du volume principal sera équivalente au maximum à trois niveaux dont un partiellement engagé dans le volume de la toiture [...]";

qu'ils font valoir que les conditions de forme et de fond applicables aux dérogations n'ont pas été respectées; qu'ils critiquent les affirmations contenues dans l'acte attaqué relatives à la conformité du projet aux règlements et au bon aménagement des lieux, à son intégration au contexte bâti; qu'ils dénoncent des erreurs de fait et de droit qui constituent des erreurs manifestes d'appréciation et une motivation qui n'est ni suffisante, ni pertinente, ni légalement admissible;

Considérant qu'avant de développer leur critique systématique des dérogations, ils contestent l'interprétation que la partie adverse donne du R.G.B.S.R. et la manière dont elle conçoit les dérogations;

que sur le premier point, ils observent que l'acte attaqué reproduit intégralement des brochures explicatives du R.G.B.S.R.; qu'ils admettent que ces brochures peuvent servir d'interprétation au R.G.B.S.R. mais dénoncent l'application sélective que la

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partie adverse en fait, qui ne peut pas "choisir à son gré ce qui lui convient pour tenter de motiver l'acte attaqué et trouver dans ces documents les objectifs qui lui conviennent"; qu'ils citent les objectifs exprimés par ces brochures (encadrer la manière de construire en respectant les caractéristiques locales, spécifiques au terroir; contribuer à perpétuer l'identité territoriale à Saint Rémy Geest; assurer au village une cohérence urbanistique sans empêcher la création architecturale de qualité et permettre la conception d'habitations correspondant aux modes de vie contemporains) et estiment que la partie adverse a eu une toute autre préoccupation;

que, quant à la manière de concevoir les dérogations, ils reprochent à la partie adverse de méconnaître la portée de l'article 114 du CWATUPE; qu'ils rappellent le caractère exceptionnel des dérogations octroyées en vertu de l'article 114 et énumèrent les obligations qui en découlent pour l'autorité : qu'elle doit en faire usage modéré, qu'elle doit exprimer la nécessité de recourir à la dérogation pour la réalisation optimale d'un projet bien spécifique en un endroit bien précis, qu'elle ne peut pas déroger par facilité mais doit d'abord examiner si la règle peut être appliquée; qu'ils concluent en ces termes :

" [...]

Autrement dit, pour justifier l'octroi de ces quatre dérogations, il faut donc que la décision fasse apparaître la réelle impossibilité de concevoir une maison d'habitation sur le terrain litigieux conforme au RGBSR et faire apparaître la plus-value apportée par le choix de l'implantation, du gabarit, et des dérogations nécessaires au niveau du bon aménagement du territoire et l'intérêt qu'il y a à les accorder plutôt que de concevoir un projet conforme aux dispositions à valeur réglementaire.

[...]";

qu'ils signalent que les quatre dérogations accordées ne sont pas des questions de détails; qu'à leurs yeux, il y a lieu d'examiner si les dérogations étaient nécessaires pour intégrer encore mieux le projet et respecter les objectifs du R.G.B.S.R.; qu'ils décrivent le site comme étant au cœur du village, à 70 m de l'église et de la place, un îlot préservé au niveau architectural, un terrain particulièrement visible de la principale voie d'accès et faisant partie d'une vue panoramique magnifique sur le village et son église, dans un chemin creux pittoresque, une rue en pavés en forte pente encaissée entre deux talus d'une largeur de 4 m s'élargissant vers le bas; qu'ils dépeignent aussi la maison de la deuxième requérante située juste en face comme un bâtiment sans modification ni du volume ni de l'implantation depuis l'origine début 1900, deux entités autour d'une cour en pavés dont l'habitation dans un bâtiment en L composé d'un rez + étage sous toiture et un bâtiment à front de voirie composé d'un rez dans le talus + un étage + toiture;

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Considérant, quant à la première dérogation relative à l'accès au garage; qu'ils reproduisent l'acte attaqué, un extrait de l'article 419, b), du CWATUPE ("les garages à rue doivent se situer de plain-pied avec le domaine public de la voirie") ainsi que la brochure éditée par la Région wallonne et consacrée à Saint-RémyGeest qui indique que pour s'intégrer au relief il faut respecter le relief du sol et que les accès à l'habitation et au garage seront de plain-pied avec la rue moyennant une légère pente d'ajustement dans le cas d'un terrain en pente; que, quant à l'implantation, ils reproduisent un extrait de la brochure consacrée au R.G.B.S.R. qui montre une implantation perpendiculaire avec accès latéraux au garage et à la maison à des niveaux adaptés à la pente du terrain; qu'ils reprennent ensuite les plans...

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