Décision judiciaire de Conseil d'État, 26 juillet 2013

Date de Résolution26 juillet 2013
JuridictionXV
Nature Arrêt

CONSEIL D’ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

A R R Ê T

nº 224.404 du 26 juillet 2013

A. 209.136/XV-2291

En cause : BAFUMO Salvatore, ayant élu domicile chez Me N. PLUMAT, avocat, rue des Alliés 1 7080 Frameries,

contre :

l’État belge, représenté par le Ministre de l’Intérieur. -----------------------------------------------------------------------------------------------------

LE PRÉSIDENT F.F. DE LA XV e CHAMBRE SIÉGEANT EN RÉFÉRÉ,

Vu la requête unique introduite le 5 juin 2013 par Salvatore Bafumo, en ce qu’elle tend à la suspension de l’exécution de la décision de la ministre de l’Intérieur du 8 avril 2013 lui refusant la carte d’identification d’agent de gardiennage;

Vu le dossier administratif et la note d’observations déposée par la partie adverse;

Vu le rapport de M. Chr. AMELYNCK, premier auditeur au Conseil d’État;

Vu l’ordonnance du 2 juillet 2013 fixant l’affaire à l’audience du 16 juillet 2013 à 9 heures 30;

Vu la notification aux parties du rapport et de l’avis de fixation à l’audience;

Entendu, en son rapport, M. I. KOVALOVSZKY, conseiller d’État, président de chambre f.f.;

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Entendu, en leurs observations, Me N. PLUMAT, avocat, comparaissant pour le requérant, et Mme A.-L. DE CREM, attaché, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, M. Chr. AMELYNCK, premier auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l’examen de la cause se présentent comme suit:

Le requérant est né le 16 mai 1988. En mars et avril 2011, il suit une formation d’agent de gardiennage, dispensée par la s.a. G4S Training Services, conformément à l’article 12 de l’arrêté royal du 21 décembre 2006 relatif aux conditions en matière de formation et d’expérience professionnelles, aux conditions en matière d’examen psychotechnique pour l’exercice d’une fonction dirigeante ou d’exécution dans une entreprise de gardiennage ou un service interne de gardiennage et relatives à l’agrément des formations et réussit l’examen organisé à l’issue de celle-ci.

À une date indéterminée, la s.p.r.l. Be Security introduit auprès de la partie adverse une demande en vue d’obtenir, pour le requérant, une carte d’identification d’agent de gardiennage. La s.p.r.l. Russo Security introduit ensuite une demande ayant le même objet.

Au terme de la procédure administrative ainsi initiée, et dont le déroulement ne présente pas d’intérêt pour se prononcer sur la demande de suspension, la ministre de l’Intérieur prend, le 8 avril 2013, la décision suivante:

[...]

Les interventions des entreprises de gardiennage et de leur personnel ont un rapport étroit avec l’ordre public et sont, dès lors, particulièrement délicates. C’est pourquoi, le législateur a tenu à s’assurer que les personnes qui exercent des activités de gardiennage -activités qui sont traditionnellement du ressort d’autorités publiques -soient des individus dignes de confiance. Afin de pouvoir exercer des activités de gardiennage, vous devez par conséquent satisfaire aux conditions fixées à l’article 6 de la loi du 10 avril 1990.

Une de ces conditions est fixée par l’article 6, alinéa 1er, 8° de la loi précitée. Cet article stipule que les personnes qui exercent une fonction d’exécution au sein d’une entreprise de gardiennage doivent satisfaire aux conditions de sécurité nécessaires à l’exercice de celle-ci et ne pas avoir commis de faits qui, même s’ils n’ont pas fait l’objet d’une condamnation pénale, portent atteinte â la confiance en l’intéressé, parce qu’ils constituent un manquement grave à la déontologie professionnelle ou une contre-indication au profil souhaité, tel que visé à l’article 7, § 1erbis.

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Sont donc également visés les faits qui, pour un citoyen, ne sont peut-être pas si graves et n’ont dés lors pas été sanctionnés par un juge pénal, mais qui revêtent de l’importance pour une personne active dans le secteur du gardiennage.

Ledit profil défini à l’article 7, § 1erbis de la loi est caractérisé par : 1° le respect pour les droits fondamentaux des concitoyens 2° l’intégrité 3° une capacité à faire face à un comportement agressif de la part de tiers et à se maîtriser dans de telles situations 4° l’absence des liens suspects avec le milieu criminel.

Il doit donc être vérifié, pour chaque agent de gardiennage, qu’il présente le profil requis pour travailler dans ce secteur.

Après que vous y ayez consenti, une enquête sur les conditions de sécurité vous concernant a été réalisée par les services de police et a révélé, dans votre chef, un certain nombre de renseignements de nature judiciaire et administrative ainsi que des données professionnelles qui sont importants dans le cadre de l’appréciation des conditions de sécurité visées à l’article 6, alinéa 1, 8° de la loi précitée et qui font l’objet du rapport de l’officier de police en charge de cette enquête.

Le rapport d’enquête, daté du 2 février 2012, fait, notamment, état des dossiers suivants : • Procès-verbal MO.4314.20726/10 du 22 septembre 2010 dressé par la Zone de Police de Colfontaine votre charge pour des faits de coups et blessures volontaires réciproques (bagarre) et menace, sans ordre ou condition, par gestes ou emblèmes.

• Procès-verbal MO.4314.1609/08 du 22 janvier 2008 dressé par la Zone de Police de Colfontaine à votre charge pour des faits de coups et blessures volontaires.

• Procès-verbal MO.4311.13446/08 du 31 mai 2008 dressé par la Zone de Police de Mons à votre charge pour des faits de coups et blessures volontaires réciproques (bagarre).

• Procès-verbal BR.45.L4.126472/04 du 1er novembre 2004 dressé par la Zone de Police Boraine à votre charge pour des faits de menace verbale directe, avec ordre ou sous condition.

Sur la base de ce rapport, la Commission «enquête sur les

conditions de sécurité

a émis son avis le 7 février 2012. Elle a estimé que vous ne satisfaisiez pas aux conditions de sécurité et qu’une procédure visant au refus de carte d’identification devait être initiée.

Vous avez été mis au courant de ces faits et de l’éventualité d’un refus d’octroi de votre carte d’identification d’agent de gardiennage par un courrier recommandé du 17 avril 2012. Vous avez été informé que vous pouviez, durant toutes les phases de la procédure, vous faire assister par un conseil de votre choix. Il a également été porté à votre connaissance que vous disposiez, d’une part, d’un délai de 15 jours ouvrables à compter de la date de réception de cette lettre pour prendre connaissance de votre dossier et en recevoir une copie et, d’autre part, d’un délai de 40 jours ouvrables pour faire valoir vos moyens de défense par courrier recommandé à la poste.

Par courriers des 8 et 25 juin 2012, votre Conseil, Maitre Noël PLUMAT, nous a fait parvenir vos moyens de défense.

À titre liminaire :

Le rapport d’enquête relative aux conditions de sécurité relève l’existence du procès-verbal BR.4514.126472/04 du 1er novembre 2004 dressé par la Zone de Police Boraine à votre charge pour des faits de menace verbale directe, avec ordre ou sous condition.

Il ressort de l’analyse de ce procès-verbal que celui-ci est trop ancien et je n’en tiens donc pas compte dans le cadre de mon appréciation concernant les conditions de sécurité auxquelles vous devez satisfaire.

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Le procès-verbal MO.4314.1609/08 du 22 janvier 2008 a été dressé par la Zone de Police de Colfontaine à votre charge pour des faits de coups et blessures volontaires.

Les faits peuvent être résumés comme suit :

Le plaignant, Martorana, se présente au poste de police et relate qu’il vient de se faire agresser et que l’auteur a pris la fuite à pied. Prévenue par radio, une patrouille se souvient d’avoir croisé quelques minutes auparavant un individu correspondant à la description. Elle retrouve le piéton. Lorsqu’elle l’aborde, elle constate qu’il saigne abondamment au niveau du crâne et qu’il titube. Les policiers identifient Brohée et comme celui-ci ne se sent pas bien, ils appellent une ambulance. Brohée signale avoir reçu des coups de la part de plusieurs personnes. Un témoin signale que les auteurs sont à bord d’une BMW dont il donne l’immatriculation. Le plaignant confirme que les auteurs sont montés dans une voiture de marque BMW.

Cette voiture et ses occupants, dont vous, sont interpellés peu après. Une matraque télescopique est découverte dans la voiture. Vous êtes ramenés au commissariat pour audition.

Des déclarations, il ressort que Brohée a croisé Martorana qu’il soupçonne d’avoir une relation amoureuse avec sa petite amie, Jenart. Au cours de la discussion, Martorana avoue à Brohée qu’il entretient une liaison avec Jenart. Brohée sort alors une barre de fer et porte un coup à la tête de Martorana. C’est un déchausseur de pneu de marque Facom. Il s’agit d’un outil en acier d’environ 50 cm de long...

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