Décision judiciaire de Conseil d'État, 27 février 2013

Date de Résolution27 février 2013
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

nº 222.651 du 27 février 2013

G./A.207.867/VI-19.891

En cause : la société privée à responsabilité limitée

ABC ETUDES ET CONSTRUCTIONS,

ayant élu domicile chez

Mes François VISEUR et Véronique VANDEN ACKER, avocats, boulevard Louis Schmidt, nº 29, 1040 Bruxelles,

contre :

la société coopérative à responsabilité limitée Intercommunale pour la gestion et la réalisation d'études techniques et économiques, en abrégé IGRETEC,

ayant élu domicile chez

Me Jean BOURTEMBOURG, avocat, rue de Suisse, nº 24, 1060 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE PRESIDENT F.F. DE LA VIe CHAMBRE DU CONSEIL D'ETAT, SIEGEANT EN REFERE,

I. OBJET DE LA REQUETE

Par une requête introduite le 4 février 2013, la société privée à responsabilité limitée ABC ETUDES ET CONSTRUCTIONS sollicite, selon la procédure d'extrême urgence, la suspension de l'exécution de :

" la décision de la partie adverse du 11 décembre 2012 par laquelle elle décide, dans le cadre d'un marché public de travaux portant sur la construction d'ateliers relais, de bureaux passifs, d'aménagement de parkings et d'aménagement des abords, portant le numéro 2012/32 (CSCh n° 47.950) [lire : 47.590] :

• D'écarter l'offre de la requérante au stade de la sélection qualitative; • D'attribuer le marché à un autre soumissionnaire, dont le nom n'est pas connu de la partie requérante.".

II. PROCEDURE DEVANT LE CONSEIL D'ETAT

Une ordonnance du 5 février 2013, notifiée aux parties, convoque celles-ci à comparaître le 19 février 2013 à 10 heures 30.

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La partie adverse a fait parvenir une note d'observations et le dossier administratif.

Par un courrier recommandé du 15 février 2013 la partie requérante a déposé un complément à sa requête, développant deux nouveaux moyens.

M. le Conseiller d'Etat, Président f.f., Yves HOUYET, a exposé son rapport.

Me François VISEUR, avocat, comparaissant pour la partie requérante et Me Cyrille DONY, loco Me Jean BOURTEMBOURG, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont présenté leurs observations.

M. le Premier auditeur chef de section au Conseil d'Etat, Bernard DEROUAUX, a été entendu en son avis conforme.

Il est fait application du titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. EXPOSE DES FAITS

Les faits utiles à l’examen du recours sont les suivants :

Le 14 juillet 2012, la partie adverse publie dans le Bulletin des adjudications un avis relatif à la passation par adjudication publique d’un marché public concernant des travaux à réaliser dans le périmètre de l’aéropole de Charleroi. Un avis est également publié dans le supplément au Journal officiel de l’Union européenne le 18 juillet 2012.

Dix offres sont présentées à la partie adverse le 12 octobre 2012.

Le 11 décembre 2012, la partie adverse décide d’écarter l’offre de la requérante en raison du fait qu’elle ne répond pas à certaines exigences relatives à la sélection qualitative et d’attribuer le marché public concerné à la société anonyme BEMAT. Il s’agit de l’acte attaqué.

La partie adverse confirme cette décision le 14 janvier 2013.

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IV. PREMIER MOYEN

IV. 1. Arguments des parties

A. Requête

La requérante soulève un premier moyen pris "de l'excès de pouvoir, de l'erreur manifeste de fait, de la violation de la loi du 24 [lire : 29] juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs, en particulier ses articles 2 et 3, de l'erreur manifeste d'appréciation, de la violation des articles 16 à 20 de l'A.R. du 8 janvier 1996 et du prescrit du Cahier spécial des charges (particulièrement le point 12.2) et du principe général de droit de minutie".

Elle soutient que :

" (a) Exigence du cahier spécial des charges en termes de capacité technique

14. Le Cahier spécial des charges (pièce 5) liste, en pages 10 et 11, les documents à fournir par les différents soumissionnaires pour faire état de leur capacité technique, économique et financière à exécuter le marché.

Pour attester de cette capacité technique, il faut, entre autre, établir une «liste des travaux exécutés au cours des cinq dernières années et comprenant au moins 5 chantiers dont une référence en bâtiment de type "passif" ou "basse énergie", cette liste étant appuyée de certificats de bonne exécution pour les travaux les plus importants».

15. L'exigence du CSCh est donc la suivante :

• Fournir une liste de travaux exécutés au cours des cinq dernières années; • Cette liste doit comporter au moins 5 chantiers; • Cette liste doit comporter une référence en bâtiment de type passif ou basse énergie; • Les travaux les plus importants de cette liste doivent être appuyés de certificats de bonne exécution.

Le CSCh ne demande en aucun cas que :

• Les cinq chantiers soient, tous, appuyés de certificats de bonne exécution.

En effet, il est demandé que les travaux les plus importants soient appuyés de certificats de bonne exécution, sans qu'il ne soit précisé combien de certificats devaient être remis.

• La référence en bâtiment de type «passif» ou «basse énergie» soit appuyée par un certificat.

En effet, il n'est absolument pas demandé que la référence en bâtiment de type «passif» ou «basse énergie» soit une référence relative à un chantier parmi les plus importants de la liste, ni qu'un certificat soit remis pour ce chantier en particulier.

16. Par ailleurs, le cahier spécial des charges exige uniquement que ces références soient données par les soumissionnaires. Aucune forme particulière n'est demandée quant à la fourniture de ces références. Ainsi, il n'est pas demandé

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d'indiquer quel projet parmi les références données est un projet passif ou basse énergie. Il n'est pas non plus demandé, pour ce projet particulier, d'indiquer en quoi ce projet est passif ou basse énergie.

(b) Documents fournis par la partie requérante dans son offre

17. La partie requérante fait état, dans la 15e partie de son offre «Liste des travaux de référence + certificats de bonne ex.», d'une liste de référence non limitative des principaux chantiers qu'elle a effectué depuis les années 1990-1991.

La requérante présente une liste de 74 références, dont 12 références pour la période 2008-2012 pour des valeurs allant de 418.133,00 EUR à 7.729.000,00 EUR.

18. Elle présente, à l'appui de ces références, 11 certificats de bonne exécution dont la plupart concernent des travaux d'une valeur de plus d'un million d'euros.

(c) Référence à un immeuble de type passif ou basse énergie

19. Par ailleurs, une des références fournie par la requérante constitue pourtant un chantier de type «basse énergie» : le chantier réalisé pour la construction du siège social de l'ASBL Adhesia Services, en 2009-2010, Rue Antoine de Saint Exupéry 8 à 6041 Charleroi.

Le chantier a une valeur de 1.199.646,63 EUR.

La bonne exécution de ce chantier est attestée par un certificat, joint à l'offre de la requérante.

Le caractère «basse énergie» du projet, qui n'était pas spécifié sur l'attestation annexée à l'offre de la requérante, est confirmé par un courrier du 23 janvier 2013 de Monsieur Robert Bassetto, architecte du projet :

Suite à votre appel téléphonique de ce 23 janvier 2013, nous vous confirmons que le bâtiment ADHESIA est du type basse énergie, avec isolation, chauffage, ventilation, climatisation double flux, avec récupération d'énergie; le tout alimenté par des pompes à chaleur.

Le bâtiment dispose également de pare-soleil afin d'éviter la surchauffe et la toiture est réalisée avec une membrane blanche qui permet de réduire les apports solaires

.

20. C'est donc à tort qu'IGRETEC a considéré que la requérante n'avait pas fourni, comme demandé au point 12.2 du CSCh, une référence en bâtiment de type «basse énergie».

IGRETEC a commis une erreur manifeste de fait. Le moyen est sérieux.

(d) Absence d'indication explicite de l'aspect «basse énergie» du projet

21. Certes, aucune indication particulière dans l'offre de la requérante ne permet de déceler que le projet basse énergie présenté par la requérante est l'immeuble Adhésia.

Cependant, cela ne permet pas à IGRETEC de considérer valablement que la requérante ne répond pas aux conditions minimales émises quant à la capacité technique des soumissionnaires.

En effet :

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• Aucune forme particulière n'était exigée dans le CSCh pour faire état de l'expérience dans la construction d'immeubles passifs ou basse énergie;

• IGRETEC devait savoir que l'immeuble Adhésia, repris dans la liste d'expérience de la requérante, était un projet basse énergie compte tenu de son implantation au sein d'une zone d'activité économique gérée par IGRETEC;

• Le CSCh autorisait explicitement IGRETEC à interroger la requérante en cas de doute; les exigences du principe de minuties auraient dû obliger IGRETEC, compte tenu de ce qui précède, à au moins interroger la requérante sur ce point.

(i) Absence d'exigence de forme dans le CSCh pour faire état de l'expérience technique des soumissionnaires

22. Le CSCh est relativement clair à cet égard : les soumissionnaires doivent remettre une liste de références comprenant au moins 5 chantiers au cours des cinq dernières années, dont un au moins est un bâtiment de type passif ou basse énergie.

En aucun cas le CSCh n'exige que ledit projet soit mis en évidence d'une façon ou d'une autre, ni qu'un détail des raisons pour lesquelles l'immeuble construit est de type passif ou basse énergie. Seule la référence est demandée.

Par ailleurs, le CSCh n'impose pas que les certificats de bonne exécution, qui doivent être fournis pour les projets les plus importants, concernent le projet de bâtiment passif ou basse énergie.

23. Dans ces conditions, pour satisfaire aux exigences du CSCh sur ce point, les soumissionnaires devaient uniquement mentionner, dans leur liste de référence, une référence portant sur un projet basse énergie.

En l'espèce, c'est bien...

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