Décision judiciaire de Conseil d'État, 12 décembre 2012

Date de Résolution12 décembre 2012
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

nº 221.723 du 12 décembre 2012

A. 201.397/XIII-5969

En cause : 1. INGRAO Eric, 2. ROTULO Giuseppe, 3. VIENNE Eric, 4. LEKEUX Carl, ayant tous élu domicile chez Me Benoît HAVET, avocat, allée de Clerlande 3 1340 Ottignies-Louvain-la-Neuve,

contre :

  1. la Commune de Lens, ayant élu domicile chez Me Nicolas DUBOIS, avocat, rue de Bruxelles 37 1300 Wavre,

  2. la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez Mes Pierre LAMBERT et Bénédicte HENDRICKX, avocats, rue de Nieuwenhove 14 A 1180 Bruxelles.

    ------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE CONSEIL D'ETAT, XIIIe CHAMBRE,

    Vu la requête unique introduite le 12 août 2011 par Eric INGRAO, Giuseppe ROTULO, Eric VIENNE et Carl LEKEUX en ce qu'ils demandent l'annulation du permis d'urbanisme délivré le 6 juin 2011 par le collège communal de la commune de Lens à Christine TSHABU ILUNGA, relatif à un bien sis à Lens, rue de la Garde, cadastré 1ère division, section B, n° 99a et ayant pour objet la construction d'une résidence de 20 appartements, destinée à accueillir des personnes âgées;

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    Vu l'arrêt nº 216.711 du 7 décembre 2011 rejetant la demande de suspension de l'exécution de l'acte attaqué et réservant les dépens;

    Vu la notification de l'arrêt aux parties;

    Vu la demande de poursuite de la procédure introduite le 9 janvier 2012 par Eric INGRAO et Carl LEKEUX;

    Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

    Vu le rapport de Mme LEYSEN, premier auditeur au Conseil d'Etat, établi sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure;

    Vu la notification du rapport aux parties et le dernier mémoire des première et quatrième parties requérantes;

    Vu l'ordonnance du 14 septembre 2012, notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience du 22 novembre 2012 à 09.30 heures;

    Entendu, en son rapport, M. PAQUES, conseiller d'Etat;

    Entendu, en leurs observations, Me B. HAVET, avocat, comparaissant pour les parties requérantes, Me G. WINAND, loco Me N. DUBOIS, avocat, comparaissant pour la première partie adverse, et Me Y. TOURNAY, loco Mes P. LAMBERT et B. HENDRICKX, avocat, comparaissant pour la seconde partie adverse;

    Entendu, en son avis conforme, Mme LEYSEN, premier auditeur;

    Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

    Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande se présentent comme suit :

  3. Le 12 janvier 2011, Christine TSHABU ILUNGA introduit une demande de permis d'urbanisme auprès du collège communal de Lens en vue de construire une résidence de 20 appartements destinée à accueillir des personnes âgées, sur un bien sis rue de la Garde à Lens et cadastré section B, n° 99a. Il s'agit de la quatrième demande qu'elle introduit relativement à ce bien, les trois précédentes n’ayant pas abouti.

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    Le bien est inscrit en zone d'habitat sur 50 mètres de profondeur, au-delà en zone agricole au plan de secteur de Mons-Borinage du 9 novembre 1983.

    Les quatre requérants sont respectivement domiciliés rue de la Garde nos 21, 23, 25 et 27.

  4. Le 31 janvier 2011, la commune de Lens délivre un accusé de réception du dossier complet de la demande.

  5. Une enquête publique est organisée du 7 février 2011 au 23 février 2011. Elle suscite plus d'une centaine de lettres de réclamations individuelles ainsi qu'une pétition recueillant 79 signatures.

  6. Le 23 février 2011, la commission consultative communale d'aménagement du territoire et de mobilité (C.C.A.T.M.) émet un avis défavorable sur la demande.

  7. Le 28 février 2011, le commissaire voyer émet un avis favorable sur la demande moyennant diverses adaptations ainsi qu'une modification de la demande en ce qui concerne les parkings.

  8. Le 4 mars 2011, le comité de défense du cadre de vie de Lens adresse au fonctionnaire délégué une note argumentée contre le projet.

  9. Le 18 mars 2011, l'auteur de projet transmet au service d'urbanisme de la commune de Lens un plan d'implantation modificatif qui annule et remplace le précédent, afin de répondre aux remarques du commissaire voyer.

  10. Le 28 mars 2011, le collège communal émet un avis favorable conditionnel sur la demande.

  11. Le 19 avril 2011, le comité de défense du cadre de vie de Lens adresse au Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du territoire et de la Mobilité une note argumentée contre le projet.

  12. Le 3 mai 2011, le fonctionnaire délégué donne un avis défavorable sur la demande.

  13. Le 12 mai 2011, l'auteur de projet communique au collège communal de Lens une "note d'intention" à la suite de cet avis défavorable.

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  14. Le 6 juin 2001, le collège communal délivre le permis d'urbanisme sollicité.

    Il s'agit de l'acte attaqué.

  15. Le 16 juin 2011, cette décision est notifiée au comité de défense du cadre de vie de Lens, à l'adresse de Eric INGRAO, en sa qualité d'initiateur de la pétition "internet" contre le projet;

    Considérant que Giuseppe ROTULO et Eric VIENNE n'ont pas demandé la poursuite de la procédure après l'arrêt n° 216.711 du 7 décembre 2011 qui a rejeté la demande de suspension de l'exécution de l'acte attaqué; qu'en conséquence, en application de l'article 15ter de l'arrêté royal du 5 décembre 1991 déterminant la procédure en référé devant le Conseil d'Etat, il y a lieu de décréter le désistement d'instance à leur égard;

    Considérant que les requérants prennent un premier moyen de l'incompétence de l'auteur de l'acte, de la violation des articles 84, 107 et 127 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme, du patrimoine et de l'énergie (CWATUPE), des articles 1er à 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, de l'erreur, de l'insuffisance dans les motifs, ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation; que les requérants font valoir que les équipements de services publics et communautaires font l'objet de permis délivrés par le fonctionnaire délégué selon la procédure prévue à l'article 127 du CWATUPE; qu'ils soutiennent, en substance, que, bien qu'ayant un objectif commercial, le projet concerne un équipement communautaire puisque son but est de remplir un rôle social tendant à permettre aux personnes vieillissantes de vivre dans un espace adapté pour leur laisser la possibilité de poursuivre une vie indépendante sans les contraintes de la vie quotidienne; que, selon eux, soit le projet ne constitue pas un équipement communautaire et la compatibilité du projet avec la destination principale de la zone devait être étudiée, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce, soit il s'agit d'un équipement communautaire et seul le fonctionnaire délégué était alors compétent pour connaître de la demande; qu'ils estiment que le raisonnement tenu dans l'acte attaqué est en tout état de cause incompréhensible en ce qui concerne cette problématique; qu'ils ajoutent que, dans le cadre d'une précédente demande et vu l'aspect social du projet, la demanderesse de permis avait introduit une demande sur pied de l'article 127 du CWATUPE et que tant le collège communal que le fonctionnaire délégué avaient alors considéré que ce projet constituait un équipement communautaire, même si le fonctionnaire délégué avait refusé le permis pour d'autres motifs; qu'ils concèdent que le Ministre de

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    l'Environnement, de l'Aménagement du territoire et de la Mobilité avait considéré que le projet ne constituait pas un équipement communautaire en raison de son caractère privé et commercial, mais soutiennent que, ce faisant, le Ministre a commis une erreur de droit;

    Considérant que, dans leur mémoire en réplique, les requérants se réfèrent à l’arrêt A.S.B.L. ASSOCIATION INTER-QUARTIERS DE WATERLOO "DANS MA RUE", n° 214.888, du 29 août 2011, où le Conseil d’Etat a jugé qu’une résidence intergénérationnelle comprenant une résidence service, une maison de repos et des logements à bas prix constitue un équipement communautaire; qu’ils observent que, en l’espèce, l’acte attaqué prévoit un projet de résidence-service extrêmement similaire; qu’ils font valoir que ces résidences-services à vocation sociale et à prix réduit sont ou ne sont pas des équipements communautaires et qu’elles ne peuvent, à partir du moment où elles ont un but social et un but de lucre, être une fois considérées comme équipement communautaire et une fois considérées comme ne faisant pas partie de cette catégorie mais comme un équipement commercial en fonction de la subjectivité des autorités d’autant plus qu’il s’agit d’une norme répartitrice de compétence; qu’ils soutiennent que, en l’espèce, il s’agit d’un équipement communautaire bien que l’autorité ait appréhendé le projet sous l’angle commercial et que, contrairement à la situation prise en compte dans l’arrêt précité, l’acte attaqué prévoit de réserver un cinquième de la capacité d’accueil en concertation avec le centre public d'aide sociale (C.P.A.S.) local; qu’ils estiment que le Conseil d’Etat a jugé, dans l’arrêt précité, que si les logements prévus avaient été des logements sociaux, aucune dérogation à la zone de services publics et d’équipements communautaires n’aurait été nécessaire et que les logements sociaux doivent en effet être considérés comme des équipements communautaires; qu’ils notent que le promoteur s’engage ici à maintenir un cinquième de sa capacité d’accueil en concertation avec le C.P.A.S., ce qui démontre, à leurs yeux, que le but de lucre n’est pas le motif principal de la réalisation de ce projet, qu’il s’agit d’un élément accessoire, que l’objectif poursuivi par la construction de ce bâtiment revêt un caractère social (maison-résidence pour personnes âgées) qui est de rendre une partie de ces logements accessibles à des conditions raisonnables (un cinquième des logements réservé pour le C.P.A.S. local), c’est-à-dire accessible pour les personnes qui ne disposent pas des moyens nécessaires...

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