Décision judiciaire de Conseil d'État, 22 novembre 2012

Date de Résolution22 novembre 2012
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

nº 216.388 du 22 novembre 2011

G./A.202.311/VI-19.302

En cause : la société de droit anglais AXELL WIRELESS

LIMITED COMPANY,

ayant élu domicile chez

Mes Vincent OST et François TULKENS, avocats, chaussée de la Hulpe, nº 120, 1000 Bruxelles,

contre :

la société anonyme de droit public ASTRID,

ayant élu domicile chez

Me Jean-François DE BOCK, avocat, chaussée de Waterloo, n° 612, 1050 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE PRESIDENT F.F. DE LA VIe CHAMBRE DU CONSEIL D'ETAT, SIEGEANT EN REFERE,

I. OBJET DE LA DEMANDE

Par une demande introduite le 3 novembre 2011, la société de droit anglais AXELL WIRELESS LIMITED COMPANY tend, selon la procédure d'extrême urgence, à la suspension de l'exécution de "la décision de date inconnue de la SA de droit public ASTRID d'adopter le cahier spécial des charges «n° E-A-1248 relatif à la réalisation d'un contrat ouvert concernant la livraison de repeaters TETRA et la fourniture des services y afférents»" et de "la décision du 7 octobre 2011 de la SA de droit public ASTRID de rejeter son offre et d'attribuer à un autre soumissionnaire (non identifié), le marché «E-A-1248 contrat ouvert repeaters»".

II. PROCEDURE DEVANT LE CONSEIL D'ETAT

Une ordonnance du 4 novembre 2011, notifiée aux parties, convoque celles-ci à comparaître le 14 novembre 2011 à 10 heures.

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La partie adverse a fait parvenir une note d'observations et le dossier administratif.

M. le Conseiller d'Etat, Président f.f., Yves HOUYET, a exposé son rapport.

Me Vincent OST, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Mes Peter FLAMEY, Joost BOSQUET et Jean-François DE BOCK, avocats, comparaissant pour la partie adverse, ont présenté leurs observations.

M. le Premier auditeur au Conseil d'Etat, Eric THIBAUT, a été entendu en son avis contraire.

Il est fait application du titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. EXPOSE DES FAITS

Les faits utiles à l’examen du recours sont les suivants :

A une date indéterminée, la partie adverse adopte un cahier spécial des charges n° E-A-1248 relatif à la réalisation d'un contrat ouvert concernant la livraison de repeaters TETRA et la fourniture des services y afférents. Il s’agit du premier acte attaqué.

Le 30 juin 2011, la partie adverse publie au Bulletin des adjudications un avis relatif à la passation, par appel d’offres, d'un marché public de fournitures dont l’objet est décrit comme suit: "ASTRID souhaite conclure un contrat ouvert d'une durée de 5 ans couvrant l'acquisition de repeaters TETRA et d'un système de contrôle et de monitoring associé".

Un avis identique est publié au supplément au Journal officiel de l’Union européenne le 5 juillet 2011.

Le 12 septembre 2011, la partie adverse procède à l’ouverture des offres. Cinq offres sont soumises dont l’une par la requérante.

Le 7 octobre 2011, la partie adverse établit un rapport d’analyse des offres.

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Le 19 octobre 2011, la partie adverse décide que l’offre de la requérante est irrégulière. Il s’agit du deuxième acte attaqué.

Elle décide également d’attribuer le marché public concerné à la société SAIT ZENITEL. Il s’agit du troisième acte attaqué.

IV. RECEVABILITE

IV. 1. Note d’observations

A. La partie adverse soulève une première exception d’irrecevabilité. Elle expose ce qui suit :

" 14. En l’espèce, il apparaît que le recours a été introduit par courrier du 3 novembre

2011.

En ce qu’il est dirigé contre le cahier des charges, il a donc été introduit plus de quinze jours après la publication de celui-ci, intervenue dans le bulletin des adjudications du 30 juin 2011 et dans le supplément au journal officiel de l’Union européenne du 5 juillet 2011.

C’est en vain que la partie requérante arguerait de ce qu’elle pourrait encore soulever des moyens contre le cahier des charges, à l’occasion d’un recours introduit contre une décision d’attribution, se fondant éventuellement sur l’arrêt Labonorm rendu par votre Conseil en assemblée générale.

Dans cet arrêt, en effet, l’exception d’irrecevabilité du recours prise de l’omission, par le requérant, d’avoir demandé l’annulation de la décision fixant le cahier spécial des charges, a été déclarée irrecevable par Votre Conseil. Votre Conseil a ainsi jugé que la faculté d’introduire immédiatement un recours en annulation et une demande de suspension contre la décision d’adopter le cahier spécial des charges n’empêche pas que les irrégularités qu’un soumissionnaire reproche à une prescription de ce cahier des charges puissent encore être invoquées de manière recevable contre des décisions ultérieures prises dans le cadre de la procédure de passation.

Or cette circonstance n’a pas pour effet de suspendre le délai de recours contre le cahier des charges ou de faire revivre une possibilité de recours contre celui-ci.

Le recours, en ce qu’il est dirigé contre le cahier spécial des charges, premier acte attaqué, doit être déclaré irrecevable ratione temporis.".

B. La partie adverse soulève une seconde exception d’irrecevabilité. Elle fait valoir ce qui suit :

" Selon une jurisprudence constante, le requérant justifie d’un intérêt au recours s’il démontre que l’annulation est susceptible de lui profiter personnellement et que sa situation, de fait ou de droit, s’en trouvera améliorée. 16. En l’espèce, la partie requérante ne démontre pas un pareil intérêt.

Il résulte en effet du dossier administratif et, plus particulièrement, du rapport d’examen des offres, que l’offre de la requérante a été rejetée en raison du fait qu’elle ne répond pas aux exigences administratives auxquelles elle doit satisfaire et ce, pour les trois motifs suivants : «L’offre n’est pas conforme au point de vue administratif : - elle est en contradiction avec le cadre général du contrat décrit au paragraphe 1 du CSCh, puisque le soumissionnaire refuse pour les "Clients" autres qu’Astrid

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définis dans ce même paragraphe, d’appliquer certaines clauses contractuelles comme les délais de paiement et d’offrir les prestations logistiques ; - plutôt que d’introduire une formule de révision des prix comme l’y autorisait le paragraphe 7.5. du CSCh, le soumissionnaire propose de la négocier en cours d’exécution du contrat. - il propose également de modifier la clause de délai de paiement définie au paragraphe 13.2 du CSCh.»

A la lecture de l’offre remise par la requérante, on constate effectivement que celle-ci formule des réserves sur les éléments précités.

Ces éléments, en ce qu’ils visent notamment le prix, les délais de paiement ou d’autres obligations pour lesquelles la partie adverse intervient comme centrale d’achat à l’égard de clients, constituent des éléments substantiels du marché au sens de l’article 89 de l’arrêté royal du 8 janvier 1996. Elles mettent le pouvoir adjudicateur dans l’impossibilité matérielle de comparer l’offre avec celles des concurrents et rendent celle-ci irrégulière au sens de l’article 110, § 2, de l’arrêté royal du 8 janvier 1996.

Votre Conseil a déjà jugé qu’une offre est frappée d’irrégularité substantielle lorsqu’elle prévoit une réserve qui est de nature à privilégier un candidat ou à défavoriser un ou plusieurs autres candidats et qui porte atteinte à une comparaison effective et objective des offres. 17. Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que le candidat dont l’offre a été déclarée irrégulière ne dispose pas d’un intérêt valable à attaquer la décision de classement.

Ceci à moins bien sûr que les griefs invoqués ne concernent précisément le motif d’irrégularité invoqué par le pouvoir adjudicateur. […]

En l’espèce, l’offre de la requérante a été déclarée irrégulière dans le cadre de l’évaluation des exigences administratives.

Or, dans sa requête, celle-ci prend un moyen unique qui ne concerne que la prétendue illégalité du recours par le pouvoir adjudicateur au contrat ouvert et à la centrale d’achat, mais qui ne fait nullement grief à l’acte attaqué d’avoir déclaré son offre irrégulière.

Tout au plus la partie requérante se contente-t-elle de requalifier le marché en contrat-cadre, de critiquer la durée de celui-ci et d’affirmer que des tiers ne pourraient pas, à la suivre, faire usage du contrat ouvert qui résulterait de la passation du marché. Ces questions sont étrangères à l’irrégularité des réserves formulées par la partie requérante dans son offre.

Et même s’il y avait lieu de requalifier le marché litigieux et de considérer qu’il s’agit d’un contrat-cadre pour lequel un délai d’exécution de quatre ans s’impose, quod non, encore conviendrait-il de constater que cette circonstance n’aurait pas pour effet de rendre l’offre de la requérante conforme aux exigences administratives. 18. A titre surabondant, notons qu’il est communément admis que la matière des marchés publics ne touche l’ordre public que dans ces dispositions qui organisent des moyens spécifiques de mise en concurrence en vue de garantir l’égalité des soumissionnaires.

La législation, en ce qu’elle vise notamment les modalités techniques d’un marché, telle que le type de contrat, la limitation dans le temps de celui-ci où le recours au mécanisme de la centrale d’achat, ne touche pas l’ordre public.

En l’espèce, la requête en suspension ne contient aucun développement sur cette question de sorte que celle-ci ne fait pas partie des débats. Et même si tel devait être le cas, il y a lieu de constater que les critiques formulées par la partie requérante ne sont pas fondées sur des dispositions légales ou de principes qui touchent à l’ordre public de sorte que ce serait en vain qu’elle en invoquerait la violation en l’espèce.

Il en va d’autant plus ainsi que l’on peut parler d’une forme d’acceptation implicite des principes essentiels du marché puisque la requérante, outre qu’elle n’a pas attaqué le cahier des charges lorsqu’il lui...

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