Décision judiciaire de Conseil d'État, 16 juillet 2012

Date de Résolution16 juillet 2012
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

A R R Ê T

nº 220.330 du 16 juillet 2012

A. 205.476/XI-19.064 A. 205.491/XI-19.071 A. 205.493/XI-19.073 A. 205.496/XI-19.075 A. 205.497/XI-19.077 A. 205.498/XI-19.078 A. 205.531/XI-19.090

En cause : la s.p.r.l. Betting Consult,

ayant élu domicile chez

Me Th. VERBIEST, avocat, avenue de la Couronne 224 1050 Bruxelles,

contre :

1. la Commission des jeux de hasard,

ayant élu domicile chez

Mes Ph. LEVERT, M. VELGHE et P.-E. PÂRIS, avocats, avenue Louise 149/22 1050 Bruxelles,

2. l'État belge, représenté par le ministre de la Justice.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE PRÉSIDENT F.F. DE LA VI e CHAMBRE DES VACATIONS, SIÉGEANT EN RÉFÉRÉ,

Vu la requête unique introduite le 4 juillet 2012 par la s.p.r.l. Betting Consult, qui demande « l'annulation et entre-temps la suspension d'extrême urgence de la décision référencée FA116957 (…) de la Commission des Jeux de Hasard datée du 20 juin 2012 et notifiée à la requérante le 26 juin 2012 lui refusant l'octroi de la licence de classe F1 » (A. 205.476/XI-19.064);

Vu la requête unique introduite le 5 juillet 2012 par la s.p.r.l. Betting Consult, qui demande « l'annulation et entre-temps la suspension d'extrême urgence de la décision de la Commission des Jeux de Hasard datée du 20 juin 2012 et notifiée à la requérante le 26 juin 2012 lui refusant l'octroi de la licence de classe F2 pour

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l'établissement sis rue du Méridien, 78 à 1210 Saint-Josse-ten-Noode » (A. 205.491/XI-19.071);

Vu la requête unique introduite le 5 juillet 2012 par la s.p.r.l. Betting Consult, qui demande « l'annulation et entre-temps la suspension d'extrême urgence de la décision de la Commission des Jeux de Hasard datée du 20 juin 2012 et notifiée à la requérante le 26 juin 2012 lui refusant l'octroi de la licence de classe F2 pour l'établissement sis chaussée de Helmet, 134 à 1030 Schaerbeek » (A. 205.493/XI-19.073);

Vu la requête unique introduite le 5 juillet 2012 par la s.p.r.l. Betting Consult, qui demande « l'annulation et entre-temps la suspension d'extrême urgence de la décision de la Commission des Jeux de Hasard datée du 20 juin 2012 et notifiée à la requérante le 26 juin 2012 lui refusant l'octroi de la licence de classe F2 pour l'établissement sis rue du Marché aux poulets, 47 à 1000 Bruxelles » (A. 205.496/XI-19.075);

Vu la requête unique introduite le 5 juillet 2012 par la s.p.r.l. Betting Consult, qui demande « l'annulation et entre-temps la suspension d'extrême urgence de la décision de la Commission des Jeux de Hasard datée du 20 juin 2012 et notifiée à la requérante le 26 juin 2012 lui refusant l'octroi de la licence de classe F2 pour l'établissement sis rue de Formanoir, 2 à 1070 Anderlecht » (A. 205.497/XI-19.077);

Vu la requête unique introduite le 5 juillet 2012 par la s.p.r.l. Betting Consult, qui demande « l'annulation et entre-temps la suspension d'extrême urgence de la décision de la Commission des Jeux de Hasard datée du 20 juin 2012 et notifiée à la requérante le 26 juin 2012 lui refusant l'octroi de la licence de classe F2 pour l'établissement sis Boulevard Adolphe Max, 144 à 1000 Bruxelles » (A. 205.498/XI-19.078);

Vu la requête unique introduite le 6 juillet 2012 par la s.p.r.l. Betting Consult, qui demande « l'annulation et entre-temps la suspension d'extrême urgence de la décision de la Commission des Jeux de Hasard datée du 20 juin 2012 et notifiée à la requérante le 26 juin 2012 lui refusant l'octroi de la licence de classe F2 pour l'établissement rue Cathédrale, 45 à 4000 Liège » (A. 205.531/XI-19.090);

Vu les ordonnances du 6 et du 10 juillet 2012, notifiées aux parties, convoquant celles-ci à comparaître le 11 juillet 2012 à 15 heures;

Vu les dossiers administratifs;

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Entendu, en son rapport, Mme D. DÉOM, conseiller d'État, président de chambre f.f.;

Entendu, en leurs observations, Mes Th. VERBIEST, R. FONTEYN et T. KLAESER, avocats, comparaissant pour la partie requérante, et Mes Ph. LEVERT, M. VELGHE et P.-E. PÂRIS, avocats, comparaissant pour la première partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, M. L. JANS, premier auditeur au Conseil d'État;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que préalablement à l'audience du 11 juillet 2012, le Service public fédéral Justice a, par voie de courrier recommandé et de télécopie, formulé pour chacune des présentes affaires une demande de mise hors de cause du ministre de la Justice; qu'il y a lieu d'accueillir cette demande, ni le ministre de la Justice ni les services soumis à son autorité directe n'ayant pris les décisions attaquées;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la cause peuvent être résumés comme suit :

La requérante est une société privée à responsabilité limitée active depuis 2006 dans le domaine de l'informatique et réorientée ensuite vers les jeux de hasard, plus particulièrement les paris sportifs. Elle exploite depuis 2006 neuf établissements de paris sportifs et quatre franchises, répartis sur le territoire belge (Liège, Bruxelles et Anvers) et elle emploie une trentaine de personnes.

Elle a obtenu en 2007 et 2009 des licences de classe C pour l'exploitation de jeux de hasard. Ces licences lui ont été retirées par des décisions du 7 octobre 2009, en raison d'infractions à la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs. Il est reproché à la requérante d'avoir poursuivi l'exploitation de certaines installations malgré le retrait de cette licence. Le recours en annulation introduit à l'encontre de l'une de ces décisions a été rejeté par l'arrêt n° 214.298 du 30 juin 2011.

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La loi du 10 janvier 2010 portant modification de la législation relative aux jeux de hasard, entrée en vigueur le 1er janvier 2011, a modifié la loi du 7 mai 1999, précitée, et instauré un régime de licences de classe F 1 pour l'organisation de paris (supervision, détermination des cotes, etc.) et de classe F 2 pour l'engagement de paris dans les différents établissements physiques (prise de paris, distribution des gains, etc.), alors qu'aucune licence n'était précédemment requise. Moyennant le respect de certaines conditions − remplies en l'espèce −, l'article 76/1 de la loi du 7 mai 1999 permet aux organisateurs de paris existants avant cette modification législative de poursuivre leurs activités jusqu'à la décision de la Commission des jeux de hasard relative aux demandes de licence. Le nombre maximal de licences F 1 et F 2 pouvant être accordées est fixé respectivement à 34 et à 1060.

En date du 5 janvier 2011, la requérante a introduit auprès de la Commission des jeux de hasard plusieurs demandes de licences de classe F 1 et F 2 pour l'organisation et l'engagement de paris. Durant l'instruction de ces demandes, la requérante a effectué diverses démarches et déposé notamment quatre notes informatives destinées à éclairer les enquêteurs sur la gestion de la société et à justifier les thèses défendues par celle-ci dans le cadre de litiges qui l'opposaient à l'administration fiscale. L'une des gérantes, Mümine BATKITAR, a par ailleurs été entendue les 27 juin, 4 août et 28 octobre 2011 par un officier de police judiciaire de la première partie adverse, pour fournir des explications sur la gestion de la société ainsi que sur des manquements qui lui étaient reprochés, certains faisant l'objet d'informations pénales.

Le secrétariat de la Commission a établi un rapport concluant au refus des licences sollicitées. Ce rapport a été communiqué à la requérante par des courriers recommandés du 12 avril 2012, qui la convoquaient pour être auditionnée le 9 mai 2012 « en vue du refus d'octroi » des licences en cause.

Le 30 avril 2012, M. BATKITAR a adressé au président de la Commission un courrier relatif à des erreurs dans la traduction de ses propos lors de ses auditions des 4 août et 28 octobre 2011.

Le 3 mai 2012, la requérante a sollicité par courriel et courrier recommandé le report de cette audition. Le 4 mai 2011, l'un de ses conseils a fait savoir qu'elle ne serait pas représentée à l'audition, tandis que deux autres de ses conseils ont transmis un mémoire en défense et une note en défense.

Le 9 mai 2012, préalablement à l'audition, la requérante a également adressé à la Commission une note exposant les motifs de considérer la Commission

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des jeux de hasard comme une juridiction administrative et de constater l'absence d'indépendance et d'impartialité de cette Commission. Cette note sollicitait formellement le dessaisissement de la Commission ou la récusation de certains de ses membres. La Commission a décidé de joindre cet incident à l'examen du fond et n'a pas prononcé la clôture des débats.

Le 11 mai 2012, la requérante a introduit une requête en dessaisissement devant la Cour de Cassation. Par l'arrêt du 15 juin 2012 (C.12.0231.F/1), la Cour de cassation a déclaré cette requête manifestement irrecevable en considérant que l'article 21, § 1er, de la loi du 7 mai 1999 précitée ne charge pas la Commission de trancher un litige mais seulement de se prononcer, positivement ou négativement, sur les demandes de licences qui lui sont adressées, et que lorsqu'elle se prononce sur une telle demande, elle agit en qualité d'autorité administrative et non de juridiction, même lorsque la demande émane d'un requérant que l'article 76/1 de la même loi autorise à poursuivre ses activités jusqu'à la décision de la Commission.

Le 26 juin 2012, la requérante se voit notifier, par courrier daté du 22 juin 2012, la décision de la première partie adverse lui...

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