Décision judiciaire de Conseil d'État, 26 juin 2012

Date de Résolution26 juin 2012
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R Ê T

nº 219.972 du 26 juin 2012

A. 193.940/VIII-7078

En cause : TREVISIOL Renzo, ayant élu domicile chez Mes Luc MISSON et Aurélie KETTELS, avocats, rue de Pitteurs 41 4020 Liège,

contre :

la société coopérative à responsabilité limitée TECTEO (anciennement société coopérative intercommunale à responsabilité limitée Association Liégeoise du Gaz). ayant élu domicile chez Me Jean-Marc SECRETIN, avocat, rue des Augustines 32 4000 Liège.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE CONSEIL D'ÉTAT, VIIIe CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 4 septembre 2009 par Renzo TREVISIOL qui demande l'annulation de la décision du conseil d'administration de l'intercommunale société coopérative à responsabilité limitée ASSOCIATION LIEGEOISE DU GAZ (ALG), (devenue TECTEO) le démettant d'office de ses fonctions;

Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

Vu le rapport de M. BOSQUET, premier auditeur au Conseil d'État, rédigé sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure;

Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;

Vu l'ordonnance du 24 mai 2012, notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience publique du 22 juin 2012;

Entendu, en son rapport, Mme DÉOM, conseiller d'État;

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Entendu, en leurs observations, Me Diego GUTIERREZ, loco Mes Luc MISSON et Aurélie KETTELS, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Jean-Marc SECRETIN, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis, M. BOSQUET, premier auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen du recours se présentent comme suit :

  1. Le requérant est au service de l'Association Liégeoise du Gaz, devenue TECTEO, depuis plus de quinze ans, en qualité de patrouilleur. Il y travaille pour le centre d'exploitation de Jupille et il est placé notamment sous la responsabilité d'un collègue brigadier, Éric D.

  2. Le 26 novembre 2008, le chef du centre d'exploitation de Jupille Christophe BODSON rédige un rapport d'activité au sujet d'Éric D. et de Renzo TREVISIOL.

    Ce rapport relate en substance que les mardi 18 et vendredi 21 novembre 2008, en milieu de journée, les véhicules de service et/ou privé d'Éric D. et du requérant ont été aperçus stationnés devant un immeuble à appartements. Il relate également que ce même 26 novembre 2008, une visite sur place réalisée en compagnie d'un collègue, Frédéric STASSEN, lui a permis de rencontrer le propriétaire de cet immeuble (Monsieur DERIDDER) et de constater que les précités y effectuaient en journée des travaux de chauffage, que ces travaux étaient effectués à l'aide de certains matériaux ou accessoires de plomberie (réduction, coude, manchon) identiques à ceux utilisés par TECTEO, que ces travaux devaient encore être poursuivis dans d'autres appartements, et que cette collaboration entre Éric D. et Monsieur DERIDDER était régulière depuis plusieurs années.

    En conclusion de son rapport, Christophe BODSON indique qu'il s'agit d'un "cas flagrant d'activité personnelle rémunérée pendant les heures de service qui plus est, en utilisant du matériel de l'ALG" alors qu'Éric D. se plaint régulièrement de ne pas avoir assez de temps à consacrer aux équipes dont il a la responsabilité, que "ce n'est pas la première fois que M. D. est mis en cause dans ce genre d'activité, et malgré les mises en garde des risques encourus, il persiste dans son activité parallèle", et que "vu les faits relatés et les présomptions qui pèsent sur lui et pour

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    d'autres cas, il serait opportun de mettre un frein à l'activité de M. D. en le sanctionnant, ainsi que M. TREVISIOL qui est son comparse dans ces travaux".

  3. Le directeur technique Arnaud GEMINE et le secrétaire général Yves BERNARD sont informés de ces faits. Le responsable de l'exploitation Christophe CASTELLANA convoque Éric D. et le requérant à une audition le 3 décembre 2008 "afin de s'expliquer sur les suspicions qui pèsent sur eux". Les motifs de cette convocation ne sont toutefois pas révélés aux intéressés, qui ne sont pas informés de l'existence du rapport précité du 26 novembre 2008.

  4. Le 3 décembre 2008, Yves BERNARD, Arnaud GEMINE et Christophe CASTELLANA procèdent à l'audition d'Éric D. et du requérant séparément, le premier à 8 heures 45 et le second à 9 heures 45.

    Au cours de cette audition, Éric D. reconnaît notamment que le requérant était présent avec lui dans l'immeuble de Monsieur DERIDDER le vendredi 21 novembre 2008, tout en le niant pour le mardi 18 novembre 2008. Il déclare que le requérant, qui éprouvait des difficultés financières, lui a demandé de travailler avec lui et qu'il le fait depuis un an et demi. Il indique aussi que du petit matériel de TECTEO (coudes et tubes jaunes) a pu être utilisé exceptionnellement, et que le requérant en connaissait la provenance.

    Le requérant est pour sa part invité à s'expliquer sur son emploi du temps du vendredi 21 novembre 2008. Il reconnaît d'emblée travailler après ses journées de travail pour faire face à ses problèmes financiers, et être passé en urgence vingt minutes avant midi, le 21 novembre 2008, dans l'immeuble de Monsieur DERIDDER, puis y être retourné après sa journée de travail. Interrogé sur le matériel utilisé, et alors que Christophe CASTELLANA l'informe que "nous savons que vous avez utilisé des coudes GF en fonte" et que Arnaud GEMINE précise que "nous avons vu des coudes GF qui viennent de l'ALG", il reconnaît avoir peut-être pris quelques coudes de même qu'il avoue qu'il lui est arrivé de prendre quelques accessoires, ce que "tout le monde fait", tout en précisant qu'en général il achète luimême toute la marchandise dans un commerce local.

  5. Le procès-verbal de l'audition du 3 décembre 2008 est signé par Éric D. le 4 décembre 2008, et par le requérant le 9 décembre 2008, avec deux commentaires apposés au verso.

  6. Par un courrier recommandé du 5 décembre 2008, le directeur général de TECTEO porte à la connaissance du requérant que le bureau exécutif a décidé d'une part de lui "infliger la peine de suspension disciplinaire immédiate à titre

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    conservatoire", cette décision étant "fondée sur la nature des faits décrits par vousmême et qui expriment une négligence grave, une incapacité notoire dans votre fonction et une reconnaissance de vols", et d'autre part de le convoquer à une audition le "12 septembre 2008" (lire "12 décembre 2008") pour "se défendre sur les faits sur lesquels vous avez été interrogé en date du 3 décembre 2008 (et) plus spécifiquement (…) d'avoir violé les articles 52 et 53 du Règlement organique du personnel et avoir commis notamment des faits de vols". Il lui est encore précisé qu'une sanction disciplinaire est envisagée, qu'il peut se faire assister d'un défenseur de son choix, et qu'il peut consulter "le dossier à charge" dès réception de ladite lettre et sur rendez-vous.

    La suspension ainsi décidée n'est pas assortie d'une durée déterminée, et aucune retenue de traitement n'est opérée.

  7. Le 11 décembre 2008, le requérant prend connaissance du dossier disciplinaire dont une copie a été remise à son avocat.

  8. L'audition prévue le 12 décembre 2008 est reportée au 19 décembre 2008 à la demande du conseil du requérant.

  9. Le 17 décembre 2008, le directeur général rédige un rapport commun à Éric D. et Renzo TREVISIOL, retenant à charge de ce dernier des griefs de vol de matériel et détournement de temps de travail portant préjudice à l'image de marque de TECTEO, et proposant aux membres du bureau exécutif d'infliger une sanction disciplinaire prévue à l'article 51 du règlement organique du personnel.

  10. Le 19 décembre 2008, jour auquel l'audition a été une première fois reportée, se tient une "réunion préparatoire" du bureau exécutif, à laquelle assistent les conseils du requérant. Ceux-ci ayant fait valoir qu'il convenait de les informer de la nature de la sanction envisagée, le directeur général rédige un second rapport complémentaire au premier, où il propose que soient prononcées les sanctions disciplinaires de démissions d'office. Ce rapport complémentaire est communiqué au requérant et à son conseil par un courrier du 30 décembre 2008.

  11. Le 9 janvier 2009, le requérant et Éric D., assistés de leurs conseils, sont entendus par le bureau exécutif. Pour sa défense, le requérant insiste sur le fait qu'il conteste avoir volé du matériel, produit un listing d'achat de pièces pour un montant sans commune mesure avec la valeur du petit matériel à 0,50 €/pièce qu'on lui reproche d'avoir volé, et reconnaît seulement avoir travaillé en dehors de ses heures pour faire face à ses dettes, tout en précisant n'avoir pas fait du démarchage

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    de nature à nuire à l'image de marque de TECTEO puisqu'il travaillait pour des relations personnelles.

  12. Le 13 mars 2009, le bureau exécutif prononce la sanction de démission d'office. Cette décision est rédigée comme suit : " Séance tenue à huis clos le vendredi 13 mars 2009, à 9 heures.

    Membres présents : M. W. DEMEYER, Président;

    Mme I. ALBERT, Vice-Présidente; M. P. DODRIMONT, Administrateur délégué;

    MM. G. GEORGES, C. KLENKENBERG et A.

    NIVARD, Administrateurs.

    Excusée : Mme M.-N. MOTTARD

    Participe : M. G. VAN BOUCHAUTE, Directeur général.

    Secrétaire : M. Y. BERNARD, Secrétaire général.

    Assistent : MM. A. GEMINE, Directeur technique;

    P. LOUVEAU, Directeur administratif.

    Assistent : Mme S. COEURNELLE, Représentant du personnel.

    M. F. MINNE, Avocat de Messieurs D. et TREVISIOL.

    La séance est ouverte à 9 heures 10' par Monsieur Willy DEMEYER, Président.

    Monsieur le Président prend la parole, il accueille Monsieur TREVISIOL, son représentant syndical et son avocat.

    Il donne lecture en synthèse des motifs de la décision du Bureau Exécutif, il expose que la motivation intégrale in extenso...

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