Décision judiciaire de Conseil d'État, 27 janvier 2012

Date de Résolution27 janvier 2012
JuridictionXV
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

A R R Ê T

nº 217.598 du 27 janvier 2012

  1. 202.720/XV-1772

    En cause : RECICA Mentor, ayant élu domicile chez Me A. DAOUT, avocat, avenue Emile de Mot 19 1000 Bruxelles,

    contre :

    l'Etat belge, représenté par le ministre de l'Intérieur. -----------------------------------------------------------------------------------------------------

    LE PRÉSIDENT F.F. DE LA XV e CHAMBRE SIÉGEANT EN RÉFÉRÉ,

    Vu la requête unique, introduite le 5 décembre 2011 par Mentor RECICA, en ce qu'elle tend à la suspension de l'exécution de la décision du ministre de l'Intérieur du 5 octobre 2011 refusant de lui délivrer les cartes d'identification d'agent de gardiennage demandées par la s.p.r.l. Russo Security et par l'a.s.b.l. Clinique Fond'Roy;

    Vu le dossier administratif et la note d’observation déposée par la partie adverse;

    Vu le rapport de M. E. THIBAUT, premier auditeur au Conseil d'État;

    Vu l'ordonnance du 13 janvier 2012 fixant l'affaire à l'audience du 20 janvier 2012 à 9 heures 30;

    Vu la notification aux parties du rapport et de l'avis de fixation à l'audience;

    Entendu, en son rapport, M. I. KOVALOVSZKY, président de chambre f.f.;

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    Entendu, en ses observations, Me A. DAOUT, avocat, comparaissant pour la partie requérante;

    Entendu, en son avis conforme, M. E. THIBAUT, premier auditeur;

    Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

    Considérant que les faits utiles à l'examen de la cause se présentent comme suit:

    Le 20 avril 2010, la s.p.r.l. Russo Security demande aux services de la partie adverse l'octroi d'une carte d'identification d'agent de gardiennage au profit de Mentor Recica. À la demande est joint un extrait de casier judiciaire ne mentionnant aucune condamnation. Le 5 juillet 2010, Mentor RECICA consent à l'enquête de sécurité prévue à l'article 7 de la loi du 10 avril 1990 relative à la sécurité privée et particulière.

    Le 12 août 2010, le service interne de gardiennage de la clinique Fond'Roy demande aux services de la partie adverse l'octroi d'une carte d'identification d'agent de gardiennage au profit de Mentor Recica. À la demande est joint un extrait de casier judiciaire ne mentionnant aucune condamnation.

    Le 26 août 2010, les services de la partie adverse demandent à la police fédérale l'exécution d'une enquête relative aux conditions de sécurité du requérant.

    Le même jour, un fonctionnaire de la police détaché auprès des services de la partie adverse demande au procureur du Roi de Bruxelles la suite réservée à deux procès-verbaux concernant le requérant ainsi que la transmission de ces documents ou de tous autres documents de nature à permettre l'examen des conditions d'octroi d'une carte d'identification.

    Par un courrier reçu par les services de la partie adverse le 30 septembre 2010, le procureur du Roi transmet la fiche *casier+ du requérant, indique que les deux procès-verbaux sont probablement des dossiers de la section *famille+ et donne son autorisation à l'obtention des procès-verbaux auprès des services de police.

    Le 20 octobre 2010 , la brigade du métro de la police fédérale transmet les copies des procès-verbaux. Ces procès-verbaux relatent le contrôle, le 4 février 2006, d'un groupe de personnes parmi lesquelles se trouvait le requérant, porteur d'un couteau à

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    cran d'arrêt et d'un *petit+ couteau papillon ainsi que d'un téléphone portable, déclaré volé. Ces armes sont saisies et le requérant en fait abandon volontaire.

    Le 10 novembre 2010, le procureur du Roi transmet aux services de la partie adverse une copie du casier judiciaire du requérant et d'un arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles prononcé le 22 juin 2010. Cet arrêt déclare établies la prévention de tentative d'extorsion avec armes et celle de détention d'armes, tout en ordonnant la suspension du prononcé de la condamnation pendant cinq ans, *afin de ne pas compromettre la réinsertion sociale qu'il a entamée+, le temps d'épreuve étant *maximal afin de l'encourager à se maintenir sur la voie de l'amendement+.

    Le 28 janvier 2011, l'inspecteur de la police fédérale chargé de l'enquête établit un rapport d'enquête sur les conditions de sécurité relatives au requérant. Ce rapport met en exergue l'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles, en ne reproduisant cependant pas la motivation de la Cour pour ordonner la suspension du prononcé, ainsi que les procès-verbaux de 2006 relatant la détention de deux armes et le recel simple d'un téléphone portable, déclaré volé auprès de la police de Zaventem.

    Le 22 février 2011, la commission *enquête sur les conditions de sécurité+ instituée au sein du SPF Intérieur estime que le requérant ne satisfait pas aux conditions de sécurité et qu'une procédure visant au refus de la délivrance d'une carte d'identification doit être mise en œuvre.

    Par une lettre du 29 mars 2011, les services de la partie adverse informent le requérant que, sur la base du rapport d'enquête précité et de l'avis de la Commission *enquête sur les conditions de sécurité+, le ministre de l'Intérieur envisage de lui refuser l'octroi des cartes d'identification d'agent de gardiennage demandées pour lui par l'entreprise de gardiennage Russo Security et le service interne de gardiennage Fond'Roy.

    Le 13 mai 2011, le conseil du requérant fait part de ses observations, tenant pour l'essentiel dans les circonstances relatives aux faits de 2007, à savoir le jeune âge du requérant, son absence d'expérience professionnelle et de formation particulière. Il expose que son client détenait les armes dans sa chambre car il était, à l'époque, attiré par les armes blanches mais que ces armes n'ont jamais été utilisées et qu'elles n'ont pas servi à commettre les faits. Il ajoute que son client n'a exercé aucune violence physique et n'a pas menacé la victime avec un couteau mais qu'il est conscient de ne pas avoir eu la réaction adéquate. Il fait également valoir que selon l'expert psychiatre qui l'a examiné dans l'affaire de 2007, il ne présente pas de danger social particulier mais a été entraîné par le groupe, qu'il a considérablement évolué, qu'il a

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    suivi des formations professionnelles, dont l'approche psychologique des conflits où il a obtenu la note de 9/10, qu'il travaille sous contrat à durée indéterminée à la clinique Fond'Roy comme steward, que l'évolution positive de sa situation a été soulignée par l'arrêt de la cour d'appel, qu'il serait regrettable que la chance accordée par cette juridiction ne soit pas suivie par le ministre, que, pour les faits relatifs au téléphone portable et aux armes, aucune poursuite n'a eu lieu, qu'il était mineur d'âge, que ces faits précèdent ceux retenus pas la cour d'appel en telle sorte qu'il y a lieu de tenir compte de l'évolution de la situation et qu'il ignorait l'origine délictueuse du téléphone.

    Le 5 octobre 2011, le ministre de l'Intérieur prend la décision suivante:

    * Loi du 10 avril 1990 réglementant la sécurité privée et particulière -procédure de refus de la carte d'identification d'agent de gardiennage

    Monsieur,

    L'entreprise de gardiennage RUSSO SECURITY SPRL et le service interne de gardiennage de la clinique Fond'Roy ASBL ont introduit pour vous, en date des 20 avril et 12 août 2010, une demande de carte d'identification d'agent de gardiennage.

    Les interventions des entreprises de gardiennage et de leur personnel ont un rapport étroit avec l'ordre public et sont, dès lors, particulièrement délicates. C'est pourquoi, le législateur a tenu à s'assurer que les personnes qui exercent des activités de gardiennage - activités qui sont traditionnellement du ressort d'autorités publiques - soient des individus dignes de confiance. Afin de pouvoir exercer des activités de gardiennage, vous devez par conséquent satisfaire aux conditions fixées à l'article 6 de la loi du 10 avril 1990.

    Une de ces conditions est fixée par l'article 6, alinéa 1, 8° de la loi précitée. Cet article stipule que les personnes qui exercent une fonction d'exécution au sein d'une entreprise de gardiennage doivent satisfaire aux conditions de sécurité nécessaires à l'exercice de celle-ci et ne pas avoir commis de faits qui, même s'ils n'ont pas fait l'objet d'une condamnation pénale, portent atteinte à la confiance en l'intéressé, parce qu'ils constituent un manquement grave à la déontologie professionnelle ou une contre-indication au profil souhaité, tel que visé à l'article 7, ' 1er bis.

    Sont donc également visés les faits qui, pour un citoyen, ne sont peut-être pas si graves et n'ont dès lors pas été sanctionnés par un juge pénal, mais qui revêtent de l'importance pour une personne active dans le secteur du gardiennage.

    Ledit profil défini à l'article 7, ' 1er bis de la loi est caractérisé par : 1° le respect pour les droits fondamentaux des concitoyens; 2° l'intégrité; 3° une capacité à faire face à un comportement agressif de la part de tiers et à se maîtriser dans de telles situations;

    4° l'absence des liens suspects avec le milieu criminel;

    Il doit donc être vérifié, pour chaque agent de gardiennage, qu'il présente le profil requis pour travailler dans ce secteur.

    Après que vous y ayez consenti en date du 16 avril 2010, une enquête sur les conditions de sécurité vous concernant a été réalisée par les services de police et a révélé, dans votre chef, un certain nombre de renseignements de nature judiciaire et administrative ainsi que des données professionnelles qui sont importants dans le cadre de l'appréciation des conditions de sécurité visées à l'article 6, alinéa 1, 8°

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    de la loi précitée et qui font l'objet du rapport de l'officier de police en charge de cette enquête.

    Le rapport d'enquête, daté du 28 janvier 2011, fait, notamment, état des dossiers suivants :

    -Arrêt de la Cour d'Appel de Bruxelles du 22 juin 2010 relatif au procès-verbal BR.11.LL.19688/07 concernant des faits d'extorsion et de détention illégale d'armes...

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