Décision judiciaire de Conseil d'État, 16 décembre 2011

Date de Résolution16 décembre 2011
JuridictionXI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R Ê T

nº 216.897 du 16 décembre 2011

A. 200.364/XI-18.037

En cause : XXX, ayant élu domicile chez Me D. ANDRIEN, avocat, Quai G. Kurth 12 4020 Liège,

contre :

le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE CONSEIL D'ÉTAT, XIe CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 26 mai 2011 par XXX, qui demande la cassation de la décision n° 61.705 (dans l’affaire n° 54.056/I) prise à son égard par le Conseil du contentieux des étrangers le 18 mai 2011;

Vu l’ordonnance n° XXX du 21 juin 2011 déclarant le recours en cassation admissible;

Vu le dossier de la procédure;

Vu le mémoire ampliatif;

Vu le rapport, déposé le 25 octobre 2011, notifié aux parties, de Mme L. LEJEUNE, auditeur au Conseil d’État, rédigé sur la base de l’article 16 de l’arrêté royal du 30 novembre 2006 déterminant la procédure en cassation devant le Conseil d’État;

Vu l’ordonnance du 16 novembre 2011, notifiée aux parties, fixant l’affaire à l’audience du 4 décembre 2011 à 14 heures;

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Entendu, en son rapport, M. J. MESSINNE, président de chambre;

Entendu, en leurs observations, Me D. ANDRIEN, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Mme A. BAFOLO, attaché, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, Mme L. LEJEUNE, auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que l’arrêt attaqué refuse au requérant la qualité de réfugié et le statut de protection subsidiaire; que le requérant prend un moyen unique de la violation des dispositions et principes suivants:

“ - Articles 3 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 , approuvée par la loi du 13 mai 1955. - Articles 8.2 et 9 de la directive 2005/85/CE du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres du 1er décembre 2005 (J.O. L 326, 13 décembre 2005). - Article 4 de la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts (J.O. L 304, 30 septembre 2004), ainsi que le principe général de bonne administration qui en découle. - Principe général de droit selon lequel les États membres de l’Union européenne, en ce compris leurs juridictions, ont l’obligation, découlant d’une directive, d’atteindre le résultat prévu par celle-ci, déduit des articles 10 (ex art. 5) et 249 (ex art. 189, alinéa 3) du Traité instituant la Communauté européenne, signé à Rome, approuvé par la loi du 2 décembre 1957, version consolidée à Amsterdam le 2 octobre 1997, approuvée par la loi du 10 août 1998, ainsi que ces articles. - Articles 149 et 159 de la Constitution. - Règles régissant la foi due aux actes, déduites des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil, ainsi que ceux-ci. - Règles régissant la charge de la preuve, déduites des articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire, ainsi que ceux-ci. - Articles 39/2 §1er et §2, 39/65, 39/69 § 1er alinéa 2.4°, 48/3, 48/4, 48/5 §1 et §2 et 57/6 avant dernier alinéa de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers. - Principes généraux «Audi alteram partem» et du respect des droits de la défense et du contradictoire, ainsi que le principe général de bonne administration. - La notion d’erreur manifeste d’appréciation”,

en ce que,

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“Premier grief”, l’arrêt décide:

“ «4.1. En ce que le moyen est pris de l’erreur manifeste d’appréciation, le Conseil rappelle que lorsqu’il statue en pleine juridiction, comme en l’espèce, sa compétence ne se limite pas à une évaluation marginale de l’erreur manifeste d’appréciation, mais il procède à un examen de l’ensemble des faits de la cause. Il examine donc si la décision est entachée d’une erreur d’appréciation et non pas uniquement d’une erreur manifeste d’appréciation»”,

alors que “l’arrêt ne peut décider, sans violer les articles 39/2 et 39/65 de la loi du 15 décembre 1980 ainsi que la notion d’erreur manifeste d’appréciation, décider qu’est inopérant le moyen pris de l’erreur manifeste d’appréciation; tant dans le cadre de sa compétence de réformation que dans celle d’annulation, le tribunal administratif est habilité à vérifier si le défendeur n’a pas commis une telle erreur. Si le tribunal est également habilité, dans le cadre de sa compétence de réformation, à vérifier si le défendeur n’a pas commis une erreur d’appréciation, même non manifeste, suivant l’adage «Qui peut le plus peut le moins», il est à fortiori habilité à vérifier si le défendeur n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation. De sorte qu’il ne pouvait déclarer le moyen inopérant et devait se prononcer sur celui-ci dans le cadre de la demande d’annulation, accessoire à la réformation, régulièrement formulée dans le dispositif du recours. Rien n’étant dit à ce sujet dans le dispositif de l’arrêt”;

“Second grief”, l’arrêt décide:

“ «4.2. Sur le premier moyen, le Conseil estime que la partie requérante ne démontre pas en quoi la partie défenderesse aurait violée (sic) l’article 4 de la directive 2004/83/CE du 29 avril 2004 en ce que la décision attaquée se base sur une audition qui date de 2007. En effet, la partie défenderesse a examiné tous les éléments de la cause, y compris les nouveaux documents déposés, au regard des circonstances de l’espèce actualisées au jour de la décision»”,

alors que “contrairement à ce que décide l’arrêt, le défendeur n’a pas examiné les documents produits par le demandeur suite à son unique audition de 2007; il ressort en effet des deux derniers paragraphes de sa décision que ces documents n’ont pas été examinés par lui au seul motif de leur nature privée. Pour le surplus, la décision de 2010 est rigoureusement identique à celle de 2007; aucune nouvelle évaluation n’a été faite, si ce n’est pour écarter les pièces produites entre temps et ce pour un motif purement technique. Partant, l’arrêt méconnaît la foi due à la décision entreprise, ou, à tout le moins, n’est pas légalement motivé (violation des articles 149 de la Constitution et 39/65 de la loi); en outre, il contrevient à l’article 4 de la directive, l’arrêt ayant lui-même écarté l’examen de tous les documents produits par le demandeur (pour des motifs contestés ci-dessous)”;

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“Troisième grief”, l’arrêt décide:

“ «4.3. Le Conseil rappelle que le moyen tiré de la violation de l’article 8.2 de la directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005 est irrecevable, cette disposition n’ayant pas l’aptitude à conférer par ellemême des droits aux particuliers dont ces derniers pourraient se prévaloir devant les autorités nationales, administratives ou juridictionnelles»”,

alors que, “d’une part, l’arrêt confond recevabilité et fondement d’un moyen; d’où il n’est pas légalement motivé au regard des articles 39/2 § 2, 39/65 § 1er alinéa 2.4° de la loi du 15 décembre 1980”, que, “d’autre part, l’arrêt ne peut sans se contredire, admettre la recevabilité du moyen pris de la violation de l’article 4 de la directive 2004/83/CE du 29 avril 2004 et dire irrecevable celui tiré de la violation de l’article 8.2 de la directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005”, que, “par ailleurs, ces directives contiennent des obligations pour les États d’atteindre des résultats clairement identifiés”, que “l’arrêt n’expose pas pourquoi l’une est apte à conférer des droits au demandeur et l’autre pas (violation de l’article 39/65 de la loi)”, qu’“enfin, il ressort notamment des arrêts Marleasing du 13 novembre 1990 et Luciano Arcaro du 26 septembre 1996 rendus par la Cour de justice des Communautés européennes que l’obligation des États membres de l’Union européenne, découlant d’une directive, d’atteindre le résultat prévu par celle-ci, ainsi que leur devoir, en vertu de l’article 5 du Traité instituant la Communauté européenne, de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution de cette obligation s’imposent à toutes les autorités des États membres, y compris aux autorités juridictionnelles et, par conséquent, en appliquant le droit national, la juridiction nationale est tenue d’interpréter à la lumière du texte et de la finalité de la directive pour atteindre le résultat fixé par celle-ci et se conformer ainsi à l’article 189, troisième alinéa, du Traité (Cass. 28 septembre 2001 et 9 janvier 2003)”, que “le Conseil du contentieux a lui-même appliqué ce principe dans plusieurs affaires mettant spécialement en cause les directives en question” et que “partant, refusant d’annuler la décision du défendeur pour actualisation de la crainte avec la coopération du demandeur, l’arrêt méconnaît lui-même les dispositions des directives visées au moyen, les principes généraux de bonne administration qui en découlent, ainsi que les articles 39/2 §1er.2° et 39/65 de la loi du 15 décembre 1980, le cas échéant lus en combinaison avec les articles 48/3 et 48/4 de la même loi et les articles 10 (ex art. 5) et 249 (ex art. 189, alinéa 3) du Traité instituant la Communauté européenne”;

“Quatrième grief”, l’arrêt décide:

“ «4.5. En ce que le moyen est pris d’une violation du principe du contradictoire et de l’adage ‘audi alteram partem’, le Conseil rappelle tout d’abord que le principe général du respect des droits de la défense

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n’est pas applicable à la procédure devant le commissariat général, celle-ci étant de nature purement administrative et non juridictionnelle (voir notamment Rapport au Roi, commentaires de l’article 17 §2 de l’arrêté royal du...

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