Décision judiciaire de Conseil d'État, 14 novembre 2011

Date de Résolution14 novembre 2011
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R Ê T

nº 216.269 du 14 novembre 2011

A.193.855/VIII-7069

En cause : BEQUET Freddy, route de Mons 45 7130 Binche,

contre :

la société anonyme de droit public BPOST,

ayant élu domicile chez

Me Chris VAN OLMEN, avocat, avenue Louise 221 1050 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE CONSEIL D'ÉTAT, VIIIe CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 20 août 2009 par Freddy BEQUET qui demande l'annulation de la décision prise le 24 juin 2009 le révoquant à partir de ce même jour;

Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

Vu le rapport de Mme VAN LAER, auditeur au Conseil d'État, établi sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure;

Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;

Vu l'ordonnance du 17 octobre 2011, notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience publique du 10 novembre 2011;

Entendu, en son rapport, Mme VANDERNACHT, conseiller d'État;

Entendu, en leurs observations, Me Monique DETRY, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Vincent VUYLSTEKE, loco Me Chris VAN OLMEN, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

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Entendu, en son avis conforme, Mme VAN LAER, auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen du recours ont été exposés dans l'arrêt n° 173.120 du 3 juillet 2007 qui a suspendu l'exécution d'une première décision du 19 mars 2007 infligeant la révocation au requérant; qu'à la suite de cet arrêt, le requérant a été informé par un courrier du 12 juin 2009 que Mark MICHIELS, membre du Comité de direction en charge des ressources humaines (CHRO), était compétent pour prendre une décision finale; que le 24 juin 2009, celui-ci a pris la décision suivante :

" Vu les dispositions des articles 78 à 85, et l'article 104 § 2 du statut administratif des agents de La Poste;

Vu la décision de suspendre l'intéressé dans l'intérêt du service à partir du 17.10.06, de réduire son traitement et de le priver du droit à la promotion et à l'avancement du traitement pendant la période de suspension dans l'intérêt du service;

Vu que, le 16.11.06, le chef immédiat a infligé la révocation pour :

- avoir encaissé, personnellement, le 14.09.06, un montant de 1203,96 € représentant la contre partie de l'assignation n° 3547297878, émise le 3.08.06 au profit d'une cliente;

- faux en écriture pour avoir signé l'assignation précitée en lieu et place de la bénéficiaire réelle

- perte du lien de confiance avec la clientèle et avec l'entreprise rendant impossible toute collaboration ultérieure;

Lors de l'entretien du 26.10.06, M. BEQUET déclare :

- à nouveau, que c'était pour «faire plaisir à quelqu'un» qui avait vécu une situation similaire à la sienne (problème d'alcoolisme et surendettement),

- que personne ne l'a jamais revu, - que cette dégradation dans son comportement est consécutive à un hold-up subi en 2003, ayant entraîné une aggravation dans sa dépendance à l'alcool, - que ce problème d'alcoolisme influe sur son jugement et son comportement, tant dans sa vie privée que dans sa vie professionnelle - qu'il a commis cet acte dans ce contexte et n'était pas dans son état normal - qu'il a entre-temps pris en charge tant ce problème d'alcoolisme que sa situation de surendettement - qu'il s'excuse et regrette fortement ce qui s'est passé.

Les justifications écrites et complémentaires, remises le 6.11.06, n'apportent pas d'éléments nouveaux à ce que M. BEQUET avait déclaré lors de l'entretien du 26.10 06.

Elles ne peuvent justifier les fautes graves commises par l'intéressé :

  1. le détournement du montant d'une assignation 2. abus de confiance envers une cliente qui était en difficulté du fait du décès

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récent de son époux 3. le faux en écriture commis pour permettre ce détournement 4. abus de confiance envers l'entreprise qui l'occupe

Le lien de confiance devant exister entre La Poste et l'agent a été rompu en raison des faits précités.

Ces fautes graves rendent toute collaboration ultérieure impossible avec M. BEQUET et ne peuvent être sanctionnées que par la révocation. La peine de révocation est dès lors maintenue;

Vu l'avis n° 1421 de la Commission de recours rendu le 14.02.07 rédigé comme suit : « Que Mr BEQUET a reconnu avoir signé et encaissé une assignation de pension destinée à Mme OGER, qu'il mesure la gravité des faits qu'il a commis et exprime des regrets sincères quant à son comportement.

Que Mr BEQUET et son défenseur demandent de replacer les faits dans le contexte dans lequel ils se sont produits et qu'ils décrivent : en 2003, alors qu'il était déjà dans une situation familiale difficile et financière très précaire, Mr BEQUET a été victime d'un braquage, événement qu'il n'est selon toute apparence pas parvenu à surmonter et qui a aggravé sa dépendance à l'alcool à un point tel qu'il se trouvait en permanence en état «second», qu'il avait perdu tout contact avec la réalité quand il a commis l'acte qui lui est reproché.

Qu'à cet égard, il faut constater que son état de santé n'a suscité aucune réaction de son entourage professionnel alors qu'il semble évident qu'une telle dégradation n'a pu passer inaperçue, qu'un soutien, une «guidance» lui auraient permis de contacter des personnes habilitées à l'aider avant qu'il ne commette un acte répréhensible, Qu'actuellement, il s'est ressaisi et est suivi tant sur le plan médical que pour la gestion de ses finances.

Que cinq membres sur sept sont d'avis que si d'une part, il faut tenir compte de la gravité des faits pour fixer la hauteur de la peine à infliger, d'autre part, dans la situation particulière de Mr BEQUET, il faut aussi considérer sa carrière irréprochable jusque là et le fait qu'il a remboursé spontanément et rapidement le montant de la pension encaissée, le braquage dont il a été victime et les conséquences sur le plan mental en l'absence d'un suivi adéquat et ensuite le manque de vigilance dans son milieu de travail alors que des signes évidents auraient dû être remarqués. Que dans l'état actuel des choses, ils estiment pouvoir écarter tout danger d'une récidive. Que ces cinq membres sont d'avis de lui infliger une rétrogradation au grade d'agent des postes.

Que les deux autres membres estiment quant à eux que les faits avoués sont très graves et que le lien de confiance avec La Poste est rompu. Qu'ils demandent d'appliquer la révocation infligée par le chef immédiat».

Vu l'article 3 de la décision du 19 mars 2007 par lequel l'Employee & Union Relations Director a décidé de révoquer M. BEQUET à partir du 19 mars 2007;

Vu l'arrêt n° 192.102 du 31 mars 2009 décidant qu'est annulée la décision de révoquer Freddy BEQUET, prise le 19 mars 2007 par Mark MICHIELS, Employee & Union Relations Director;

Vu que cet arrêt n'implique pas qu'une nouvelle décision ne puisse être prise à l'égard de M. BEQUET;

Considérant que l'avis majoritaire de la Commission de recours ne peut être suivi;

Qu'en effet, les faits sont d'une extrême gravité et de nature à rompre de manière irrémédiable le lien de confiance devant exister entre un employé et son employeur. Il est impossible à La Poste d'encore accorder le moindre crédit à

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M. BEQUET, quelle que soit la fonction qui pourrait lui être attribuée.

Que contrairement à ce qui est mentionné dans le P.V. de l'avis de la Commission de recours, il a remboursé le 12.10.06 non pas spontanément mais bien à la demande expresse du 11.10.06 de son chef immédiat (voir modèle 9 du 11.10.06) le montant de la pension détourné le 14.09.06, seulement après que les faits aient été découverts (il avait signé le titre lui-même et retenu l'argent).

Que la cliente lésée est une personne âgée qui venait de perdre son mari et que cette pension était une régularisation importante pour la cliente, d'un montant de 1203,96 €, situation que connaissait l'agent puisque titulaire de la tournée. Cette faute grave a terni l'image de La Poste auprès de la clientèle;

Que les faits commis sont d'une incontestable gravité. Que vu les agissements de M. BEQUET, et le contexte dans lesquels ils ont été commis, le lien de confiance entre La Poste et M. BEQUET est irrémédiablement brisé. Que les justifications apportées par M. BEQUET ne sont pas de nature à remettre en question la rupture irrémédiable du lien de confiance entre La Poste et M. BEQUET.

La gravité des faits en cause exclut donc que l'on puisse envisager de les sanctionner par un blâme ou une suspension disciplinaire.

Une rétrogradation à un grade inférieur et l'éventuelle attribution d'autres tâches ne seraient pas de nature à sanctionner adéquatement les fautes commises;

Cela étant, seule une décision de révocation, par la gravité qu'elle suppose, est appropriée pour les sanctionner et constitue une sanction adéquate.

Enfin, il est indiscutable que toute personne raisonnable ne pourrait agir autrement envers l'un de ses préposés quant à l'application de l'article 78, § 1er, 5° du «Statut administratif des agents de La Poste» et de l'article 11 du CD 334 portant la «Directive sur le régime disciplinaire».

DÉCIDE:

Article 1. - La décision de l'Employee & Union Relations Director du 19 mars 2007 est rapportée.

Article 2. - M. BEQUET, Freddy, Michel, Jacques, Ghislain, distributeur, né le 29.08.52, M/112/194/62, est révoqué à partir de ce jour (…)";

que cette décision de révocation a été notifiée au requérant par un courrier du 24 juin

2009, reçu le 25 juin 2009...

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