Décision judiciaire de Conseil d'État, 13 mai 2011

Date de Résolution13 mai 2011
JuridictionXV
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

A R R Ê T

nº 213.249 du 13 mai 2011

A. 199.501/XV-1484

En cause : MOULAERT Giovanni, ayant élu domicile chez

Me M. BELMESSIERI, avocat,

rue de Loxum 25

1000 Bruxelles,

contre :

l'État belge, représenté par

le Ministre de l'Intérieur. -----------------------------------------------------------------------------------------------

LE PRÉSIDENT F.F. DE LA XV e CHAMBRE DES RÉFÉRÉS,

Vu la requête unique introduite le 14 mars 2011 par Giovanni Moulaert, en ce qu’elle tend à la suspension de l'exécution de la décision du ministre de l’Intérieur du 17 janvier 2011 lui retirant sa carte d'identification d'agent de gardiennage;

Vu la demande du requérant de bénéficier du pro deo dans la procédure en suspension;

Vu la note d'observations et le dossier administratif;

Vu le rapport de M. E. THIBAUT, premier auditeur au Conseil d'État;

Vu l'ordonnance du 20 avril 2011 fixant l'affaire à l'audience du 2 mai 2011 à 14 heures 30;

Vu la notification aux parties du rapport et de l'avis de fixation à l'audience;

Entendu, en son rapport, M. I. KOVALOVSZKY, conseiller d'État, président de chambre f.f.;

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Entendu, en leurs observations, Me M. BELMESSIERI, avocat, comparaissant pour le requérant et M. Ph. JAQUEMYNS, attaché, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, M. B. DEROUAUX, premier auditeur chef de section au Conseil d’État;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la cause peuvent être résumés comme suit:

Depuis 1996, Giovanni Moulaert exerce la profession d'agent de gardiennage, sous réserve d'une interruption entre le mois d'août 2004 et le 26 janvier 2006.

Le 23 février 2006, le requérant consent à l'enquête de sécurité prévue à l'article 7 de la loi du 10 avril 1990 relative à la sécurité privée et particulière. À la suite de cette demande, une carte d'identification lui est attribuée en tant qu'agent de gardiennage au service de l'entreprise de gardiennage F.A.C.T. Security, cette carte étant valable jusqu'au 21 avril 2011.

Le 21 décembre 2009, les services de la partie adverse demandent à la police fédérale l'exécution d'une enquête relative aux conditions de sécurité du requérant.

Le 7 janvier 2010, un fonctionnaire de police détaché auprès des services de la partie adverse demande au procureur du Roi de Tournai l'autorisation de demander la copie d'un procès-verbal établi à la charge du requérant dans une affaire de coups et de blessures volontaires ainsi que toute autre information dont cette autorité disposerait.

Le 19 mars, le procureur du Roi de Tournai transmet aux services de la partie adverse la copie d'un procès-verbal de 2007 classé sans suite par opportunité et d'un jugement du tribunal correctionnel du 19 janvier 2010 qui, d'une part, déclare établie, à charge du requérant, la prévention de coups et blessures volontaires portés à Quentin Mortier, le fils de son ex-épouse issu d'une première union, ces coups et blessures ayant causé une maladie ou une incapacité de travail personnel, avec la circonstance que le coupable est une personne qui cohabite occasionnellement ou habituellement avec la victime (art. 392, 399, alinéa 1er, et

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405ter du Code pénal) et, d'autre part, ordonne la suspension du prononcé de la condamnation pendant une durée de trois ans.

Le 29 avril, le procureur du Roi de Tournai transmet aux services de la partie adverse le dossier complet dans l'affaire de coups et blessures volontaires.

Le 8 juin, un inspecteur de police détaché auprès des services de la partie adverse établit un rapport d'enquête sur les conditions de sécurité relatives au requérant. Ce rapport met en exergue le jugement du tribunal correctionnel de Tournai du 19 janvier 2010, le procès-verbal classé sans suite pour opportunité et un procès-verbal établi en matière de gardiennage ayant abouti à un «arrangement» à l'amiable de 500 euros.

Le 15 juin, la commission «enquête sur les conditions de sécurité» instituée au sein du S.P.F. Intérieur estime que le requérant ne satisfait plus aux conditions de sécurité et qu’une procédure de retrait de la carte d'identification doit être mise en œuvre.

Par une lettre datée du 16 juillet, les services de la partie adverse informent le requérant que le ministre de l'Intérieur envisage de refuser de lui délivrer une carte en raison du jugement du tribunal correctionnel de Tournai du 19 janvier 2010. Cette lettre semble avoir été déposée à la poste le 19 juillet mais le cachet de la poste sur la pièce du dossier administratif est illisible.

Par un courrier du 23 août, le précédent conseil du requérant demande la prolongation du délai pour faire part de ses observations, en raison de la difficulté, en période de vacances, de collationner des éléments objectifs favorables. Il souligne que, depuis 1998, aucun fait répréhensible n'a été mis à sa charge à l'occasion de ses activités professionnelles, que des attestations de ses employeurs sont jointes, que la vie du ménage qu'il formait avec la maman de la victime des coups et blessures volontaires s'était fortement dégradée, qu'il s'agit d'un jeune à problèmes, que le tribunal correctionnel, loin d'appliquer une sanction, a choisi la formule de la suspension du prononcé pour éviter le déclassement professionnel de son client, que ce dernier a quitté la maman du jeune en raison de l'impossibilité de gérer la situation familiale, qu'il n'a plus jamais eu le moindre contact avec le jeune et qu'il a les meilleures relations du monde avec son fils Andrew.

Par un courrier du 31 août, le précédent conseil du requérant envoie diverses attestations relatives à la bonne conduite professionnelle et familiale de son client.

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Le 10 septembre, les services de la partie adverse font savoir qu'ils accèdent à la demande de prolongation de la période destinée à permettre le dépôt d'observations.

Par un courrier du 28 septembre, le précédent conseil du requérant envoie aux services de la partie adverse une lettre d'un ancien employeur du requérant faisant part de sa satisfaction à l'égard de ce dernier. Il est également précisé que, dans un souci d'apaisement, le requérant a accepté de verser à la victime une indemnité provisionnelle de 250 euros.

Le 7 décembre, le requérant est entendu par les services de la partie adverse. Lors de cette audition, il souligne notamment que son employeur, qui était au courant de la procédure de retrait, ne l'a pas écarté de son entreprise.

Le 17 janvier 2011, le ministre de l'Intérieur prend la décision suivante :

[Y]

Vous êtes actuellement détenteur de la carte d'identification numéro 00058879 qui a été délivrée pour vous à l'entreprise de gardiennage F.A.C.T. Security SPRL. Cette carte est valable jusqu'au 21 avril 2011 et porte sur l'exercice d'activités de surveillance et de protection des biens mobiliers ou immobiliers et des activités de surveillance et contrôle de personnes dans le cadre du maintien de la sécurité dans des lieux accessibles ou non au public.

Les interventions des entreprises de gardiennage et de leur personnel ont un rapport étroit avec l'ordre public et sont, dès lors, particulièrement délicates. C'est pourquoi, le législateur a tenu à s'assurer que les personnes qui exercent des activités de gardiennage - activités qui sont traditionnellement du ressort d'autorités publiques - soient des individus dignes de confiance. Afin de pouvoir exercer des activités de gardiennage, vous devez par conséquent satisfaire aux conditions de sécurité fixées à l'article 6, alinéa 1, 8°, de la loi du 10 avril 1990.

Cet article stipule que les personnes qui exercent une fonction d'exécution au sein d'une entreprise de gardiennage doivent satisfaire aux conditions de sécurité nécessaires à l'exercice de celle-ci et ne pas avoir commis de faits qui, même s'ils n'ont pas fait l'objet d'une condamnation pénale, portent atteinte à la confiance en l'intéressé, parce qu'ils constituent un manquement grave à la déontologie professionnelle ou une contre-indication au profil souhaité, tel que visé à l'article 7, § 1er bis.

Sont donc également visés les faits qui, pour un citoyen, ne sont peut-être pas si graves et n'ont dès lors pas été sanctionnés par un juge pénal, mais qui revêtent de l'importance pour une personne active dans le secteur du gardiennage.

Ledit profil défini à l'article 7, § 1er bis de la loi est caractérisé par : 1° le respect pour les droits fondamentaux des concitoyens; 2° l'intégrité; 3° une capacité à faire face à un comportement agressif de la part de tiers et à se maîtriser dans de telles situations; 4° l'absence des liens suspects avec le milieu criminel;

Il doit donc être vérifié, pour chaque agent de gardiennage, qu'il présente le profil requis pour travailler dans ce secteur.

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De plus, l'article 17, alinéa 1er, 2°, de la loi du 10 avril 1990 réglementant la sécurité privée et particulière stipule que je peux retirer ou suspendre pour une durée maximum de six mois aux personnes visées à l'article 8, § 3, pour toutes les activités exercées ou pour partie d'entre elles, pour tous les lieux où ces activités sont exercées ou pour certains d'entre eux, la carte d'identification qui leur a été délivrée conformément à ladite disposition, lorsque ces personnes ne respectent pas les conditions de la loi précitée ou de ses arrêtés d'exécution ou ne satisfont plus à leurs conditions.

Après que vous y ayez consenti, le 23 février 2006, une enquête sur les conditions de...

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