Décision judiciaire de Conseil d'État, 4 juin 2010

Date de Résolution 4 juin 2010
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

no 204.779 du 4 juin 2010 G./A.191.470/VI-18.122

En cause : 1. l'association sans but lucratif BUREAU D'ACCUEIL

ET DE DEFENSE DES JEUNES, en abrégé B.A.D.J., 2. l'association sans but lucratif BUREAU D'ACCUEIL ET DE DEFENSE DES JEUNES - HAINAUT, en abrégé B.A.D.J. Hainaut,

3. l'association sans but lucratif SERVICE DROITS DES JEUNES-LIEGE, en abrégé S.D.J.-Liège,

ayant élu domicile chez

Me Drita DUSHAJ, avocat, rue de Wynants, nº 23, 1000 Bruxelles,

contre :

la Communauté française, représentée par son Gouvernement,

ayant élu domicile chez

Me Isabelle KLEINERMANN, avocat, avenue De Fré, nº 269/4, 1180 Bruxelles.

-------------------------------------------------------------------------------------------------------LE CONSEIL D'ETAT, VI e CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 6 février 2009 par l'association sans but lucratif BUREAU D'ACCUEIL ET DE DEFENSE DES JEUNES, en abrégé B.A.D.J., l'association sans but lucratif BUREAU D'ACCUEIL ET DE DEFENSE DES JEUNES - HAINAUT, en abrégé B.A.D.J. Hainaut et l'association sans but lucratif SERVICE DROITS DES JEUNES-LIEGE, en abrégé S.D.J.-Liège, qui demandent l'annulation, dans l*arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 2 octobre 2008 modifiant l*arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 15 mars 1999 relatif aux conditions particulières d*agrément et d*octroi des subventions pour les services d*aide en milieu ouvert, publié au Moniteur belge du 10 décembre 2008, des dispositions suivantes :

VI- 18.122 -1/23

- l’article 4 en ce qu’il introduit dans l’article 5 de l’arrêté du 15 mars 1999 précité un paragraphe 2 nouveau,

- l’article 5,

- l’article 12 en ce qu’il introduit dans l’article 15 de l’arrêté du 15 mars 1999 précité un paragraphe 3 nouveau;

Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

Vu le rapport de M. BOSQUET, Auditeur au Conseil d'Etat;

Vu la notification du rapport aux parties et le dernier mémoire de la partie requérante;

Vu l'ordonnance du 13 avril 2010, notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience du 19 mai 2010;

Entendu, en son rapport, M. LEWALLE, Conseiller d'Etat;

Entendu, en leurs observations, Me Jacques FIERENS, avocat, comparaissant pour les parties requérantes et Me Philippe SCHAFFNER, loco Me Isabelle KLEINERAMNN, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, M. BOSQUET, Auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les éléments de fait et de droit utiles à l’examen de la requête sont les suivants :

  1. Les requérantes sont des associations sans but lucratif, actives dans le domaine de l’aide à la jeunesse, qui gèrent chacune un "service d’aide en milieu ouvert" subventionné, pour lequel elles bénéficient de l’agrément prévu à l’article 43, alinéa 1er,

    du décret de la Communauté française du 4 mars 1991 relatif à l’aide à la jeunesse.

    VI- 18.122 -2/23

    Selon cette disposition, "toute personne physique ou morale s’offrant, moyennant subventions, à héberger ou à aider habituellement des jeunes en vertu du présent décret, doit avoir été agréée à cette fin par le Gouvernement".

  2. Aux services d’aide en milieu ouvert s’appliquent, d’une part, l’arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 15 mars 1999 relatif aux conditions générales d'agrément et d'octroi des subventions pour les services visés à l'article 43 du décret du 4 mars 1991 relatif à l'aide à la jeunesse et, d’autre part, l’arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 15 mars 1999 relatif aux conditions particulières d'agrément et d'octroi des subventions pour les services d'aide en milieu ouvert.

  3. Les missions des services d’aide en milieu ouvert, telles qu’elles résultent notamment de l’article 2 de l’arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 15 mars 1999 relatif aux conditions particulières d'agrément et d'octroi des subventions pour les services d'aide en milieu ouvert, sont principalement l’aide préventive au bénéfice des jeunes dans leur milieu de vie et dans leurs rapports avec l’environnement social et familial.

    Cette aide préventive comprend l’aide individuelle et l’action communautaire.

    L’aide individuelle vise notamment à effectuer un travail d’écoute, d’orientation et de médiation. Cette intervention du service se fait de manière non contraignante et en dehors de tout mandat.

  4. L’arrêté attaqué modifie l’arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 15 mars 1999 relatif aux conditions particulières d'agrément et d'octroi des subventions pour les services d'aide en milieu ouvert.

    Le préambule de l’arrêté attaqué comprend les passages suivants :

    " Considérant la nécessité de réaffirmer que les services d’aide en milieu ouvert

    (AMO) s’inscrivent dans le champ de l’aide spécialisée, complémentaire et supplétive telle que définie dans le décret du 4 mars 1991 relatif à l’aide à la jeunesse et que cette réaffirmation passe par une définition plus précise des missions des services AMO qui comprennent une aide individuelle, sociale et éducative et un travail communautaire qui peut intégrer des actions collectives sans que celles-ci puissent devenir un objectif en elles-mêmes;

    VI- 18.122 -3/23

    Considérant qu’en précisant ainsi les missions des services AMO, ceux-ci continuent à être des acteurs de prévention qui s’inscrivent dans une dynamique d’aide sociale et éducative privilégiant l’accompagnement du jeune et de sa famille à travers une démarche émancipatrice et citoyenne qui vise à favoriser l’épanouissement de celuici dans son environnement social et familial afin de prévenir toute dégradation ou rupture avec cet environnement;

    Considérant que, pour que dans le respect du rôle de chacun et hors de tout lien de subordination, les services AMO puissent remplir leurs missions, ils doivent s’inscrire dans une concertation avec les acteurs concernés par l’intérêt du jeune et de sa famille;

    Considérant que la spécificité des services AMO est de travailler en dehors de tout mandat, ce qui implique un travail basé sur une relation de confiance avec le jeune, dans laquelle la confidentialité est fondamentale;

    Considérant que les services AMO ont pour mission d’aller régulièrement à la rencontre des jeunes dans leur milieu de vie par un travail de prise de contact et de présence adaptée à leur environnement;

    Considérant la responsabilité des services AMO de relayer leurs analyses socioéducatives notamment auprès des instances sociales, administratives et politiques, et de les interpeller si nécessaire".

  5. La première modification attaquée ajoute expressément dans la réglementation existante que l’aide individuelle apportée au jeune "comprend le travail en réseau". Avant cette modification, l’arrêté du 15 mars 1999 n’indiquait pas expressément que l’aide individuelle comprenait le "travail en réseau".

    Toutefois, l’article 14 de l’arrêté du 15 mars 1999, avant sa modification par l’acte attaqué, modification non spécifiquement attaquée par les requérantes, indiquait notamment que "le projet pédagogique s’élabore conformément à la grille normalisée définie par le Ministre, en tenant compte des obligations suivantes : [...] 6/ renseigner les dispositions prévues pour que, en cas de situation de crise d’un jeune, une aide adéquate puisse lui être apportée dans les meilleurs délais, et éventuellement dans le cadre d’un réseau de collaboration inter-services".

    La nécessité d’une collaboration éventuelle avec les autres "services" au sens de l’article 43 du décret résultait par ailleurs expressément de l’article 5, alinéa 1er,

    de l’arrêté qui disposait ce qui suit:

    " Après avoir examiné et traité la demande d’aide individuelle, le service oriente prioritairement l’intéressé vers les services publics ou privés de l’aide générale ou spécialisée, s’il apparaît que ceux-ci sont compétents pour apporter l’aide sollicitée.

    Dans ce cas, le service accompagne l’intéressé, à sa demande, et lui apporte, s’il échet, toute l’aide nécessaire afin de lui permettre d’exercer ses droits et d’utiliser tout moyen d’interpellation".

    VI- 18.122 -4/23

    C’est également l’idée de collaboration qui sous-tend une autre modification, non attaquée, apportée par l’article 4 de l’acte attaqué, aux termes de laquelle l’article 5, § 1er, 3/, de l’arrêté du 15 mars 1999 dispose désormais que "l’aide individuelle peut : [...] 3/ résulter d’une orientation [...] par tout autre organisme".

  6. La deuxième modification attaquée porte sur les informations que le service peut ou doit donner à la personne qui a orienté le jeune vers lui, à savoir :

    - soit "l*instance de décision" c’est-à-dire le conseiller de l’aide à la jeunesse, le directeur de l’aide à la jeunesse, ou le juge de la jeunesse,

    - soit le procureur du Roi,

    - soit "l*organisme".

    Il est prévu que le service "informe" du fait qu’une "action d*aide est entreprise, poursuivie ou clôturée". Il est en outre prévu que le service "peut" transmettre aux mêmes personnes une information, éventuellement écrite, sur les modalités de l’aide apportée au jeune.

    Le texte nouveau diffère quelque peu de ce que prévoyait antérieurement l’article 4, § 3, de l’arrêté du 15 mars 1999.

    Dans sa version d’origine, l’arrêté du 15 mars 1999 prévoyait que le jeune pouvait être orienté vers le service AMO par "le conseiller de l’aide à la jeunesse, le directeur de l’aide à la jeunesse et les instances judiciaires, ci-après dénommées l’instance de décision", alors que, à la suite des modifications apportées par l’acte attaqué, les personnes pouvant orienter le jeune vers le service AMO sont définies de manière plus large, de la manière suivante : "le conseiller de l’aide à la jeunesse, le directeur de l’aide à la jeunesse, le juge de la jeunesse, ci-après dénommées «instances de décisions», [...] le procureur du Roi ou [...] tout autre organisme".

    La disposition attaquée ne change rien au fait que, comme par le passé, le...

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