Décision judiciaire de Conseil d'État, 22 mai 2017
Date de Résolution | 22 mai 2017 |
Juridiction | XV |
Nature | Arrêt |
CONSEIL D’ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF
XVe CHAMBRE
A R R Ê T
nº 238.284 du 22 mai 2017
212.157/XV-2517
En cause : 1. WILHELMI Antoine, 2. HALLIN Catherine, 3. HERRERA GANGAS Alejandra, 4. COMPTOUR Fabrice, ayant élu domicile chez Me Benjamin REULIAUX, avocat,
chaussée de Louvain 431F
1380 Lasne,
contre :
l'État belge, représenté par le ministre de la Mobilité, ayant élu domicile chez Mes Jan BOUCKAERT et Marc BAETENS-SPETSCHINSKY, avocats,
Centre Plaza rue de Loxum 25 1000 Bruxelles.
ᆐ ------------------------------------------------------------------------------------------------------ I. Objet du recours
Par une requête introduite le 7 avril 2014, (1) Antoine Wilhelmi, (2) Catherine Hallin, (3) Alejandra Herrera Gangas et (4) Fabrice Comptour demandent l’annulation de : 1. «l’instruction ministérielle d’exécution des accords du Conseil des Ministres des 19 décembre 2008 et 26 février 2010 en matière de procédures de décollage et de sélection des pistes adressée le 15 mars 2012 par Monsieur le Secrétaire d’État à l’Environnement, à l’Énergie, à la Mobilité et aux Réformes institutionnelles Melchior Wathelet à la société Belgocontrol»; 2. «des décisions du Secrétaire d’État à l’Environnement, à l’Énergie, à la Mobilité et aux Réformes institutionnelles Melchior Wathelet contenant la mise en œuvre de l’instruction précitée, (aeronautical information publication n° 02/2014 n° 03/2014)»;
XV - 2517 - 1/22
I. Procédure
Le dossier administratif a été déposé.
Les mémoires en réponse et en réplique ont été régulièrement échangés.
M. le premier auditeur Denis DELVAX a rédigé un rapport sur la base de l’article 12 du Règlement général de procédure.
Le rapport a été notifié aux parties.
Les parties ont déposé un dernier mémoire.
Par une ordonnance du 29 mars 2017, l’affaire a été fixée à l'audience du 25 avril 2017.
M. Michel LEROY, président de chambre, a fait rapport.
Me Benjamin REULIAUX, avocat, comparaissant pour les parties requérantes, et Mes Jan BOUCKAERT et Marc BAETENS-SPETSCHINSKY, avocats, comparaissant pour la partie adverse, ont été entendus en leurs observations.
M. Denis DELVAX, premier auditeur, a été entendu en son avis contraire.
Il est fait application des dispositions relatives à l’emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973.
II. Réglementation applicable
Considérant que le contexte législatif et réglementaire des actes attaqués se présente comme suit:
loi du 27 juin 1937 portant révision de la loi du 16 novembre 1919 relative à la réglementation aérienne, article 5, § 1er:
Seront de même édictées par arrêté royal, toutes prescriptions réglementaires intéressant la navigation aérienne et notamment celles relatives aux aéronefs, à leur personnel de bord, à la navigation et à la circulation aérienne, au domaine et aux services publics affectés à cette navigation et à cette circulation, aux péages, taxes, redevances ou droits réglementaires auxquels est soumise l’utilisation de ces domaines et services publics.
;
XV - 2517 - 2/22
arrêté royal du 15 mars 1954 réglementant la navigation aérienne, article 43, § 2, alinéa 1er:
Le Ministre chargé de l’administration de l’aéronautique ou son délégué fixe, dans chaque cas, les conditions techniques d’utilisation des aérodromes.
arrêté royal du 15 septembre 1994 fixant les règles de l’air (abrogé depuis lors), article 2, § 2: « Les délimitations de la région d’information de vol de Bruxelles ainsi que celles des régions de contrôle, des zones de contrôle, des routes à service consultatif, des routes ATS, des zones de circulation d’aérodrome, des zones de contrôle et des classes d’espaces aériens ATS comprises dans l’espace aérien défini au § 1er
sont fixées par décision du Ministre chargé de l’administration de l’aéronautique ou du directeur général de l’Administration de l’Aéronautique.
loi du 21 mars 1991 portant réformes de certaines entreprises publiques autonomes, article 1701: « Belgocontrol a pour objet:
1° d’assurer la sécurité de la navigation aérienne dans les espaces aériens dont l’État belge est responsable en vertu de la Convention relative à l’Aviation civile internationale du 7 décembre 1944, notamment son annexe 2, approuvée par la loi du 30 avril 1947, ou en vertu de tout autre accord international;
2° d’assurer à l’aéroport de Bruxelles-National le contrôle des mouvements des aéronefs en approche, à l’atterrissage, au décollage et sur les pistes et les voies de circulation, ainsi que le guidage des aéronefs sur les aires de trafic, et de continuer à assurer la sécurité du trafic aérien des aéroports et aérodromes publics régionaux conformément à l’accord de coopération conclu le 30 novembre 1989 avec les Régions;
3° de fournir aux services de police et d’inspection aéronautique et aéroportuaire des informations relatives aux aéronefs, à leur pilotage, à leurs mouvements et aux effets observables de ceux-ci;
4° de fournir des informations météorologiques pour la navigation aérienne, ainsi que des services de télécommunications ou autres services liés aux activités visées aux 1° ou 2°.
Les règles relatives à l’utilisation de l’espace aérien et des infrastructures aéroportuaires sont contenues dans les Aeronautical Information Publications (AIP), qui sont des publications émanant de l’autorité nationale compétente (le «régulateur»), contenant les règles de caractère durable essentielles à la navigation aérienne. Les AIP se présentent en format informatique et en format papier. Chaque
1 Inséré par l’article 32 de l’arrêté royal du 2 avril 1998 portant réforme des structures de gestion de l’aéroport de Bruxelles-National, entré en vigueur le 11 avril 1998 et confirmé par la loi du 9 juillet 1998 portant confirmation de l’arrêté royal du 2 avril 1998 portant réforme des structures de gestion de l’aéroport de Bruxelles-National pris en application de la loi du 19 décembre 1997 visant à rationaliser la gestion de l’aéroport de Bruxelles-National.
XV - 2517 - 3/22
AIP se compose de trois parties, à savoir des règles générales (General - GEN), des règles relatives au vol (En route – ENR) et des règles et informations relatives aux aérodromes (Aerodromes – AD). Ces informations sont rédigées en anglais et présentent un caractère très technique. Les modifications permanentes apportées aux AIP font l’objet d’une diffusion selon le système AIRAC (Aeronautical Information Regulation and Control), en application duquel les informations relatives à des changements importants doivent être publiées au plus tard 42 jours avant leur entrée en vigueur. Lorsque des mentions des AIP ne sont temporairement plus applicables, l’information fait l’objet d’une diffusion selon le système NOTAM (Notice to Airmen) consistant en un «avis diffusé par télécommunication, donnant sur l’établissement, l’état ou la modification d’une installation, d’un service, d’une procédure aéronautique, ou d’un danger pour la navigation aérienne, des renseignements qu’il est essentiel de communiquer à temps au personnel chargé des opérations aériennes»2.
III. Faits
L’aéroport de Bruxelles-National dispose de trois pistes utilisables chacune dans les deux sens, dénommées respectivement 25R-07L, 25L-07R et 01-19 3 . L’utilisation des pistes est réglée par le «Preferential Runway System» (PRS), qui indique, pour chaque jour de la semaine, la ou les pistes utilisées de préférence, de jour et de nuit, respectivement pour l’atterrissage et le décollage. Dans la mesure où ces règles ont un caractère général, le ministre fédéral ayant la mobilité dans ses attributions donne instruction de les faire figurer dans l’AIP. Les pilotes sont en principe tenus d’utiliser les pistes indiquées. Le choix de la piste à utiliser tient compte d’un certain nombre de paramètres, au nombre desquels la direction et la force du vent jouent un rôle important. Les vents dominants étant de secteur ouest et les mouvements d’avions se faisant de préférence face au vent, les pistes 25R et 25L sont les plus utilisées, mais quand le vent vient d’une certaine direction et dépasse une certaine vitesse, une piste mieux orientée par rapport au vent est désignée. Chaque piste est associée à des routes précises pour les atterrissages et les décollages, qui sont préférentiellement fixées et que les pilotes doivent emprunter. Ces routes sont, pour les avions volant aux instruments, désignées par les acronymes «SID» (Standard Instrument Departure) pour les décollages et «STAR» (Standard Instrument Arrival») pour les atterrissages. Elles sont également publiées dans les AIP, sur instruction du ministre. La piste dont un appareil décolle ou sur laquelle il
2 Arrêté royal du 15 septembre 1994, article 1er.
3 Anciennement 02-20, mais sa dénomination a été modifiée en raison du déplacement du pôle magnétique.
XV - 2517 - 4/22
atterrit et la route aérienne qu’il suit influencent les parties du territoire qui sont survolées.
Le choix des pistes à utiliser a été laissé jusqu’en 1972 aux autorités de contrôle du trafic aérien, sans interférence politique. Mais depuis 1972, la détermination des pistes à utiliser préférentiellement a fait l’objet de décisions, discussions et polémiques politiques et de multiples procédures juridictionnelles, qui ont pris une acuité particulière à partir de 1985, quand une compagnie de fret aérien a implanté son centre de tri européen à l’aéroport de Bruxelles-National, accroissant considérablement le nombre de mouvements nocturnes.
Dans ce contexte, le secrétaire d’État a établi, le 17 décembre 2008, une note au conseil des ministres relative à la gestion des nuisances sonores de l’aéroport de Bruxelles-National. Le point 2 de cette note concernait l’utilisation préférentielle des pistes. Cette note proposait de charger le secrétaire d’État de prendre diverses mesures, et notamment:
3. de donner instruction à Belgocontrol de modifier le système...
Pour continuer la lecture
SOLLICITEZ VOTRE ESSAI